L’auteur garde néanmoins son sens de l’humour, un humour de fouine qui se faufile entre les coups du sort. Weekly n’est jamais héroïque, rarement malin, souvent malchanceux… bref, humain, sous son pelage de rongeur nerveux qui sent trop fort. Ici, rien de forcé, point de révélation spectaculaire qui change radicalement la donne : Dustin est déjà passionné de photo et plutôt impertinent, et c’est sa confrontation au monde des adultes, à la mort, à la morale, au mensonge, qui sculpte le futur chroniqueur des enquêtes de Blacksad. L’album touche aussi par sa dimension intime : derrière les cadavres (Dustin est embauché chez un taxidermiste où il va devoir faire un peu de ménage et voir comment on maquille des corps sans vie) et les sermons, il y a une relation de tendresse rugueuse entre une grand-mère déracinée et un petit-fils perdu. Ce fil émotionnel, Canales le tisse avec la finesse d’un scénariste qui n’a plus rien à prouver. Côté dessin, Giovanni Rigano s’approprie l’univers de Guarnido sans le singer. Là où l’Espagnol bâtit des ombres et des textures à la manière des grands films noirs, l’Italien opte pour des contours plus doux, des couleurs feutrées, un New York tout en brume et en reflets. Sa formation chez Disney transparaît dans la fluidité du mouvement, la lisibilité des émotions, et ce goût du détail qui rend chaque plan vivant. Rigano signe aussi les couleurs et fournit une copie irréprochable : ombres travaillées, éclairages chauds, atmosphères qui oscillent entre la comédie et le drame. On retrouve cette profusion de personnages secondaires et d’arrière-plans animés qui font de chaque rue un petit théâtre miniature. Bref, Weekly n’est pas un simple produit dérivé, mais un miroir déformant de la série mère : c'est un polar drôle, amer et touchant sur la naissance d’une vocation, mené avec une maîtrise totale, disponible chez Dargaud.
BLACKSAD STORIES WEEKLY : DIAZ CANALES ET RIGANO POUR UN JOLI SPIN-OF
Il fallait bien que ça arrive : après tant d’années à jouer les seconds rôles dans l'ombre du plus célèbre des chats détectives, la petite fouine a droit à son heure de gloire. Blacksad Stories : Weekly nous replonge dans l’Amérique des années cinquante, époque bénie où l’on brûlait volontiers un comic book pour sauver une âme (toutes les références au comics code et à Fredric Wertham ne sont pas innocentes). Juan Díaz Canales s’amuse à raconter la jeunesse du futur photojournaliste, à une époque où il n’était encore qu’un adolescent désœuvré, en quête d’un emploi, d’un sens à sa vie, et accessoirement d’un peu de dignité (pas facile à obtenir, quand apparemment on n'est pas très à cheval sur l'hygiène corporel). Dustin (Weekly s’appelait donc ainsi avant de devenir le chroniqueur des bas-fonds) vit avec sa grand-mère Chana, immigrée russe pieuse et légèrement envahissante, dans un appartement new-yorkais où les murs doivent entendre plus de reproches que de prières. Entre deux sermons, Chana décide de confier son petit-fils à la pasteure Lubansky, croisée moderne convaincue que Satan se cache dans les pages des comics. Ironie du sort, Dustin finit par décrocher un job chez Proper Comics, l’éditeur honni par la sainte femme. On a vu des plans de carrière plus rectilignes, mais rarement plus savoureux. Canales en profite pour ausculter, une fois encore, les contradictions de l’Amérique puritaine : l’angoisse du progrès, la peur de l’autre, et cette obsession pour la pureté morale qui conduit toujours à l’hypocrisie la plus décomplexée. La censure renaît régulièrement sous des formes toujours plus vertueuses, ce retour en arrière n’a donc rien d’anodin. Entre les sermons de la pasteure et les emballements de la presse, on croirait parfois feuilleter une sorte de Twitter (ou X) fraîchement issue des rotatives.
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