MARVEL DELUXE CAPTAIN AMERICA : LA SENTINELLE DE LA LIBERTE

Ceux qui ont jubilé avec le film dédié à Captain America ont eu également l'opportunité durant ces vacances, en librairie, de retrouver leur héros préféré, dans de beaux albums publiés par Panini. Point d'orgue de ces sorties, un Marvel Deluxe consacré à la série "Captain America V4 (quatrième mouture)" paru fin juillet. Difficile de croire que l'homme qui symbolise tout un idéal, plus encore que tout un peuple, puisse échapper aux dramatiques événements du 11 septembre 2001, et que ses aventures ne puissent en subir un contrecoup immédiat. John Ney Rieber, à qui cette gageure fut confiée, signe un story-arc éloquent, qui commence avec un Steve Rogers au beau milieu des débris des tours jumelles, impuissant, coupable de n'avoir pas "été là" pour empêcher l'inévitable lorsqu'il s'est produit. L'action se déplace ensuite à Centerville, une de ces bourgades américaines moyennes, toute tranquille, où un commando terroriste investit l'église locale, et piège les fidèles avec des mines antipersonnelles high-tech. Al Tariq (c'est le nom du terroriste en charge, ça ne s'invente pas) a une exigence pour libérer ses otages : il veut qu'on lui serve Captain America sur un plateau. Ce dernier voit dans cet événement l'occasion de prendre sa revanche sur ce moment tragique de l'histoire où il fut si inutile. Cette fois il ne restera pas à regarder, mais au contraire, semble bien décidé à sauver l'esprit américain, la veuve et l'orphelin. Dit comme ça, on peut légitimement craindre le pire, que ça suinte les bons sentiments et le patriotisme de faible envergure, juste de quoi flatter le poil de l'américain moyen et lui rendre un soupçon de fierté. Mais Rieber évite cette dérive, et signe malgrè tout des épisodes touchants et qui savent rester neutres, pour autant qu'il soit possible avec un tel scénario. La vraie raison de relire ces derniers, c'est plus encore le travail de John Cassaday, qui offre des planches fluides, d'une très grande lisibilité, dans des teintes orangées et sabloneuses, tout simplement magnifiques. La confrontation entre Steve Rogers et la menace terroriste aboutit paradoxalement à un petit joyau crayonné, plus que scénarisé.



La suite de cet album nous plonge dans les méandres possibles des complots au plus niveau du gouvernement américain, une sorte de révisionisme superhéroïque. Vous savez tous que Captain America a disparu de la surface pendant de longues années, et pour cause : il était en état d'animation suspendu, prisonnier d'un bloc de glace, avant d'être retrouvé par le groupe de surhommes des Vengeurs. Et si en fait cette hibernation n'avait pas été accidentelle, mais tout à fait calculée, projetée, par des conspirateurs au sein même du gouvernement, qui voyaient en Steve Rogers un idéaliste gênant, pour une fin de conflit déontologiquement discutable (en effet, qu'aurait pensé le symbole vivant de l'Amérique humaniste d'un double largage de bombes atomiques sur le Japon?). A ce petit jeu de poker menteur, nous retrouvons Namor, qui connait et assiste le vengeur étoilé depuis l'époque de la seconde guerre mondiale, et une belle atlante dont Steve tombe presque amoureux, et qui pourrait bien être un agent double, voire triple... Le récit est retors et même déroutant, au premier abord, mais il est aussi, sur la longueur, bien mené et structuré. Au passage, il est magnifié là aussi par l'artiste qui dessine : changement de ton et de style radical avec Jae Lee, aux crayons torturés, expressionistes, angoissants, mais si réussis. Ce type m'a toujours fait le même effet, ou presque, que Bill Sienkiewicz, et je rêverais de le voir aujourd'hui s'occuper d'un "event" majeur, comme Fear Itself, pour avoir sa propre idée de l'apocalypse Marvel. Le seul point noir des Deluxe, comme toujours, c'est le prix. Presque trente euros par album, ils ne sont donc pas forcément à la portée de toutes les bourses. Il est néammoins évident que si vous êtes de ceux qui comptent Steve Rogers parmi leurs héros favoris, et que vous en avez les moyens, cette parution se doit de figurer dans votre bibliothèque. Là où elle sera rejoint, un jour prochain, par d'autres Deluxe consacrés aux run de Brubaker, par exemple?

Rating : OOOOO

3 commentaires:

  1. Le second point noir des Deluxe, c'est l'impossibilité de feuilleter avant l'achat à cause du plastique (lui-même à cause de la jaquette). D'où l'importance des reviews. Merci.

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  2. Et le but de ces chroniques c'est justement celui de donner matière à reflexion avant l'achat. D'inciter (ou pas) à la lecture des albums qui le méritent.

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  3. "Le second point noir des Deluxe, c'est l'impossibilité de feuilleter avant l'achat à cause du plastique (lui-même à cause de la jaquette)." perso j'enlève le plastoc à la FNAC St Lazare, sans demander la permission aux vendeurs.

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