Parmi toutes les réalités alternatives, les univers narratifs parallèles, celui que Sean Murphy propose dans les histoires regroupées sous le label "Batman White Knight" a probablement de beaux jours devant lui. Il faut dire que pour une fois on découvre des choses différentes et surtout qui tiennent la route, avec la caractérisation inédite de personnages que nous connaissons déjà bien, mais qui sont ici mis en lumière d'une façon fort différente. Place ce coup-ci à un approfondissement du rôle de Harley Quinn dans Gotham. L'album démarre alors que le Joker est mort, Bruce Wayne lui est toujours derrière les barreaux et la ville de Gotham traverse une période d'accalmie, avec la disparition de tous ceux qui autrefois en faisaient une cité mal famée. Néanmoins un certain "Producteur" trame dans l'ombre pour mettre les mains sur la criminalité locale et redevenir le grand patron de la pègre de Gotham. Il a à son service une soi-disant "Starlette", une sorte de pin-up droit sortie des films des années 50 et qui s'attaque aux stars du cinéma du golden age. Pas de quoi motiver particulièrement Harleen Quinzel, qui est déjà bien occupée à gérer sa vie de mère célibataire, avec deux enfants en bas âge, mais aussi ses deux autres bébés, à savoir des hyènes aussi sympathiques, attachantes que fidèles. C'est un portrait de femme crédible que Murphy dresse ici; encore jeune et désormais prise dans les filets d'une existence et d'une maternité qui ne lui correspondent pas tout à fait, ou en tous les cas dont elle n'a pas encore pris pleinement la mesure. L'album a aussi l'intelligence de ne pas la présenter comme une victime du Joker, qui a subi cette relation toxique, mais au contraire nous montre les prémices de l'histoire, lorsque les deux tourtereaux se sont rencontrés, et le rôle salvateur qu'à souhaité jouer la demoiselle, à tel point de confondre probablement le rôle du patient et celui de l'amant. Bref l'approfondissement psychologique occupe une place de choix et c'est tant mieux.
C'est donc une femme qui occupe le rôle central dans cette histoire; une femme seule, plein de rêves et d'envie de sauver le monde, à commencer par son monde, c'est-à-dire Jack Napier, l'homme qu'elle aime, c'est-à-dire celui qui deviendra par la suite le Joker. Et c'est pour cela que ce récit est touchant. Harley Quinn, dans l'univers de Sean Murphy (et Katana Collins) c'est une identité dont Harleen Quinzel pourrait se passer, et qu'elle essaie d'ailleurs de laisser derrière elle. C'est un peu comme un costume qu'il faut endosser pour prêter main-forte à la police locale, mais en réalité c'est un sacrifice, une seconde peau qui ne correspond pas à un désir véritable. Cette histoire est mise en scène, ou plutôt dessinée, par Matteo Scalera. L'artiste italien a un style qui n'est pas d'ailleurs sans rappeler celui de Murphy; lui aussi a subi l'influence du manga, lui aussi propose des vignettes avec un cadrage audacieux, et des silhouettes qui semblent taillées à la serpe, et en même temps l'énergie, le dynamisme, la vitesse de son travail, n'enlèvent rien à la grande qualité esthétique, la beauté des planches, qui sont même d'ailleurs plus lisibles que celle de Murphy. L'univers du White Knight est d'autant plus intéressant qu'il laisse sur la touche Batman. Pour une fois Bruce Wayne n'est pas au centre de la scène à distribuer des torgnoles, mais il opère de la prison, d'où il prodigue conseils, recommandations et encouragements. Même lorsqu'il s'évade pour prêter main-forte, il arrive trop tard sur les lieux et finalement se révèle être inutile. Du coup c'est vraiment Harley Quinn la star, même si malgré elle. Sean Murphy et sa femme Katana Collins sont donc les auteurs de quelque chose de réussi, d'attachant et qu'on vous recommande sans aucune retenue.
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