La question n'est même pas de savoir si Doomsday Clock est un bon comic-book. Ni de savoir si Before Watchmen avait eu dans son ensemble un niveau qualititatif appréciable. Le seul fait véritable est qu'aujourd'hui plus rien n'est sacré sur l'autel du marketing et de la vente. Peu importe si Watchmen fut en son temps un chef d'oeuvre qui a inspiré plusieurs générations, si la maxi série était prévue pour exister en tant que bloc unitaire, sans une suite ou une préquelle. Si les auteurs eux-mêmes ont toujours été farouchement opposés à d'ultérieurs développements. Watchmen sera exhumé encore et encore, jusqu'à ce que la moindre goutte de sève encore exploitable soit tarie, puis ira rejoindre Star Wars épisode XV et le sixième reboot de la franchise Spider-Man. C'est ça la pop culture aujourd'hui, baby. Money is money.
Sinon, on revient en 1992. Vous vous souvenez du plan d'Ozymandias, des sacrifices et des morts? De la fin du monde évitée de justesse? Tout ceci est vain, véritablement. La situation vire à nouveau à l'apocalypse, et Rorschach (mais est-ce bien lui, pour autant?) organise une évasion dans une prison de haute sécurité, quelques heures avant que tout soit ravagé par le feu nucléaire. Il se trouve des alliés en la personne de deux personnages tirés du catalogue de Charlton Comics, qui vont donc s'ajouter probablement au nouveau casting de ce Watchmen d'après Watchmen. Geoff Johns est très concentré et appliqué sur les dialogues, il tente dans le même temps de coller (voire singer) ce que pouvait faire Moore, tout en s'y attelant avec ses propres caractéristiques et habitudes. Certaines saillies sont bien vues, et reconnecte l'histoire avec ce que nous vivons en personne, aujourd'hui (la Corée du Nord). D'autres sont par contre artificielles, et n'ont d'autre buts que de remettre les cartes sur table, pour que la partie ressemble à celles qui s'est jouée voilà des lustres désormais.
C'est une longue introduction qui se dévoile, au fur et à mesure que Rorschach organise l'évasion, et que nous traversons la prison. Ozymandias fait son apparition en fin d'épisode, on commence à entrevoir une direction possible, mais cela reste encore très cryptique.
L'ambition finale est bien entendu de relier de manière claire et marquante l'univers de Watchmen à la continuity classique de DC Comics. Un cocktail qui pourrait d'ailleurs permettre un nouveau départ potentiellement explosif, après ceux constitués par les new 52 et le Rebirth. Avec ce premier numéro de douze, ce rapprochement est encore à la phase d'ébauche, vaguement murmuré, et seule une scène finale de quelques planches, avec Superman, annonce la couleur à venir. Mais sans tambours et trompettes, pas de cliffhanger à en perdre le sommeil.
Reste également une prestation fort soignée, appliquée, d'un Gary Frank dont le trait a vraiment du caractère, et qui rythme l'ensemble en collant et tournant autour des personnages avec une pertinence évidente, masquant la lenteur du récit avec son talent. La couleur se rapproche de celle que Gibbons avait choisi en son temps, permettant un minimum d'unité avec Watchmen, premier du nom.
Là où Alan Moore avait pu exprimer la pleine mesure de son inspiration, et créer uniquement en vue de donner naissance à une oeuvre complète, stratifiée, d'une densité thématique et formelle remarquables, Johns a la tâche de reproduire le miracle, mais pour un faire un produit mainstream, annoncé à grands coups de teasing sur Internet, et ne servant finalement qu'à donner un énième coup de fouet à un univers vieux de plus de 70 ans. Les crocs sont plantés, Watchmen peut se vider de son sang, sans crier. Je suis prêt à excuser la profanation, sans aucune difficulté, uniquement en échange d'un pur éclair de génie, d'une évidence narrative éblouissante. Autrement dit, ce n'est pas gagné, et certainement pas pour ce numéro un de rodage.
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