INFINITE CRISIS : LA GRANDE SAGA DEBUTE VRAIMENT DANS LE TOME 4 (LES SURVIVANTS)

Si Infinite Crisis est en soi une aventure en sept volets, il s'agit pourtant d'un événement bien plus vaste et ramifié, qui a été préparé et amené des mois (années) durant, lors de nombreuses mini séries et autres répercussions dans énormément de titres mensuels. Les trois premiers albums parus chez Urban Comics sont concentrés sur ces prémices, et le quatrième attaque le vif du sujet, avec la moitié initiale du noyau dur. Durant ces premières années du nouveau siècle, l'univers Dc était devenue plus sombre, amoral, violent, au point de céder régulièrement au désespoir. Superman n'avait plus rien du héros gentil boy-scout innocent, Batman était devenu une sorte de croisé psychotique, Wonder Woman avait tué en direct télévisé devant un public médusé. Officieusement, Infinite Crisis (jusque dans le titre) est une sorte de suite de ce qui se produisit en 1985 avec Crisis on Infinite Earths, et qui est aussi le berceau de ce que nous connaissons aujourd'hui avec les New 52 (le concept des 52 univers parallèles est y clairement dévellopé). La trame est axée autour de quatre personnages qui sont originaires du monde défunt au terme de la première grande Crisis. D'un point de vue extérieur, ils assistent à la lente et inexorable perte des valeurs et points de repères moraux de notre Terre, jusqu'au moment où ils décident d'agir pour que l'univers puisse repartir sur de meilleures bases. Clairement, il est conseillé de savoir ce qui a précédé, et quels sont les rapports de force entre les héros avant de se lancer dans la lecture, au risque de se retrouver perdu, et de passer à coté de beaucoup de points importants (qui sont les Omac, par exemple? Ou encore pourquoi Wonder Woman a brisé le cou de Maxwell Lord, et que signifie cette guerre du Spectre et de la magie?) Les quatre larrons sont Kal-L (Superman, mais en provenance de Earth 2), Lois Lane (la Lois de Earth 2 donc...), Superboy Prime, et Alexander Luthor. Kal-L est désespéré et au départ animé de bonnes intentions, car sa bien aimée est malade, et il est convaincu que s'il parvient à la ramener dans son univers d'origine, à redonner vie et lustre à la Terre-2 au détriment de la première, alors elle sera sauvée. Le fait est qu'il n'y a pas de raison de pleurer un monde dépravé et privé de ses valeurs, et qu'il vaut mieux le remplacer par une copie parfaite et équilibrée. Ou pas?

En tous les cas, tout le monde ne l'entend pas de cette oreille, même ceux comme Batman qui sont un peu tombés en disgrâce. Si la Terre-2 est de retour dans l'équation, il faut en féliciter (ou blâmer) Alexander Luthor, qui a su utiliser les restes de l'Anti-Monitor pour rebâtir ce monde, et le peupler comme bon lui semble en vue d'une oeuvre stable et contrôlée. SuperBoy Prime de son coté n'assume dans cette histoire que le rôle de la force de frappe, le gros bourrin jeune et impulsif qu'on envoie au champ de bataille, où il trucide plusieurs personnages avant de se faire emprisonner dans la Force Véloce. Même si vous êtes allergiques aux grands crossovers et aux histoires dantesques qui impliquent l'intégralité de l'univers narratif d'un éditeur comme Dc Comics, il convient de noter que vous serez face à une véritable histoire, patiemment structurée, un récit majeur et abouti, particulièrement intelligent. Si le concept des Terres parallèles avait fini par donner la migraine à plusieurs générations de lecteurs, il revient dans Infinite Crisis avec toute sa force et son potentiel, et c'est finalement très bien expliqué et amené. De plus les raisons qui poussent Kal-L à agir, et le discours qui soutient que notre monde est si corrompu qu'il ne mérite pas son existence même est parfois explicité d'une telle façon qu'on finit par accepter cette hypothèse, et qu'on se dit qu'en effet la nature n'a pas été juste avec le Multivers, et que les meilleurs n'ont pas forcément survécus. Geoff Johns explore de nombreuses facettes de la condition humaine et du super-héroïsme pur et dur avec cette orgie visuelle, orchestrée par Phil Jimenez. Le dessinateur n'a jamais été aussi bon et en forme que dans ces pages, où il fait preuve d'une remarquable habileté à placer un maximum de personnages en situation, tout en maintenant lisibilité et force émotive dans chaque planche. Les détails foisonnent, et l'ensemble est cohérent et efficace. Il se dégage d'Infinite Crisis ce qui manque jusque là dans l'opération New 52, à savoir un amour pour une longue généalogie, un passé foisonnant et fascinant, dans lequel puiser pour rendre les héros attachants et crédibles. Un parfum old-school par endroits, l'assurance de dire ou faire des choses qui peuvent se contredire, mais qui nous rappellent que c'était cela, aussi, qui faisait qu'on aimait tant (ou pas) l'univers Dc. 


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