WOLVERINE VENGEANCE : HICKMAN ET CAPULLO EN VERSION "RED BAND"


 Wolverine n’a décidément pas de chance. Même quand il s’offre des vacances exotiques au cœur de territoires sauvages, le voilà rattrapé par ses obligations de super-héros. Nick Fury en personne vient lui rappeler qu'on a besoin de ses services tranchants : direction la Russie, pour une mission urgente qui n’a rien de touristique. Car pendant que Logan profitait du bon temps, le monde a sombré dans le chaos. L’astéroïde M de Magneto s’est écrasé sur Terre, avec pour passager un Maître du magnétisme désormais décédé. Cette combinaison mortifère a déclenché une onde électromagnétique d’une ampleur inédite, grillant les circuits sur une grande partie de la planète et provoquant, au passage, des millions de morts. Dans ce décor post-apocalyptique, les rares sources d’énergie encore exploitables deviennent des enjeux vitaux et attisent toutes les convoitises. C’est donc une véritable opération de braquage que Wolverine va devoir mener en terre russe, épaulé par quelques pointures comme Captain America ou Bucky Barnes. Mais une fois sur le sol étranger, l’équipe censée mettre la main sur une ressource inestimable tombe sur une résistance acharnée : une escouade de soi-disant "héros" pas vraiment fréquentables, sous la houlette de redoutables calibres comme Omega Red ou le Cerveau, manipulateur psychique de premier ordre. À leurs côtés, des trouble-fêtes de choix : Deadpool, toujours imprévisible, Sabretooth, et surtout Colossus, dont l’apparition inattendue réserve quelques surprises. Autant dire que la confrontation dégénère très vite.



Chez Panini Comics, trois éditions de Wolverine : Vengeance sont disponibles : la version standard, une élégante édition noir et blanc qui met en valeur le trait nerveux de Greg Capullo (revenu chez Marvel après une longue parenthèse chez la concurrence) et enfin la fameuse version « Red Band » (un coffret qui content les épisodes au format fascicule). Derrière ce label aguicheur se cache une mouture plus violente, avec des planches plus crues et sanglantes. Nous sommes en 2025 : rien de bien choquant pour un lecteur chevronné, mais c'est suffisamment brutal pour justifier une petite opération marketing de la Maison des Idées. Reste que ce choix éditorial/ commercial colle parfaitement au ton de l’histoire : Wolverine passe une bonne partie du récit à transformer ses adversaires en charpie. Deadpool, Omega Red, Sabretooth, Colossus… aucun ne ressort indemne de la traque sanglante du mutant griffu. Et la conclusion, aussi insolite qu’inattendue, achève de donner à l’album son parfum de divertissement sans fioritures. Wolverine Vengeance ne bouleversera pas l’histoire moderne de Marvel, mais il assume pleinement son côté « bourrin », musclé et sans concessions. Jonathan Hickman a déjà pondu des choses bien plus profondes et ici il se livre avant tout à un exercice récréatif jubilatoire, hors continuité, un règlement de comptes en bonne et due forme, sur fond de futur post apocalyptique. Si vous aimez voir Logan remettre les pendules à l'heure de la manière la plus expéditive qui soit, vous en aurez pour votre argent. Les autres pourront passer leur chemin sans rien perdre d’essentiel.



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MURDER FALCON : WARREN JOHNSON ET LE METAL POUR SAUVER LE MONDE


 Avec un titre pareil, on s’attend à du bruit, de la fureur et une aventure fracassante. Murder Falcon (ici réédité dans une version augmentée) ne déçoit pas : dès les premières pages, nous sommes plongés dans une ville assiégée par un monstre, les habitants fuient, la police brille par son absence… et voilà qu’une fourgonnette tout droit sortie des années 1980 surgit, portière ouverte sur notre héros, Jake. Pas de flingues, pas d’armes secrètes : Jake brandit une guitare électrique. Quelques accords, et le redoutable Murder Falcon fait irruption pour terrasser la bête. Le ton est donné : heavy metal, absurdité assumée et jubilation pure. Et ce n’était que l’échauffement, la suite va monter en gamme, les cordes vont vibrer ! Car Daniel Warren Johnson, qui assure à la fois scénario et dessin, n’en reste pas à une parodie bruyante du metal eighties. Très vite, l’histoire bascule dans quelque chose de plus profond. Jake, musicien en panne de riffs et de confiance, traîne un passé douloureux, il s'est confronté à la maladie, au cancer. On devine chez lui une perte de confiance, la tentation de tout abandonner. Tandis que ses proches ont essayé autrefois de le pousser à reprendre la musique, à ne pas saborder le groupe dans lequel il jouait, lui s’est enfoncé dans une mélancolie que Johnson restitue avec une justesse rare : un regard fuyant, une silhouette voûtée, des dialogues où chaque mot pèse son poids de regrets. La comédie héroïque se double alors d’une méditation sur la mort, l’amitié et la rédemption. Mais qu’on se rassure : l’introspection ne freine jamais l’adrénaline. Plus Jake gratte, plus le Murder Falcon s’électrise, et plus les monstres tombent. 



Pour combattre ces créatures horribles qui essaiment un peu partout, il faut reformer le groupe d'autrefois, retrouver un bassiste et même partir en quête d’une basse magique dans les enfers. Et ce ne sera pas tout, il faudra également penser aux percussions ! Bref, la formation d'antan va renouer avec le bon vieux metal, dernier rempart pour sauver la planète ! La force du titre tient dans ce mélange savoureux : une idée de départ totalement délirante, traitée avec un sérieux graphique explosif qui la rend crédible. Warren Johnson excelle dans la mise en scène. Son dessin explose de vitalité : les combats semblent bondir hors de la page, chaque onomatopée s’intègre à la composition comme une rafale sonore, chaque éclat de couleur signé Mike Spicer accentue la frénésie ambiante. Les monstres, entre insectes difformes et kaijus purulents, suintent de pustules et éclatent en gerbes vert toxique sous les coups du Faucon. Ce dernier gagne en efficacité, en puissance, au fur et à mesure de ce que joue Jake, et la recette est applicables aux autres avatars.  Mais Murder Falcon est bien plus qu’un défouloir métalleux sous acide. C’est un comic qui parvient à concilier le rire, l’action outrancière et une émotion sincère. Les coups de médiator de Jake ne servent pas seulement à réveiller un faucon vengeur : ils redonnent souffle à un homme brisé. Que la maladie a éloigné de sa femme. Et cette dernière a aussi l'occasion, dans une scène poignante et magnifique, d'exprimer toute l'impuissance, la frustration, la colère, de ceux qui vivent la maladie d'un être cher en tant que spectateur. Chaque monstre ici rappelle aussi que la douleur peut être combattue, qu'il faut savoir trouver un exutoire et lâcher prise, pour ne pas sombrer. Murder Falcon, un ouvrage bien plus profond et touchant que ce que beaucoup pourraient imaginer.



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PEACEMAKER TRIES HARD : BOUFFONNERIE, SATIRE ET SOLITUDE


Le super-héros ringard et super violent Christopher Smith (alias Peacemaker) sauve un chien errant après avoir neutralisé un groupe de terroristes. Il baptise aussitôt le chiot « Bruce Wayne » ( le milliardaire masqué, évidemment) et s’attache à lui comme à un ami de longue date. Puisque son fidèle aigle Eagly semble absent de cet album, l’animal devient très vite son nouveau compagnon le plus précieux. Hélas, Bruce Wayne est bientôt enelevé par deux super-vilains de seconde zone : le Cerveau (à la recherche d'un corps pour abriter sa matière grise) et Monsieur Mallah, le gorille surdoué armé jusqu’aux dents. Leur plan initial : faire chanter Peacemaker et l’obliger à voler l’ADN de Deathstroke afin de créer un nouveau corps pour le Cerveau. Ce qui pouvait être une quête désespérée pour sauver un chien va se transformer en odyssée délirante, truffée de rencontres improbables, comme un super vilain qui carbure à la cocaïne, ou encore The Red Bee, super-héros de la Seconde Guerre mondiale que même les encyclopédies des comics oublient de citer. Son meilleur atout ? Une abeille, qui le tire des mauvais pas en cas de besoin. Kyle Starks s’impose ici comme un scénariste idéal pour Peacemaker. Sa verve comique rappelle celle de James Gunn, tout en évitant les écueils du passage de l’humour télévisuel à la planche de comic book. Sans les acteurs pour porter les blagues, il s’appuie sur des dialogues acérés et des punchlines décalées qui peuvent être lues avec l’intonation de John Cena, pour plus d'efficacité (juré, je l'entendais dans ma petite cervelle). Résultat : on rit à voix haute presque malgré soi. On se dit même que Starks serait le candidat parfait pour Deadpool, qui ces dernières années a connu une sérieuse baisse de régime et d'inspiration. Le dessin nerveux de Steve Pugh et les couleurs explosives de Jordie Bellaire magnifient chaque page. Visages expressifs, chorégraphies de bastons absurdes et palettes éclatantes amplifient le chaos et l’humour. Et puisque le physique de Peacemaker est directement calqué sur celui de John Cena, impossible de ne pas faire le lien et d'aimer une des deux versions sans adorer l'autre. 



Comme chez Gunn, Starks comprend que Peacemaker fonctionne à merveille quand le burlesque se mêle à la tendresse. Derrière l’absurdité d’un justicier qui sauve son chien des griffes d’un cerveau parlant et d’un gorille armé se cache un récit sur la solitude et la vulnérabilité. Christopher, marqué par un père violent et négligent, peine à créer des liens. Sa vie ne se résume qu’à son rôle de Peacemaker : pas d’amis, pas de vie privée, et même Amanda Waller ou la Suicide Squad esquivent ses invitations. Il ne lui reste que son agent de probation, Richard, et son chien Bruce Wayne pour lui témoigner une affection sincère. Starks souligne cette fragilité à travers des moments de mélancolie, d’échec, de deuil et des flashbacks traumatiques. Empathie assurée, pour un héros tendre, bourru, et surtout complétement con. En fait, Peacemaker n’est pas seulement un gag ambulant. Il incarne à sa façon les paradoxes de la droite américaine contemporaine, version Trump V2. On veut se moquer de ces patriotes bornés, les tourner en ridicule, mais on sait aussi qu'ils peuvent s'avérer être des menaces bien réelles pour les libertés fondamentales, la démocratie. L’Amérique persiste à se rêver nation de pionniers : un western qui voudrait toujours peindre ses héros en hors-la-loi, mais des hors-la-loi que le public finit par adouber, par acclamer. Peacemaker, pour sa part, est un franc tireur, il ne pense en réalité qu’à suivre ses pulsions et à obéir à celui qui lui donnera une mission. Au fond, il est presque ravi que le Cerveau et Mallah aient kidnappé son chien : cela lui donne un but provisoire dans la vie, une cible sur laquelle projeter sa rage. C'est toujours mieux que de passer un nouveau week-end dans la solitude la plus complète, quand tout le monde décline votre invitation et vous tourne le dos. Patriotisme aveugle, âgisme, sexisme, culture incel : Starks se moque de tout et nous tend un miroir fidèle sur nos responsabilités individuelles. Peacemaker tries hard assume sa filiation avec la série télévisée et la douce folie du Silver Age. C'est parfois désopilant, dingue, caustique, c'est une fichue bonne surprise, en fait !



Peacemaker, la série, saison 1 : la chronique


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LE DESTIN D'AMRAK : OLIVIER GAY ET GEIZER CHEZ DRAKOO


 La règle est simple : lorsqu’une nouvelle BD sort avec Olivier Gay au scénario, cela signifie aussitôt une chronique sur notre site et une recommandation d’achat pour nos lecteurs. La raison est claire : l’auteur ne déçoit jamais. Il est devenu un véritable maître dans l’art de développer des récits solides, drôles et accessibles à un public large, aussi bien aux jeunes qu’aux adultes. Une fois encore, son savoir-faire saute aux yeux avec Le Destin d’Amrak. L’histoire met en scène un jeune Templier qui reprend connaissance sur un champ de bataille. Problème : il n’a absolument aucun souvenir de ce qu’il fait là. Il ne sait même pas comment il s’appelle, ni pour qui il combat. En quelques pages, le décor est planté : une contrée orientale où l’Empire affronte des forces religieuses, de la fantasy qui recycle tous les éléments convenus, mais avec brio. Amrak, lui, comprend vite que sa mémoire vacille, mais que son sort n'est pas si mauvais, puisqu'il fait preuve d'une chance insolente. Lorsqu’il saisit son épée, celle-ci lui échappe et se plante d’elle-même dans la poitrine de son adversaire. Quand il trébuche au moment où un carreau d’arbalète le vise, il échappe miraculeusement à la mort. C’est presque invraisemblable : comment un homme apparemment ordinaire peut-il accumuler une telle série de coups de chance ? La question intrigue aussi une jeune voleuse qui croise sa route et l’aide à échapper à ses poursuivants. Contrairement à lui, elle cultive la poisse, n’a pas froid aux yeux et, bien entendu, ne résiste pas longtemps au charme maladroit d’Amrak. Olivier Gay en profite pour glisser quelques scènes à la fois érotiques et bouffonnes, qui ajoutent un grain de piment à une histoire menée tambour battant et qui, une fois encore, semble couler de source.



Nous sommes donc, une fois encore, face à un récit qui parvient à dédramatiser et à tourner en dérision des événements pourtant cruels. Les sourires ne manqueront pas, tout comme les portraits grinçants de personnages capables de mentir ou d’escroquer sans le moindre état d’âme. L’ensemble est rehaussé par le travail graphique de GeyseR : qu’il s’agisse de la ville d’Amadis, de la montagne des dieux ou, tout simplement, des personnages eux-mêmes, de leurs costumes ou de leurs armures, tout est soigné avec un véritable style personnel. Qui ne puise pas dans l’ultra-réalisme, mais confère à l’ensemble une patine subtilement caricaturale. Le destin d’Amrak se lit vite, tambour battant. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il s’agit, en réalité, d’une sorte de course-poursuite du début à la fin. Le héros ne prend conscience de sa véritable identité que dans les toutes dernières pages, tandis que, le reste du temps, il tente surtout de survivre, d’apprendre à se découvrir et de profiter d’une série de coups du sort bien trop favorables pour relever du simple hasard. De l’inventivité, une belle dose d’humour : que demander de plus à cette parution attachante, disponible en cette fin de mois d’août chez Drakoo ?


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BATMAN OFF-WORLD : BATMAN EN GOGUETTE DANS L'ESPACE


 Je ne vous apprendrai rien en rappelant que Batman est avant tout un héros urbain. Son terrain de jeu favori ? Les ruelles sombres de Gotham, peuplées de malfrats en imperméable douteux et de super-vilains au look baroque, qui infestent la ville depuis des décennies. Mais Batman dans l’espace… voilà une idée qui frôle la fantaisie la plus décalée. Certes, au fil de sa longue carrière éditoriale, le Chevalier Noir a déjà croisé des extraterrestres ou participé à des affrontements cosmiques. Pourtant, Jason Aaron nous propose ici une variante singulière : un Batman propulsé à bord d’un gigantesque vaisseau spatial, le Rafale de guerre, où il se fait littéralement rouer de coups jour après jour, tout cela pour assimiler les techniques de combat alien indispensables à sa nouvelle mission. Car tout est parti d’un incident sur Terre : un extraterrestre s’est invité à Gotham, a semé le chaos et, comble de l’affront, a infligé une sévère défaite au Dark Knight. Or, Bruce Wayne, milliardaire rancunier s’il en est, ne supporte pas de rester sur un revers. Il a donc juré de pourchasser son adversaire jusqu’à son terrain d’origine. Et comme il n’existe pas de Bat-navette en vente libre, il s’est offert un vaisseau spatial flambant neuf. Résultat : voici Batman prisonnier d’un univers étrange, à la fois aseptisé et ultra-violent, où les plus faibles périssent chaque jour en grattant les moteurs colossaux du bâtiment. Au sommet de cette hiérarchie brutale se trouve le capitaine du vaisseau, la cible ultime de Batman. Le premier affrontement tourne court : notre héros n’a ni les armes ni les réflexes pour inquiéter son adversaire. Mais, fidèle à sa méthode, il apprend, s’adapte, et finit par maîtriser de nouvelles formes de combat, ajustées aux physiologies venues d’ailleurs. À ses côtés, deux alliés inattendus : une chasseuse de primes originaire de Tamaran (la même planète que Starfire) et un robot punching-ball, idéal pour perfectionner de nouveaux revers venus d'ailleurs, littéralement.



Il y a deux règles que tout lecteur assidu de Batman connaît par cœur. La première : le héros ne tue pas. Quoi qu’il arrive, même confronté à l’adversité la plus brutale, il trouve toujours une échappatoire pour épargner son adversaire. Or, dans l’espace, face à une violence extrême et à des extraterrestres bien décidés à le réduire en charpie, Batman est poussé dans ses derniers retranchements… mais il reste fidèle à sa doctrine. La seconde règle : Batman inspire la peur. C’est ainsi que cela fonctionne. Il surgit dans son costume de chauve-souris et les criminels tremblent aussitôt. Dans l’espace, le lecteur réalise que non seulement cette règle reste valable, mais qu’elle s’enrichit : Batman ne se contente plus d’effrayer, il suscite aussi le respect, et même d’autres sentiments inattendus comme l’espoir ou la fierté de la rébellion. Le voir se lancer dans la lutte contre une compagnie esclavagiste à laquelle il n’avait pourtant rien à voir témoigne de cette évolution. Bref, on assiste à un grand spectacle cosmique, parfois un brin outrancier, qui introduit même un personnage secondaire (une sorte de loup mécanique) taillé sur mesure pour le rayon figurines. Côté visuel, le potentiel iconique est évident. Aaron signe un récit qui devrait séduire les lecteurs curieux, ceux qui aiment voir leurs héros préférés pris à contre-pied. Quant à Doug Mahnke, il reste un dessinateur redoutable dès lors qu’on apprécie un style réaliste et léché, à la manière d’un Jim Lee. Ses planches réservent toujours de beaux moments aux amateurs d’illustrations puissantes, et il sait flatter son public par des poses spectaculaires et des apparitions mémorables. Batman Off-World est un divertissement décomplexé et inattendu, certainement pas destiné aux puristes, mais qui a toutes les cartes en main pour séduire ceux que l’idée de voir le Dark Knight en orbite ne fait pas grimacer.



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LES FANTASTIC FOUR DE MARK WAID (ET MIKE WIERINGO) AU FORMAT "POCKET"


 Avec l’arrivée du film consacré aux Quatre Fantastiques au cinéma, nombre de nouveaux lecteurs se sont penchés sur une question d’importance vitale : quelles sont les meilleures histoires du quatuor que l’on peut se procurer sans devoir contracter un prêt bancaire pour acheter tout ce qui mérite de l’être ? Très vite, une évidence s’est imposée un peu partout : il faut aller jeter un œil du côté de la collection Pocket de Panini Comics, où l’on retrouve l’intégralité du run de Mark Waid pour une vingtaine d’euros seulement. Et quel run ! On y trouve un grand écart entre des épisodes drôles ou intimistes, centrés sur les liens qui unissent la première famille Marvel, et d’autres plongés dans un drame intense où la cohésion du groupe est mise à rude épreuve par des rebondissements tragiques. L’ensemble débute par quelques chapitres relativement anodins, qui permettent de redécouvrir avec plaisir l’ambiance old school qui caractérise les Quatre Fantastiques et de savourer leur routine, qui n’en est jamais vraiment une. Mais les choses ne tardent pas à évoluer, car l’ennemi juré de l’équipe, Fatalis, décide de revenir sur le devant de la scène. D’ordinaire, son terrain de jeu est la science, au point qu’il se proclame intelligence supérieure à Reed Richards. Mais cette fois, il choisit de recourir à la magie, spécialité de sa mère lorsqu’il était encore un enfant en Latvérie. Fatalis va jusqu’à sacrifier l’âme de la seule jeune fille qu’il ait jamais aimée durant son adolescence afin d’invoquer des démons de l’enfer, chez qui il expédie Franklin Richards. Son objectif : piéger et punir de la manière la plus cruelle la famille du gamin. Évidemment, les Fantastiques se précipitent en enfer pour sauver leur rejeton. Mais Franklin en sortira marqué de séquelles psychologiques profondes, et le sauvetage coûtera cher à Reed lui-même, momentanément défiguré. Fatalis, quant à lui, est châtié comme rarement, au point que l’on pourrait croire (mais juste l’espace d’un instant, vous l'avez deviné) qu’il est mort. À la suite de ces épisodes d’une intensité rare, les Fantastiques décident de pousser leur victoire jusqu’au bout : effacer jusqu’à l’idée même des crimes commis par Fatalis. Cela implique de se rendre en Latvérie, de s’emparer de tout ce qui lui appartenait jusque-là et surtout de libérer un peuple qu’il maintenait depuis trop longtemps sous son joug.



L’antagonisme légendaire qui oppose les Quatre Fantastiques à Fatalis justifie-t-il une intervention en terre étrangère, et une période de régence décidée sans l’aval des Nations Unies par un groupe de super-héros qui reste, à la base, composé de simples citoyens américains ? Tout cela ne pouvait évidemment que mener à un conflit ouvert : les nations voisines guettaient l’occasion de récupérer un peu de territoire et de mettre la main sur des armes ultra-sophistiquées, tandis que Nick Fury tentait de limiter les dégâts, obligé de servir les grandes puissances tout en surveillant le départ de Reed et de sa bande. Bref, on s’éloigne un peu du super-héroïsme pur jus pour plonger dans des considérations géopolitiques plutôt habiles, certes traitées avec la légèreté propre aux comics, mais avec suffisamment de fond pour donner à ces épisodes une saveur particulière. Inutile de dire qu’à leur retour à New York, les Fantastiques sont particulièrement mal vus par une grande partie du public, et qu’ils doivent galérer pendant plusieurs mois pour retrouver la considération de ceux qui, autrefois, les admiraient. Le run de Waid se termine par quelques épisodes un peu moins intéressants, où il est même question de l'inénarrable Galactus. Mais ce dernier est traité avec une superficialité à la limite du grotesque, ce qui fait que cette conclusion n’a jamais fait partie de mes lectures favorites. On y retrouve un Galactus réduit à une forme humaine, invité à vivre quelques temps au milieu des hommes. C’est complètement absurde, totalement à côté du personnage d’origine, et il est bien dommage que la grande prestation de Waid se conclue ainsi. Du côté des dessins, c’est le regretté Mike Wieringo qui assure l’essentiel du travail. Son style, ultra dynamique, puise à la fois dans la BD européenne et le manga. Ses planches paraissent au premier abord d’une grande simplicité et fluidité, mais elles révèlent en réalité la maîtrise remarquable d’un artiste qui avait su redéfinir ce que pouvait être un comic book mainstream moderne, avec une vraie identité graphique. Parmi les autres artistes au menu, on peut citer Howard Porter, Paco Medina ou Paul Smith, mais c’est bien ce duo Waid/Wieringo qui donne sa densité et son rythme à l’ensemble. Ces deux albums très riches forment un récit mouvementé et jamais ennuyeux, qui permet à la fois de saisir tout ce qui fait la particularité du quatuor et de vibrer avec quelques-unes de leurs aventures les plus rocambolesques et tragiques, sans jamais sombrer dans la sinistrose. Toujours plane cette touche de légèreté bienvenue, qui a fait des Quatre Fantastiques l’un des comic books les plus optimistes de l’histoire du genre. Une famille accueillante, toujours prête à vous tendre les bras.



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FREE AGENTS TOME 1 : BUSIEK, NICIEZA ET MOONEY TOURNENT EN ROND

 


J'admets que j'essaie de dire le moins souvent possible du mal des albums chroniqués ici même. Il y a plusieurs raisons à cela, la plus évidente étant que lorsque je lis quelque chose qui ne m'intéresse pas ou me déçoit profondément, j'ai rarement envie, en plus, de perdre du temps à en rendre compte, sachant tout ce que j'aime présenter en temps normal et le nombre incalculable des sorties mensuelles. Et puis, quand malgré tout vient l'heure de rédiger un billet qui n'a rien de très louangeur, j'essaie aussi de comprendre la raison pour laquelle je n'ai pas accroché. Parfois, ça ne sert à rien de réfléchir trop longtemps, c'est juste infiniment mauvais, point barre. Ce n'est pas le cas ici avec Free Agents, titre pourtant écrit par deux vieux de la vieille et scénaristes chevronnés comme Fabian Nicieza et Kurt Busiek. C'est juste que je me suis probablement lassé, ces derniers mois ou dernières années, de ces histoires de super-héros avec des supers pouvoirs venus de Dieu sait où, investis d'une mission plutôt floue, chargés de combattre des menaces quelconques et des dangers cosmiques. Ce type de récit se décline sous toutes les formes et bien souvent peine à se réinventer. Free Agents joue donc sur un registre qui n'est plus du tout ce qui m'intéresse en ce moment et qui de toute manière ne l'aborde pas d'une façon suffisamment originale pour susciter un retour de flamme, qui peut toujours se produire face à de l'inédit. Ce frisson, cet instant unique où auteurs et lecteurs ouvrent ensemble un nouvel univers. L’excitation de découvrir qui sont les nouveaux héros et de quoi il sera question. Free Agents arrive avec cette promesse et des noms qui rassurent autant qu’ils intriguent, mais au bout de vingt ou trente pages, on commence déjà à décrocher et à se dire que l'histoire semble tourner en rond, et ne rien dire de passionnant.



Le premier épisode de quarante pages ne lésine pas sur le contenu ni les moyens. Action, mystère, humour, un cliffhanger efficace : les ingrédients sont là. Busiek et Nicieza connaissent leur métier, et ils livrent une intrigue dense, mais genre vraiment dense, à la limite de l'indigeste. À la première lecture, on peut avoir l’impression d’une overdose d’informations, mais leur intention est claire : inviter à prendre son temps. En 2025, ça n'a pas la manière la plus commerciale de procéder. Et en effet, la suite prend un peu son envol, mais ne décolle jamais très haut. Le problème, c’est que ces bases ressemblent à un terrain déjà bien labouré, dont la terre est sevré de ses nutriments. Les Free Agents sont censés incarner du renouveau, mais peinent à se démarquer. On a l’impression de voir défiler une galerie de figures vaguement familières, comme des échos affadis de personnages qu’on a déjà croisés ailleurs dans les années 1990. Ces Free Agents sont en fait des soldats, ils sont nés et formés pour se battre et rien d'autre. Leur vie est une sorte de croisade intergalactique contre les forces d'Iskandir. Mais à la suite d'un effondrement dimensionnel, ils se sont retrouvés piégés sur Terre. Leurs ennemis semblent avoir disparu et ils ont pu du coup commencer à mener une vie fort différente, au milieu des terriens, en adoptant certaines de nos habitudes. Cette nouvelle routine fonctionne notamment en fréquentant les bancs de l'université et en s'insérant dans la jeunesse américaine, tout cela jusqu'au jour où celui qui fait office de chef de bande, un certain Barrage, est de retour pour leur reprocher leur inaction et leur demander de se tenir prêt à retourner au combat. Combat contre qui, combat pourquoi, alors que dans le même temps une existence plus paisible tend les bras aux héros. La série croise d'autres personnages déjà installé chez Image Comics, comme par exemple Radiant Black, qui, il faut bien l'admettre, n'a toujours pas vraiment rencontré son public en France. Visuellement, Stephen Mooney assure le minimum syndical pour un comic book de super-héros : les corps bougent bien, les visages sont expressifs, on voit bien des choses… parfois, quand le trait s’épaissit, l’ensemble devient plus confus, mais globalement ça reste plaisant, sans atteindre des sommets artistiques. Au final, Free Agents 1 oscille entre deux pôles : la richesse narrative promise par deux auteurs chevronnés et la fadeur d’un casting encore trop convenu. On attendait de Busiek et Nicieza autre chose qu’un simple recyclage de tropes super-héroïques. Pour le génie et l'innovation, ce sera pour plus tard, souhaitons-le. Reste à savoir si le public aura la patience d'attendre.



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ROCKETEER : LA CARGAISON MAUDITE (CHEZ DELCOURT)


 Plusieurs décennies après ses premiers exploits, Cliff Secord n’a toujours pas perdu le goût du danger… ni celui des ennuis. Dans La Cargaison maudite, Mark Waid et Chris Samnee prolongent l’héritage laissé par Dave Stevens avec un sens du respect et de l’enthousiasme qui force l’admiration. Pas de cynisme ici : le ton garde l’innocence un peu candide et la flamboyance des vieux serials hollywoodiens, tout en évitant la parodie facile. L’histoire respire la passion pour les pulps : un navire revient d’une île mystérieuse du Pacifique Sud, cargaison inquiétante dans la soute, et bien entendu, rien ne va se passer comme prévu. Mais j'en vois qui font de gros yeux. Rocketeer (et pourtant, je vous en ai déjà parlé récemment) ? Sachez simplement que Cliff Secord, cascadeur intrépide et pilote amateur, a hérité par hasard d’un prototype de réacteur dorsal qui a bouleversé son existence. Depuis, il jongle entre des exploits héroïques et des atterrissages forcés, voire foireux, dans sa vie privée. Fidèle à lui-même, il se débat dans cet album avec un triangle amoureux prêt à imploser, une réputation de tête brûlée qui le précède, et des événements qui risquent de le dépasser à chaque page. Comme chez Stan Lee, son alter ego héroïque reste la seule sphère où il brille vraiment, tandis que sa vie civile accumule les zones de turbulences. Mark Waid orchestre toutes ces tensions avec une économie de moyens bienvenue. Il laisse à Chris Samnee le soin de les traduire par le langage corporel et les silences. Un simple regard inquiet, visible à travers la visière du casque, en dit parfois bien plus que toute une page de dialogues. C'est un bon choix, Samnee est un vrai maître du storytelling !



Les antagonistes ? Pas de motivations torturées ou alambiquées : ce sont des méchants de cinéma, de ceux qui ricanent en triturant leur moustache imaginaire ou en proférant des menaces qu'ils ne parviendront pas à mettre à exécution. Un parti pris assumé qui colle à merveille à l’ambiance feuilletonesque et rétro qui a toujours fait le succès du personnage de Rocketeer. Et lorsque la "cargaison" se dévoile enfin, le récit bascule dans un délire réjouissant, aussi improbable qu’irrésistible. Samnee, toujours impeccable, alterne avec aisance combats aériens grand format et scènes intimistes, jouant des ombres et des lumières pour distiller le suspense. Des grosses bêtes aux dents acérées ou des gangsters à l'ancienne ? Tout y passe, tout est bon, c'est Samnee, quoi ! La Cargaison maudite ne cherche pas à réinventer le Rocketeer : elle s’amuse juste à le faire voler encore un peu plus haut. C’est du pur divertissement rétro, mené avec assez de panache pour qu’on en redemande. Et cette touche sexy pin up un peu naïve, avec le marteau qui s'appelle Betty (calquée sur qui vous devinez) et la jeune et pétillante Sally en tant qu'enclume. Cliff/Rocketeer est coincé entre les deux, et avec son identité pas si secrète que ça, c'est aussi l'occasion de rire un bon coup. Mark Waid est une encyclopédie humaine des comic books, il sait tout écrire, pour notre plus grand plaisir. Rafraichissant. 



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NEMESIS ROGUES' GALLERY : LE RETOUR ET LA REVANCHE POUR NEMESIS


 Mark Millar a toujours eu un faible pour les figures amorales qui se jouent admirablement des travers de la société et du néocapitalisme, et Nemesis reste l’un de ses monstres de laboratoire les plus jouissivement détestables. Né comme une sorte de Batman pervers et animé par des valeurs opposées, Nemesis a tout pour lui, sur le papier : l’intelligence, la discipline, des ressources infines… et zéro conscience morale. Sa première incarnation n’était qu’un riche oisif en mal de sensations fortes ; depuis, Millar a remanié le concept, multiplié les mini-séries et intégré le personnage dans son Millarverse, aux côtés de Kick-Ass, Hit-Girl et autres titres à succès, qui ont fusionné lors du crossover Big Game. Rogues’ Gallery démarre dans une position humiliante pour le héros démoniaque : quadriplégique, gardé comme un lingot dans un hôpital de haute sécurité, suite à une déculottée infligée par l’alliance des justiciers maison (le crossover sus-nommé). Mais chez Millar, comme dans toute l'industrie du comic book en réalité, les super-vilains ne restent jamais cloués au lit bien longtemps. D'ailleurs ce qui se produit dans cet album rappelle vaguement les vicissitudes d'un certain Benjamin Pondexter, alias Bullseye, lors des années 1980. Ici, un vieux mentor (clone à peine dissimulé de Ra’s al Ghul, immortel, manipulateur et parfaitement imbitable, Millar ne va jamais chercher bien loin) lui rend ses jambes… contre un service et une somme colossale, évidemment. La suite : un improbable récit “Batman & Robin” sauce ketchup/hémoglobine, où Nemesis entraîne un sidekick baptisé “Rookie”, qu’il coache et pervertit une bonne fois pour toutes, avec le sourire carnassier d’Adam West en pleine crise psychotique. Ce duo, entre mignardise vintage et hyperviolence à la Kill Bill, fonctionne sur un ton étrange : derrière les tripes qui giclent (Millar oblige), il y a presque du cœur. Presque. Car Nemesis reste ce sociopathe intégral qui, s’il vous tend la main, c’est pour mieux vous la couper à hauteur de poignet. Et autour d’eux se dresse une galerie d’ennemis plutôt bien écrits, décidés à lui faire payer ses casseroles passées. Bref, pas juste des punching-balls à exploser en pleine page, mais des types avec de vraies motivations pour passer à l'action.



Il n'y a pas grand monde qui mérite l'absolution avec Mark Millar, en particulier tous ceux qui possèdent l'argent, le pouvoir, qui fréquentent le milieu des entrepreneurs qui dirigent le monde en grand secret, ou tout simplement le show-biz. On les retrouve par ailleurs tous sur une sorte d'île d'Epstein, là où toutes les turpitudes sont autorisées, puisque c'est bien connu, lorsque l'argent coule à flot, la loi et la justice ferment un œil, pour ne pas dire les deux. Résultat : les actions ignobles de Nemesis et de son side-kick en deviennent par moment acceptables, voire à encourager puisque ceux qui subissent les effets de leur violence sont en fait des personnes qui l'ont bien mérité ! C'est un peu le tour de force de cet album, nous faire vibrer en permanence pour des individus qui sont de véritables ordures mais qui la plupart du temps écrasent de leur botte la tête de richissimes dépravés, qui ne valent guère mieux. Et tant pis si ceux qui leur donnent la chasse ont eux par contre tous subis un drame personnel et familial. C'est le propre des comic books et des œuvres de fiction, de temps en temps, de nous ranger du côté des méchants, de la pire engeance, histoire d'opérer une catharsis salutaire. Côté dessin, Valerio Giangiordano livre un travail solide : lisible, rythmé, parfois raide dans les expressions, mais capable de rendre un combat aussi viscéral qu’un uppercut en IMAX. Lee Loughridge apporte une couleur vibrante qui fait claquer chaque impact et accentue le plaisir coupable. Au fond, Rogues’ Gallery n’est pas tant un retour aux origines qu’une variation inattendue : moins thriller pur que casse sophistiqué à la Kingsman, avec un parfum de Silver Age perverti. C’est sale, c’est brutal, et parfois, c’est presque attendrissant… ça reste cependant du Mark Millar, entertainment calibré et décomplexé, ne demandez pas la Lune non plus.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : ANGE LECA (MONSTRES AMERICAINS)


 Dans le 205e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Monstres américains, deuxième tome des aventures d’Ange Leca, album que l’on doit au scénario conjoint de Tom Graffin et Jérôme Ropert ainsi qu’au dessin de Victor Lepointe, un ouvrage publié chez Grand angle. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’adaptation du roman de Cédric Sapin-Defour Son odeur après la pluie signée par José Luis Munuera pour les éditions Le Lombard


- La sortie de l’album Vincent avant Van Gogh que l’on doit à Sergio Salma ainsi qu’aux éditions Glénat


- La sortie de l’album Lointain mes mots que l’on doit au scénario d’Anaële Hermans, au dessin de Sandrine Revel et c’édité chez Dargaud


- La sortie de l’album Linge sale, amour et céréales, un titre que signe Pozla et que publient les éditions Dargaud


- La sortie de l’album Queen Lil que l’on doit à Stéphane Lemardelé, aidé par Laurent Busseau, un album publié chez La boite à bulles


- La réédition dans son sens original de l’album Les années douces, œuvre du mangaka Jirô Taniguchi, qui adapte ici un roman d’Hiromi Kawakami, un album publié aux éditions casterman





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JENNY SPARKS : L'ESPRIT DU XXe SIECLE AVEC TOM KING


 Tom King persiste à écrire ses histoires comme des thèses universitaires ou des roman à clé : introduction floue, arguments dispersés, conclusion qu’on ne saisira qu’au dernier chapitre… s’il est d’humeur à nous en livrer une. Jenny Sparks suit la recette à la lettre, mais avec un ingrédient en plus : une héroïne qui, à force d’arrogance et de sarcasme, donne envie de lui couper le courant. Pour l'empathie, vous repasserez; imbuvable, qu'on vous dit ! Dans ce récit étiqueté Black Label, Sparks est recyclée en chasseuse de super-héros détraqués. C’est dire si Captain Atom, errant en pleine crise mystique et grillant des passants entre deux crises d’identité, ne pouvait pas mieux tomber. L’opposition entre ces deux importés (Atom venu de Charlton, Sparks exilée du Wildstorm Universe) permet à King de questionner la place de ces pièces rapportées dans le puzzle DC. Symboles d’un autre temps, ils se heurtent à une époque qui ne sait plus très bien quoi faire de ses idoles, surtout quand l’une a été façonnée par l’ombre d’Hiroshima et l’autre par l’ivresse et l'urgence punk du XXe siècle. Batman traverse le premier épisode comme un figurant de luxe, presque avalé par les ombres, tandis que la croix rouge de Sparks et l’éclat métallique d’Atom éclaboussent les pages. Mais difficile de s’attacher à Jenny : elle est intelligente, oui, mordante, certes… mais aussi péremptoire, imbue d’elle-même et constamment figée dans l'idée de sa supériorité. C’est le genre de personnage qui, même quand elle sauve la planète, vous donne envie de changer de trottoir. L'histoire se déplace ensuite dans un bar où Atom retient cinq otages, et poursuit deux lignes dramatiques : la montée en puissance quasi divine de Captain Atom et la résurrection absurde mais chargée de symbolique de Sparks, le 11 septembre 2001. King ne laisse pas de doute : ce jour a montré que le XXIe siècle ne serait pas celui des lendemains qui chantent, mais des coups de tonnerre qui claquent plus fort que les promesses. On n'a toujours pas fini d'en payer le prix, comme l'actualité le démontre régulièrement.



Histoire de brouiller un peu plus les pistes, King convoque Superman, qui non seulement discute tactique avec Sparks, mais nous apprend au détour d’une phrase qu’ils ont eu une aventure à l’université. Un clin d’œil à ces années où Clark pouvait s’amouracher d’une sirène sans que personne ne lève un sourcil. Mais ici, cela ajoute une dimension presque inconfortable : l’arrogance de Sparks se double désormais d’un carnet d’adresses qui frôle la liste VIP de la Justice League ou de Jeffrey Epstein. Jeff Spokes, de son côté, offre un festival visuel : découpage en neuf cases à la Watchmen, tensions dans les regards, contrastes entre l’électricité nerveuse de Sparks et la froideur minérale d’Atom. Ce dernier, figure réinterprétée d’un Doctor Manhattan qui aurait gardé ses gants et ses complexes, se détache du temps, cherche à transcender sa condition et réclame la reconnaissance comme Dieu, avec un grand G et un égo assorti. Les cinq otages ? Peut-être cinq avatars d’une humanité que ni la foi, ni la puissance, ni les éclairs divins de Sparks ne sauveront jamais. King semble nous dire qu’au fond, les dieux sont souvent démodés, avant même d’être installés sur leur piédestal. Et si Sparks est bien l’esprit du XXe siècle, ce siècle est clairement toxique et frelaté. Au final, avec ce volume, Tom King livre un verdict sans appel : le monde ne se répare pas à coups de constats cyniques, encore moins en se cherchant des dieux providentiels pour faire le travail à notre place. Pendant sept numéros, King préfère les joutes verbales aux explosions, les microexpressions aux super-bastons, pour disséquer une idée simple et pourtant universellement bafouée : ceux qui refusent d’apprendre de leurs erreurs se condamnent à les répéter. Jenny Sparks, arrogante, brillante, insupportable, sert ici de miroir impitoyable à l’humanité, confrontée à un Captain Atom en pleine crise de toute-puissance. Qu’il s’agisse donc du 11 septembre, du Covid, de la Grande Crise Economique/Climatique ou de toute autre secousse tellurique, King montre que la fuite en avant, la recherche d’un coupable extérieur, restent nos sports collectifs favoris. Et si Jenny Sparks n’offre pas le réconfort d’un happy end ni l’adrénaline d’un blockbuster, elle claque comme une gifle : soit on change, soit on crame, et pas seulement sous la foudre d’une Anglaise électrisante.



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