Swamp Thing, la Créature des marais, est un des personnages les plus fascinants de l'univers des comics DC. Ce premier album qui propose les histoires du cycle Infinite est d'autant plus intéressant qu'il permet de faire connaissance avec un nouvel avatar de la sève, c'est-à-dire le monde de la nature, le "Green" comme on l'appelle en version originale, et qui s'incarne à chaque fois dans le corps d'un paladin, d'un héros qui montre la voie. Mais avant de retrouver les aventures de Levi Kamei, qui se retrouve connecté à la sève lors d'un retour en famille, en Inde, le lecteur peut découvrir les deux épisodes qui concernent la parenthèse Future State, c'est-à-dire un regard sur le lointain avenir des héros DC. Et ce que nous lisons ressemble à une catastrophe planétaire... il y a eu une guerre terrible, qui a ravagé la planète, et les êtres humains ont disparu, ou en tous les cas il reste bien peu de survivants, réunis dans une communauté scientifique réfugiée au Pôle Nord, dans les laboratoires Star Labs. Les machinations de Jason Woodrue (toujours là) sont peu à peu en train de donner naissance à un pouvoir fabuleux, capable d'éclipser le soleil et donc d'annihiler toute possibilité pour les forces de la nature de prospérer. Swamp Thing, que ses congénères appelle Père sève, doit intervenir à temps pour éviter la catastrophe, mais son amour indéfectible des hommes, de leurs imperfections et de leur capacité à être un jour meilleurs, pourrait bien lui jouer un mauvais tour. C'est l'occasion pour Ram V de se glisser dans la peau du scénariste d'un titre qui a besoin d'un second souffle, et s'en donne les moyens. Un nouvel avatar, une nouvelle direction (la capacité d'évoluer, le changement inhérent à l'existence, le besoin d'opérer des choix qui nous grandissent ou nous annulent) et l'assistance de Mike Perkins pour le dessin. Le style réaliste est éloquent et fort utile quand il s'agit de faire apparaître la Créature des marais, et la noirceur du trait, le jeu permanent entre luxuriante beauté du "vert" et omniprésence des ténèbres, produit un effet souvent remarquable.
Comme bon nombre de ses congénères super-héros américains, la créature des marais a des problèmes à régler avec sa propre famille. Levi n'a pas eu des rapports idylliques avec son père, les derniers jours que ce dernier à passé sur Terre; une question d'éloignement par rapport aux racines et aux traditions indiennes, que le jeune homme a fini par renier en optant pour le mode de vie américain, c'est-à-dire un irrespect profond pour la nature du moment où il est possible d'en retirer un bénéfice économique immédiat. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en réalité il est revenu chez lui, et c'est aussi ce que lui reproche son frère, qui de son côté a une vision plus extrémiste et militante de ce qu'il faut faire pour sauver la nature. Ces liens familiaux complexes sont au centre de ce qui se passe dans la tête du nouveau Swamp Thing, qui doit bien entendu apprendre à maîtriser des pouvoirs qui lui semblent d'emblée cauchemardesques. N'oublions pas une petite histoire sentimentale pour le moment, pas encore vraiment définie, et l'apparition d'un ensemble de guest stars comme par exemple la Suicide Squad menée par le PeaceMaker, dorénavant investi du rôle ingrat de chef de file d'une formation loin d'être aimée par tout le monde. Ou encore Poison Ivy, de plus en plus à l'aise dans le rôle d'une incarnation élémentale de la nature elle-même. Ram V fait vraiment partie de cette nouvelle génération de scénaristes qui compte, et qui sont destinés à écrire les comics de demain et après-demain. Il est d'autant plus à l'aise ici qu'il écrit quelque chose qu'il connait très bien, puisque ce sont ses propres origines qui sont dépeintes. Avec lui l'horreur n'est jamais très loin, et là encore le cahier des charges est respecté, d'autant que le tait sombre et chargé de Mike Perkins permet de réaliser des planches de toute beauté, même si inégales lorsqu'on prend en considération l'intégralité des 12 épisode ici publiés, si on compte les deux dont je vous ai déjà parlé. Le problème de ce Swamp Thing qui se cherche et qui est encore en quête de la compréhension de ce qu'il est devenu, du monstre qu'il va devoir reconnaître, c'est la bonté extrême de certaines des sagas du passé. Alan Moore ou Scott Snyder par exemple, qui placent la barre très haut et font qu'on est souvent un peu circonspect devant le nouveau qui avance. Pour autant, le moment est peut-être venu de tourner la page. Alec Holland n'est plus sur scène, place donc à ce Levi kamei, qui va devoir montrer qu'il existe vraiment une relève chez DC Comics, que cette histoire de générations, qui a toujours fait le succès de l'éditeur, n'est pas près de s'éteindre. Ce premier volume est donc globalement intéressant et possède clairement un potentiel à explorer; concernant le rapport qualité-prix; c'est du tout bon; Urban proposant un joli pavé pour moins de 30 €. Donc, les fans du personnage ont de bonnes raisons de se laisser tenter.
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