ABSOLUTE FLASH TOME 1 : DEUX MONDES


Absolute Flash ne nous prend pas en traitre : Jeff Lemire poursuit ce qu’il aime faire depuis Sweet Tooth, c'est-à-dire raconter une histoire où le réel se fissure sans prévenir, avec en guise de protagoniste un adolescent qui va devoir grandir plus vite que prévu. L'heure est venue de s'attaquer à Wally West, adolescent trop rapide pour son époque et trop seul pour son âge, avec une décision artistique capitale pour saisir la nouveauté de cette mouture : la vitesse n'est pas juste un pouvoir standard, un gimmick à appliquer, mais une véritable expérience sensorielle qui vire au cauchemar éveillé. Le résultat : un récit nerveux, instable, presque insaisissable, avec un Wally en fuite de la première à la dernière page. Dans l'univers Absolute, le gamin est fils de militaire et le paternel autoritaire et cachotier est transféré de base en base au gré des missions qu'on lui confie. Lemire joue immédiatement la carte du malaise : on pénètre dans un laboratoire confidentiel aux expériences animales trop étranges pour être honnêtes, introduit par un Barry Allen familier des lieux, qui invite le gamin à visiter des installations « ultra top secrètes » comme s’il l’emmenait au zoo, au grand dam du père qui n'apprécie guère cette familiarité. À partir de là, le temps se met à dérailler. C'est l'accident, c'est le drame ! Lemire a de toute façon choisi de proposer un récit éclaté, fragmenté dans sa succession chronologique. Et pour ne rien arranger, Wally court si vite qu’il se dédouble presque, et flotte dans une temporalité qui nous déroute et doit être reconstruite : tout va très vite, et il faut attendre d'avoir toutes les informations pour recomposer le puzzle. Mais cette confusion est volontaire : le scénariste veut que le lecteur ressente le déraillement intérieur de l'adolescent, son incapacité à rester en un lieu et un moment. Pire encore pour lui, voici que les Lascars de l’Absolute Universe débarquent en meute organisée !



Ici, les antagonistes de Flash sont bien plus disciplinés que leurs équivalents classiques : Captain Cold mène toujours la danse, Boomerang est un parfait mercenaire insupportable doté d'armes technologiques, et les autres ne sont pas en reste, avec ce qu'il faut d'inventivité et de modernité pour redéfinir la dynamique. Mention spéciale pour Grodd, le gorille savant, qui est de la partie également, sous une apparence et dans un rôle absolument imprévisibles, mais finalement géniaux. Du Jeff Lemire dans le texte. Les Lascars dégagent une énergie brute, une dynamique de groupe presque militaire, qui leur donne plus d’épaisseur que Wally lui-même dans les premiers chapitres. Là encore, c’est un choix audacieux : commencer une série centrée sur Flash en laissant ses adversaires voler la vedette… Ma foi, Wally a tout à apprendre, et plus que de parler de Flash, on évoquera juste un gamin victime d'une expérience qui a mal tourné, qui pense avoir foudroyé sur place le scientifique qui l'a introduit dans un complexe interdit, qui est pourchassé par les supérieurs du paternel, pour servir de cobaye à des fins inavouées. Pour un peu de répit, il se réfugie chez Ralph et Sue Dibny (enfin, ceux de l'univers Absolute, vous me suivez toujours ?), tandis que le scénariste s'évertue à tisser des parallèles entre sa situation, son background, et ce qui est arrivé ici à Grodd. Nick Robles dessine tout cela avec une énergie brute et une mise en page fort convaincante. Tout est soigné et inspiré, rien à redire de ce côté-là. Par contre, les deux épisodes confiés à A.L. Kaplan sont assez catastrophiques (les 4 et 5). Le décalage est immense, et le résultat limite immonde. Les yeux des personnages masculins, par exemple, semblent directement tirés d'un manga bas de gamme. Pourquoi cette transition, pourquoi ce choix de doublure ? Voilà comment les comic books se tirent parfois une balle dans le pied. Qu'à cela ne tienne, reste un album sympathique et frais, qui est à conseiller à ceux qui sont sensibles aux thématiques chères à Jeff Lemire, plus encore qu'aux fans hardcore de la radicalité de l'univers Absolute. 



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