Autre dimension, autre Deadpool. Cette version là, bien
consciente d'être un simple personnage de fiction, et ayant résolu de parcourir
les univers parallèles pour trucider tous ceux que les progéniteurs (c'est à
dire les artistes, les scénaristes, qui ne permettent pas à leur créatures
d'échapper à la fameuse continuity, ni le les laisse jamais mourir bien
longtemps) manipulent comme de vulgaires pantins, s'attaque cette fois-ci à un
nouveau concept. Nous entrons de plein pied dans l'ideaverse, c'est à dire
l'univers de fiction dans lequel évoluent les personnages de romans populaires,
de contes, de la littérature mondiale. Éliminer ces personnages semble être le
plus court chemin pour tarir la source d'inspiration qui est à la base de la
création des héros Marvel. Du coup, Deadpool part découper en tranches la
baleine Moby Dick, exploser la cervelle du petit Tom Sawyer, trucider Dracula
ou le pauvre Don Quichotte, dont la folie douce n'est pas sans trouver un écho
dans celle de Wade Wilson, justement. Cette quête totalement dingue est menée
tambour battant par Cullen Bunn, dans quatre épisodes réunis ensemble, sur les
pages de Marvel Saga 20. Seul le plus célèbre détective de l'histoire,
Sherlock Holmes, paraît avoir quelques pistes sur la manière d'enrayer l'hémorragie.
Et encore... Pour compléter l'ensemble, un one-shot consacré à Lady Deadpool,
plutôt vulgaire, et totalement anecdotique. Bref, rien qu'y mérite de trop s'
attarder.
Le point positif de ce Deadpool Killustrated, c'est
bien entendu l'idée de départ, celle de plonger Wade dans un univers fait
d'archétypes, de créations de fantaisie, qui sont elles mêmes à l'origine de la
plupart des héros Marvel. Ceux ci ne seraient que des déclinaisons de modèles
anciens, qu'ils soient littéraires ou fabuleux, comme le souligne souvent Bunn,
avec des rapprochements pertinents sous forme de vision (Achab devient le
général Thunderbolt Ross, c'est à dire le Hulk Rouge, le cavalier sans tête de Sleepy
Hollow devient Ghost Rider, etc). Le gros problème de ce récit, c'est la
manière dont évolue l'action. Certes, il s'agit avant tout d'une vaste
récréation sanguinolente, mais justement, étant donné la nature du sujet et
l'angle de vue plutôt intéressant, il était possible d'en faire quelque chose
de plus que cette farce grossière, où tout n'est qu'un prétexte à une longue
litanie de coups de sabre et autres aménités ultra violentes. Des morts sans
génie, bien loin de ce que fit Garth Ennis avec le Punisher, par exemple. On
esquisse un sourire par moments, c'est vrai (la mort de la petite Sirène), mais
la plupart du temps on reste de marbre devant cette débauche stérile, et les
blagues à froid du mercenaire with a mouth sont loin d'être
inoubliables. En cela le grand débat sur la traduction peut être lancé à
nouveau. Le traducteur doit-il rester fidèle aux références exposées dans la
version de départ, ou doit-il adapter en fonction des repères culturels du
lecteur français, quitte à convoquer Dsk dans les élucubrations de Deadpool, ou
encore le fameux runing gag des Nuls, le célèbrissime Régis est un
con? Les dessins sont de Matteo Lolli, plutôt en accord avec le ton de cet
album, assez simple et clairs, même si sans grande personnalité. Reste que les
quatre volets de cette aventure, à moins de six euros, ce n'est pas si mal,
rapport qualité/prix, mais je reste persuadé que Cullen Bunn a manqué son coup,
et fait preuve d'une grosse paresse, ou négligence, en survolant grossièrement
un projet qui méritait un tout autre traitement. La suite sera dans quelques
mois, avec la dernière partie de la trilogie de Bunn (après Deadpool massacre
Marvel, et ce Killustrated) qui s'intitule Deadpool massacre Deadpool.
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