BIG GIRLS DE JASON HOWARD : 404 COMICS ENTRE EN JEU


Le rôle des femmes n'a pas toujours été celui d'occuper la première place dans les comics traditionnels; ce n'est pas un hasard si dès les années 60 Marvel propose à Janet Van Dyne d'incarner le rôle de la Guêpe chez les Vengeurs, alors que Susan Storm-Richards est la Femme Invisible. Toutes petites ou bien carrément impossibles à voir, elles restent dans les coulisses et ne montrent que rarement le bout de leur nez. Inversement les hommes tirent la couverture à eux. Ils sont Giant Man ou Superman par exemple. Dans Big Girls la situation s'est inversée; Disons que les hommes ont tendance à devenir, par la suite d'un mystérieux virus, des créatures géantes et monstrueuses, héritées des kaijus japonais, qui finissent par semer le trouble et dont il faut se débarrasser. Et pour leur faire face, quoi de mieux que des femmes géantes, une "justicière" capable de mettre fin à cette menace de taille XXL, en rivalisant sur le plan de la stature et de la force brute? 



404 comics débarque donc dans le panorama des éditeurs français du genre avec deux titres (Dunce étant l'autre) dont celui-ci qui est de très loin l'album qui aiguisait le plus mon appétit. Le discours féministe est évident même s'il n'atteint pas non plus des sommets de philosophie moderne, car il s'agit avant tout d'une aventure adrénalinique, où on peut regretter un tantinet le côté bourre-pif permanent et où le spectacle prend souvent le dessus sur la pensée. Les personnages n'ont ainsi pas le temps d'être sérieusement travaillés, appréhendés. Toutefois Big Girls mérite vraiment qu'on s'y attarde, la qualité de l'ouvrage est indéniable, aussi bien dans la finition de l'objet que dans l'histoire qui est proposée à l'intérieur; d'ailleurs même si les femmes sont géantes elle restent assujetties à une certaine forme de domination masculine, puisque assignées à une mission bien précise, même si c'est elles qui reflètent la capacité de s'insurger, d'éprouver de l'empathie, de ne pas forcément obéir aveuglément à des ordres qu'on devine jusqu'au-boutistes. Avec Ember, Jason Howard introduit le ver dans la pomme, cette pensée libre et autonome, qui ne se plie pas si simplement à la hiérarchie et à ce qui est attendu. C'est le détonateur de l'histoire, son glissement vers l'intime. Jason Howard est clairement pour l'ouverture d'esprit, refuse le repli sur soi, les certitudes granitiques qu'on assènent et valent comme un dogme. Bons ou mauvais, belles ou monstrueux, ce n'est pas forcément à l'apparence qu'il faut s'arrêter, mais bien au delà de la première impression qu'il faut aller chercher le peu de vérités qu'on peut encore mettre à jour. Les amateurs de manga, eux, ne seront pas totalement dépaysés dans Big Girls, tant le dessin lorgne vers ce style, sans jamais le présenter purement et simplement en tant que tel. Les contorsions des personnages, la manière d'aborder l'action, qui explose d'une page à l'autre et mange l'espace, tout ceci finit par créer un joli crossover artistique, du comic book affranchi et perméable à ce qui vient d'ailleurs. Comme d'ailleurs la leçon qu'on peut retirer de ce Big Girls. N'ayez pas peur de la différence, et ne restez pas cristallisés sur votre première impression. Où Ember s'occupera de votre cas, que vous soyez monstrueux ou pas. 

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