L’idée est délicieusement absurde mais fonctionne : là où d’autres scénaristes auraient fait sombrer leur héros dans la malédiction, Kirkman choisit la voie du mentorat surnaturel. Zechariah apprend à Gary comment canaliser ses pouvoirs hors cycles lunaires, ce qui est très pratique quand on doit gérer à la fois des réunions de fusion-acquisition et des patrouilles nocturnes. Gary décide alors de devenir super-héros, convaincu qu’un costume et un nom accrocheur (“Wolf-Man”, merci la presse) arrangeront le reste. Sauf que le statut de justicier ne gomme ni les tensions familiales ni les dilemmes moraux qui traversent le récit. L’auteur joue habilement de cette dualité : un héros tiraillé entre ses responsabilités d’homme d’affaires, ses devoirs de père, et un instinct animal que même la meilleure volonté du monde ne suffit pas toujours à contenir. Plusieurs choix s’avèrent lourds de conséquences, l’histoire en rappelle même brutalement le prix dans un crescendo sanglant que Kirkman maîtrise avec son sens habituel du coup de massue émotionnel. Le héros n'en est pas toujours un, et même s'il fait preuve de bonne volonté, il peut aussi tuer, ou passer aux yeux d'un tueur, même quand il n'a rien fait (avec le meurtre de sa femme qui lui est imputé à tort, et l'oblige à prendre le maquis et changer d'identité, pour ensuite comprendre l'origine de ses nouveaux pouvoirs). Graphiquement, Jason Howard soutient ce mélange des genres avec un style clair, vif, très lisible. Ses planches respirent, les scènes d’action trouvent un équilibre entre énergie et lisibilité, et les émotions des personnages passent avec une simplicité trompeuse. Le tout est sublimé par une mise en couleurs sobre mais efficace, qui renforce le ton mi-sombre mi-super-héroïque de la série. Certes, c'est plus du Picasso que du Michel-Ange, mais c'est surtout l'histoire qui prime, en réalité. En gros, Wolf-Man n’est ni un récit d’horreur classique ni une simple variation sur le super-héros. C’est un hybride malin, parfois naïf, souvent généreux, où Kirkman parvient à faire exister un personnage coincé entre deux mondes sans sombrer dans la parodie. La série ne révolutionne pas le genre, mais elle se révèle étonnamment attachante, portée par un duo auteur-dessinateur très en phase. Tout ça se laisse lire plutôt bien. Du comics (presque) mainstream pour le plaisir, baby !
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