Le temps d'attente entre une publication Vf et sa traduction française s'est singulièrement réduit ces dernières années, et il en est de même, dorénavant, pour la présentation des grandes sagas Marvel, qui passent du saucissonage en fascicules aux beaux albums Deluxe ou Absolute après quelques mois. Ce sera le cas ce mois-ci de Avengers Vs X-Men, mais également de Fear Itself. Revenons sur cette grande aventure qui impliqua le Serpent, frère d'Odin, prêt à détruire la planète et à faire régner la peur. Après des débuts prometteurs qui annonçaient un cataclysme d'une ampleur rarement atteinte, Fear Itself s'est malheureusement déballonné, entre morts farces et attrapes et panne d'inspiration. Pour les distraits ou les novices, la trame était la suivante:
Red Skull a eu une fille, Sin, que Brubaker a habilement mise en scène durant son long run sur Captain America. Nous la retrouvons ici défigurée, plus enragée que jamais, à la recherche d'un marteau mystique (qui n'est pas sans évoquer Mjolnir, l'arme de Thor) qui toujours échappa à son père. Sa découverte la transforme en Skadi, créature surpuissante, hérault du Serpent. Qui est ce reptile? Il faut pour cela se rendre au fond de la fosse des Mariannes, là où repose depuis des siècles la tombe cachée de celui ci, qui à peine évoqué et réveillé, s'auto proclame "All father" et semble avoir des visées d'hégémonies peu rassurantes. Tout ceci effraie Odin et les asgardiens au plus haut point. La décision du monarque est de quitter précipitement la Terre, en l'abandonnant à un destin qu'on devine funeste. Thor, son fils, se rebelle, et refuse de se prêter à un tel acte de couardise : il est vertement corrigé par le paternel, et reçoit une rouste qu'il n'est pas près d'oublier. Le pire est encore à venir... Sur Terre, le Serpent (frère d'Odin) s'apprête à répandre le chaos, la violence débridée, la Peur, avec un P majuscule (d'où le titre, forcément!). Pour l'assister, il regroupe un aréopage de héros et de vilains, tous transformés en d'invincibles avatars, les "Worthy", par la grâce de plusieurs marteaux mystiques tombés du ciel un peu partout sur le globe. Et là, patatrac, la planète est à feu et à sang, et plus que jamais le monde Marvel vacille, au bord du gouffre.
Bref, pour un début, c'est un bon début ! Je vous l'ai dit précedemment dans un autre article, c'est la fin qui me gêne aux entournures, car il semble désormais établi que Marvel est incapable d'assumer jusqu'au bout des envies de bouleversements, et qu'elle utilise ces grandes promesses et ces micro-drames, comme autant de slogans publicitaires éculés. Ici, par exemple, Thor tombe pour la trentième fois de sa carrière, sans que personne, je ne dis bien personne, n'ait sérieusement envie de verser une larme ou même y croire. Idem pour Bucky / Captain America. A peine vaincu, le voilà remis sur pieds et prêt à gambader dans sa propre série mensuelle écrite par Brubaker, encore. Le thème central, celui de la peur, est également mal exploité. Il aurait été judiciable de creuser au plus profond des craintes, des obsessions de chacun, pour mettre à nu les âmes de ces héros tout tremblants, terrassés par leurs cauchemars. Au lieu de cela, c'est la mythologie nordique à la sauce Marvel qui occupe le devant de la scène, avec un Odin antipathique et poltron à souhait, et un scénario titubant qui n'exploite jamais tout son potentiel. La meilleure nouvelle reste les dessins de Stuart Immonen, qui sont quasi parfaits pour ce genre de comi-books mainstream. Il met en scène les héros avec simplicité et clarté, et dynamise un récit qui autrement aurait pu faire franchement bailler plus d'un lecteur. Fear Itself est un album à posséder pour ce qui est du témoignage historique, pour ceux qui aiment posséder tous les jalons “grand public” posés par Marvel dans la construction de son univers narratif, mais qui a guère de chance de devenir un classique chez le lecteur exigeant, qui en a assez de l'esbrouffe et des promesses creuses. Dommage, un grand “event” qui s'est perdu en route, pour le malheur de tous.
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