Régulièrement, on tente chez Marvel de créer un nouvel univers narratif, pour toucher un plus vaste lectorat et rompre la monotonie (et la stagnation des ventes). Dans les années 80, le très jeune Jim Shooter profite de son statut de grand patron pour proposer le New Universe, qui sort des sentiers battus traditionnels, et dont la série fer de lance est Starbrand. Kenneth Connell, le protagoniste de cette saga, est un jeune minet qui fait tomber les filles, mais n'avance pas dans sa vie professionnelle. Il n'est que simple garagiste de fortune, et partage ses jours entre une jolie mère célibataire avec qui il a peur de s'engager, et une brune aussi pétillante que naïve (pour ne pas dire légèrement stupide) qui est clairement sous sa coupe et accepte l'inacceptable pour continuer à le fréquenter. Rien d'un héros, donc, plutôt le profil d'un perdant. Jusqu'au jour où Ken rencontre dans les bois un étrange vieillard qui lui transmet un tatouage étoilé, lui conférant des pouvoirs incommensurables. Il s'avère que le vieil homme est en fait un alien, et que le symbole transmis (le Starbrand) est particulièrement convoité. La nuit suivante, un autre extra-terrestre débarque sur Terre et engage le combat pour s'en emparer, et Ken ne s'en sort qu'en libérant une énergie impensable, semblable à une explosion nucléaire. Ses ennuis ne son pas finis pour autant car le vieillard est de retour (il était supposé mort), et si dans un premier temps il parait inoffensif, c'est pour mieux exiger de reprendre ensuite le Starbrand, en prétextant un conflit cosmique qui menace l'équilibre de l'univers. Encore une fois, Ken terrasse son opposant sans vraiment comprendre l'origine et l'étendue de ses dons, trop occupé qu'il est à jouer sur deux tableaux en même temps, dans sa vie sentimentale, et à épancher ses problèmes avec Myron, un ami psychologue, qu'il a la fâcheuse tendance à considérer à son service. Un pauvre type, notre héros!
Voilà une série originale, trop peut être, qui aurait du connaître meilleur sort que le succès d'estime qui fut le sien, dans les années 80. Jim Shooter avait donné la parole et le beau rôle à un américain (très) moyen, loser, plutôt égocentrique, qui utilise ses proches à des fins personnels et ne semble pas animer par la fibre intérieure du super-héros potentiel. La série évolue ultérieurement après une dizaine de numéros, et c'est John Byrne qui lui donne un second élan en radicalisant le discours : le pouvoir du Starbrand va être à l'origine d'une catastrophe d'ampleur phénoménale : la ville de Pittsburgh est totalement rasée au sol, et la série devient bien plus ambitieuse et complexe. Ce titre évite les canons standards du comic-book Marvel mainstream pour plonger dans les affres et les doutes d'un quidam moyen et pas forcément au dessus de la moyenne, humainement parlant, et privilégie l'introspection psychologique aux costumes moulants et aux combats testostéronés. Aux dessins, nous avons, pour les débuts, un très inspiré John Romita Jr, qui soigne ses planches et donne une crédibilité évidente aux premiers pas de Kenneth et de son tatouage. D'autres vont ensuite prendre le relais, comme Alex Saviuk, ou un tout jeune Mark Bagley, pour un seul numéro. Byrne, habitué à tout faire par lui même, dessine ensuite le titre jusqu'à la dernière salve, le 19. Il y a quelques années, Warren Ellis a tenté de faire revivre les aventures du Starbrand et de Kenneth Connel, dans une version révisée du New Universe, mais là encore le public n'a pas massivement adhéré, et le projet n'a fait que vivoter, sans décoller véritablement. Aussi étrange que cela puisse être, Starbrand première mouture est inédit en Vf à ce jour. A l'époque, Lug puis Semic ne publiaient pas la totalité des comics Marvel, comme aujourd'hui, et souvent ce genre de publications plus confidentielles passaient à la trappe faute de place dans les revues en kiosque. Si vous lisez la Vo et que vous ne connaissez pas ce dont je viens de vous parler, vous pourriez tenter votre chance, car l'ensemble est assez plaisant.
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