Après tout, pourquoi envoyer des soldats se faire trucider sur le champ de bataille, quand les meilleurs amis de l'homme, les animaux, pourraient très bien se faire massacrer à leur place? C'est probablement de ce constat qu'ont du partir les ingénieurs et les savants en charge d'un projet gouvernemental top secret, visant à utiliser d'inoffensives créatures pour fabriquer de petits cyborgs meurtriers. C'est ainsi que Bandit, un labrador bâtard, le chat Tinker, et Pirate le lapin, sont transformés pour devenir des machines à tuer, idéales pour de petits assassinats discrets, ou pour perpétrer un carnage en toute impunité, sans laisser de traces. Les trois animaux sont même capables de communiquer entre eux et avec leurs "supérieurs", par le biais d'un langage simple et essentiel. Mais voilà, toute chose à une fin, et le projet AWE n'a plus besoin de ses trois prototypes classifiés WE3, customisés et entraînés pour un travail en équipe des plus efficaces. Leur système nerveux et leur capacité d'adaptation et de réponse aux stimuli extérieurs, couplés à l'armement militaire greffé à leurs organismes, conseillent de garder le secret sur ces expériences. Alors que se passerait-il si une des scientifiques aidait ces trois cyborgs d'un autre genre à prendre la poudre d'escampette, les laissait gambader en liberté, au mépris du danger évident? L'armée est sur le pied de guerre, et semble bien résolue à récupérer son bien, par tous les moyens! Embarquons pour une aventure qui lorgne vers la science-fiction high-tech, et où abonde les scènes violentes et les trouvailles ingénieuses, tant au niveau des personnages que de la narration, avec une tentative réussie d'expérience post moderne, notamment lorsqu'il s'agit de faire communiquer les animaux. C'est tout bonnement une des plus franches réussites de Grant Morrison, l'homme derrière ce Nou3 fragile ou impitoyable, à tour de rôle.
1, 2 et 3 ont beau être des cyborgs belliqueux, ils en restent des animaux. Parfois, c'est dans un regard tendre et perdu que Frank Quitely nous rappelle à qui nous avons affaire. Le dessinateur exprime son plein potentiel avec des planches tantôt immenses, et visuellement fortes, et d'autres fois des pages composées de petites vignettes carrées successives, chargées en détails, et se référant au cubisme. C'est dans la complicité entre quadrupèdes paumés, sans foyer, pourchassés et pourtant chasseurs eux mêmes, que se joue toute l'intelligence de ce récit émouvant. Après tout nos amis les bêtes n'ont pas de véritable personnalité, ce ne sont pas des êtres humains, pensent les militaires qui les torturent et les customisent en engin de mort. Ce ne sont que des expériences. Mais des expériences en fuite, lancés à la poursuite vague et illusoire d'un lieu où trouver la sérénité, la réminiscence d'un bonheur simple d'autrefois, d'une époque où l'animal se comportait en animal, sans avoir à porter le fardeau de la bêtise de ses "maîtres". Grant Morrison fait preuve encore une fois d'une grande dextérité, d'une capacité à écrire un récit simple mais efficace, qui sait jouer des multiples cordes de l'émotion, sans jamais tomber dans la mièvrerie pontifiante. Sa sensibilité particulière pour la cause animalière n'est pas une nouveauté, comme se le rappellent les lecteurs qui ont dévoré son passage sur Animal Man, où la maltraitance et la vivisection furent abordées crûment par le génie écossais. Urban Comics a proposé WE3 (traduit par Nou3 en français) dans la collection Vertigo Deluxe, et c'est une saine lecture que nous ne saurions que trop vous recommander. Une sorte d'antidote à ces mièvres histoires à la sauce Disney, l'autre coté du miroir, avec l'ombre d'une science sans conscience qui pervertit l'innocence pour en faire une arme, mais ne parvient pas à arriver à ses fins inavouables pour autant.
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