HYDE STREET : LA RUE DE L'HORREUR SELON JOHNS ET REIS


 Avec le label Ghost Machine, Geoff Johns semble avoir provisoirement mis en pause ses velléités de scénariste super-héroïque pour s’aventurer dans des territoires plus sombres. Par la grâce de Hyde Street, co-créé avec son complice Ivan Reis, il délaisse les anneaux verts et les tréfonds de l'espace pour explorer les bas-fonds de l’âme humaine : en décor principal, une rue maudite, hors du temps, où les damnés purgent leurs fautes à coup de livraisons d’âmes perdues. Le concept est aussi simple qu’efficace : Hyde Street est une artère fantomatique reliant toutes les grandes villes, un lieu de rédemption forcée où ceux qui ont péché doivent « livrer » dix mille âmes au Compteur, une sorte de comptable infernal. Parmi ces résidents malgré eux, un ancien publicitaire connu sous le nom de Mr. X-Ray, jadis vendeur de gadgets minables comme les fameuses lunettes à rayons X, et désormais condamné à marchander des âmes pour racheter ses fautes passées. Face à lui, Pranky, un jeune Boy Scout démoniaque aussi souriant que cruel, qui continue de semer la perdition avec une ferveur inquiétante. Plus on avance dans l'album, plus on découvre de nouveaux résidents diaboliques, avec notamment un ancien acteur frustré abonné aux rôles de monstres, ou encore une jeune femme obsédée par la perte de poids. Johns joue ici sur une veine horrifique à la fois rétro et contemporaine, qui évoque pêlemêle La Quatrième Dimension, The Sandman ou encore les vieilles anthologies E.C. Comics (voire même… Spawn). L’ambiance rappelle ces publicités mensongères et un brin sordides qu’on trouvait dans les marges des comics des années 1950, et dont vous trouverez quelques reproductions clins d'œil parmi les bonus du tome 1 publié chez Urban Comics.



Graphiquement, Ivan Reis signe des planches d’une richesse impressionnante, renforcées par l’encrage de Danny Miki et les couleurs savantes de Brad Anderson. Le trio évoque les ombres et les textures du comics d’horreur classique sans sombrer dans le pastiche. Francis Portela apporte quant à lui une respiration visuelle bienvenue lors de deux épisodes, avec un style plus européen et clair, qui n'est visiblement pas suffisant pour que son nom apparaisse sur la couverture de l'ouvrage (on adore Francis, aussi doué que sympathique, c'est un crève-cœur que cette décision erronée). Au-delà de ses atours macabres, Hyde Street se penche ouvertement sur notre fascination pour la faute et la punition. Les damnés de Geoff Johns ne sont pas que des monstres : ce sont des humains rongés par la culpabilité, la honte ou l’orgueil. L’horreur, ici, n’est pas dans les crocs des démons, mais dans la lucidité. Et c’est ce qui rend la lecture aussi dérangeante que captivante. Il y a toujours une raison qui pousse ces individus à devenir ce qu'ils sont devenus, qui éclaire d'un jour nouveau leur décadence. Seul les criminels les plus ignobles, comme cet homme qui s'en prenait à des jeunes filles, sont voués à une fin atroce, sans nuance ou rédemption ébauchée. Sombre, cruel, et pourtant profondément humain, Hyde Street confirme que Geoff Johns n’a rien perdu de sa science du récit. Il la met simplement au service d’un enfer moral d’une cohérence jusqu'ici quasi parfaite. L'impression est qu'il s'agit là d'un vrai univers à tiroirs, capable de tenir sur la durée, comme un témoigne aussi le numéro spécial consacré à Mme Bienfaite (la fanatique de la maigreur) et sa famille, qui vient donner de la profondeur psychologique à un personnage détestable, incarnation de la course à la superficialité et aux kilos de trop. Hyde Street est vraiment une découverte à faire au plus vite ! 



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