Parmi les personnages clés et les plus appréciés de Watchmen, n'oublions pas de donner au Spectre Soyeux la place qui lui incombe logiquement. Sexy, élégante, rafraîchissante, elle représente un des éléments séduisants de la grande oeuvre d'Alan Moore, sans risque de s'y tromper. Laurie est la fille de Sally Jupiter, premier Spectre du nom (membre des Minutemen), et elle est également la partenaire du glacial Docteur Manhatan.
Depuis toujours Moore a laissé entendre que les rapports entre la mère et la fille sont loin d'être évidents. Sally n'a pas seulement été une super-héroïne, mais a voulu vivre sa vie comme une diva hollywoodienne, au mépris de la morale étriquée de l'époque. Elle était un sex symbol des plus désirables et désirés. Il existait d'ailleurs des bande-dessinées porno la mettant en scène, ce qu'elle a même montré à sa fille. Mais il reste encore tant de zones d'ombre dans le rapport entre ces deux là, et c'est précisément ce qui constitue la sève narrative de cette mini série du projet Before Watchmen, écrite par Darwyn Cooke.
Toutefois, Cooke n'est pas seul, et il a reçu le renfort d'Amanda Conner, qui au passage est également la dessinatrice du titre. Nous sommes dans les années soixante, c'est à dire bien avant que les super-héros deviennent hors la loi, même si Sally a abandonné le costume du Silk Spectre. Cela dit, voir sa fille lui succéder reste un de ses objectifs, même si cette dernière n'en manifeste guère l'envie. Laurie est une adolescente qui ne souhaite qu'une chose : vivre comme les autres filles de son âge les expériences typiques de ce moment délicat, à commencer par une romance avec un bellâtre sportif, compagnon de lycée. La mère devient clairement un obstacle majeur dans la réalisation de ces projets, et même une menace/rivale sur le plan sentimental et sexuel. Laurie n'en est pas très fière car elle connaît bien l'odeur de soufre qui se dégage de la figure de sa génitrice. Le comportement opposée des deux femmes, leur caractère, leurs différences, sont bien amenées et évoquées, dès le premier numéro de cette mini. Le cocon maternel devient vite un quotidien castrateur pesant. Nous sommes à une période délicate et charnière de l'histoire : ce comic-book évoque d'une part ceux consacrés aux romances bucoliques des années cinquante (à l'eau de rose, quoi) et en même temps la forte charge érotique et anti conventionnelle de Sallie Jupiter anticipe la révolution sexuelle et le flower power à venir qui ne vont pas tarder à pointer le bout de leur nez. Le tout avec ce trait souple et enlevé propre à Amanda Conner, dans une construction classique (le jeu des neuf cases) de planches à la saveur rétro et mélancolique. Un titre assez réussi, donc, qui sans être totalement indispensable assure de bons moments de lecture.
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