SOULFIRE : LA SCIENCE-FICTION FANTASY DE MICHAEL TURNER


 Fantasy et science-fiction font-elles bon ménage? La question peut se poser, et trouve une réponse fort positive avec Soulfire, dont Delcourt vient de publier l'intégrale par Michael Turner en ce mois de juin. C'est la fête aux années 90 et 2000 chez l'éditeur, après Fathom, et le trentième anniversaire de Spawn ! En fait, il existe tant de liens ou d'analogies entre les deux genres cités en début d'article, qu'il est parfois difficile de marquer la frontière. Nous pourrions dire, pour justifier la démarcation, que le genre fantasy nécessite l'acceptation et l'emploi d'une magie fort puissante, là où la science-fiction se propose souvent de recourir à des solutions narratives et des inventions plus techniques ou sociétales. Soulfire, titre présenté sur l'étiquette Aspen Comics en 2003, puise dans les deux camps. Si l'histoire se propose d'embrasser différentes lignes temporelles, elle prend son essor principalement dans le futur, avec un groupe de personnages dont nous faisons très tôt la connaissance. Malikai est un gamin (un jeune ado) particulièrement recherché, un orphelin débrouillard que rien ne destine à devenir l'enjeux de pouvoirs qui le dépasse, dans un premier temps. Il est entouré de son ami P.J, une sorte de punk surfeur à la coiffe héritée de Dragon Ball, et de la belle Sonia (Phoebe). Dans le monde de Malikai, la technologie a fait de grands bonds en avant, et sa passion pour les interfaces virtuelles en est un excellent exemple. Son univers va changer drastiquement le jour où débarque une magnifique guerrière ailée, qui l'entraîne dans une course poursuite jusqu'aux iles Hawaï, avec des dragons droit sortis de contes fantastiques, et d'autres intervenants badass et solidement armés comme l'énigmatique Benoist. Soulfire fait alors la part belle aux courbes délicieuses de Grace, cette créature magnifique dotée d'ailes et qui est chargée de protéger Malikai, de lui monter la voie qui devra être sienne. C'est elle qui est reproduite sur une longue série de couvertures régulières et variant, comme un des arguments de vente les plus convaincants, pour une série qui est visuellement un plaisir coupable. C'est elle qui est l'élément qui fait la jonction entre les promesses et les prophéties dont Malikai est abreuvé, et la dure réalité, faite de combats, de trahisons, de découvertes douloureuses (imaginez vous avec des ailes qui poussent dans le dos, et des dons fabuleux que vous découvrez au moment où vous pensez que vous allez mourir, vous verrez bien…) 



Soulfire est un titre un peu particulier, car le regretté Michael Turner, ici à l'apogée de sa créativité, et épaulé au départ par les conseils avisés de Jeph Loeb, n'aura jamais eu l'occasion d'achever l'ouvrage commencé. Après avoir réalisé les six premiers épisodes, c'est son ami Joe Benitez, un artiste brillant depuis devenu célèbre grâce à Lady Mechanika, qui poursuit l'histoire en s'aidant notablement des notes et des ébauches disponibles, jusqu'à atteindre le dixième numéro. Turner est au faîte de son style, disions-nous. Ses planches sont particulièrement "cinématographiques" et audacieuses, elles débordent d'une énergie fougueuse, entre dragons impétueux, silhouettes féminines plus élégantes et tentatrices que jamais, et un montage frénétique, qui n'oublie cependant pas de rester lisible. Tous les personnages sont rapidement introduits et l'introspection psychologique n'est qu'ébauchée, pour privilégier une forme d'humour détaché (mais Malikai est ses amis sont très jeunes, que voudriez-vous de plus, le raisonnement par la pensée présocratique ?). Le principe de Soulfire est simple. La magie dominait autrefois le monde, mais son influence et son pouvoir ont décliné, et elle a fini par disparaître presque totalement. Malikai ne le sait pas (et pour cause, c'est un gamin insouciant voire irritant) mais il est le Samusara, c'est à dire le "porteur de lumière", celui qui va devoir rallumer la magie, un jour prochain. Mais l'âge des merveilles promis est tributaire de sa capacité à dompter ses nouveaux dons, et de l'opposition du perfide et multimilliardaire Rainier, qui a de toutes autres visées sur l'avenir du monde. L'ensemble constitue une opposition entre la magie et ses possibilités illimitées, et la science et son raisonnement plus aride et logique, comme deux pôles distants qui se repoussent sans cesse, tout en présentant dans le même temps des points communs inéluctables. Ajoutez à ceci la sensualité et l'esprit des temps des années 1990, que Michael Turner parvient à transmettre à tout instant, magnifiquement épaulé par les couleurs de Peter Steigerwold, Beth Sotelo e Christina Strain, et vous obtenez une sorte de document historique vraiment agréable, que Delcourt nous sert sur un plateau, agrémenté de l'aperçu de six pages d'une autre série de Michael Turner, Ekos, dont le développement a été stoppé au profit de Soulfire, après le vote des fans de l'artiste. Le genre de (re)lecture qui tombe à point pour un été brûlant. 



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