Elle n'est plus tout jeune, elle fut autrefois très attirante et a eu une vie pleine de mystère et de rebondissements, mais aujourd'hui, c'est juste une secrétaire comme tant d'autres, insignifiante et invisible aux yeux de ses collègues, des hommes pour qui elle n'est que celle qui leur apportera un café et qui rédigera les rapports du chef, lorsque tel sera son désir. Pourtant Velvet Templeton est embauchée dans une agence d'espionnage, peut-être la plus mystérieuse et efficace du monde. Ce que personne ne sait, ou bien ce que les autres on définitivement oublié, c'est qu'elle était autrefois agente sur le terrain, et pas une agente quelconque; probablement la plus efficace, la plus meurtrière, la plus entraînée de toutes celles qui ont jamais fréquenté le milieu de l'espionnage. Vingt ans se sont écoulées, mais tout change à nouveau le jour où un ex de notre "héroïne" est assassiné par un inconnu. C'est le point de départ d'une remise en question, d'un retour vers le passé, qui va replonger Velvet dans cet univers ultra-violent et paranoïaque où elle a autrefois évolué, de la seconde guerre mondiale aux années 70 (l'action se déroule présentement en 1973, ce qui explique que nous ne sommes pas plongés dans une société hyper connectée et que donc l'espionnage à l'ancienne a encore un sens et une raison d'être). Si vous n'avez jamais lu Velvet et vous apprenez la nature de la trame principale de ce comic book en lisant ces lignes, il est fort possible que vous pensiez tout de suite à une énième resucé d'un thème aperçu et éculé aussi bien au cinéma, que sous forme de roman, et même de bandes dessinée. Un James Bond en jupons concluriez-vous, et vous n'aurez pas complètement tort... sauf que ce James Bond au féminin ferait pâlir d'envie l'original, qui ressemble, si on le compare à Velvet, a un petit débutant sans envergure. De toute manière, Velvet écrit par Ed Brubaker, un de ces scénaristes qui maîtrisent tellement leur art que vous pouvez directement acheter les yeux fermés chaque nouvel album qu'il produit. Cette fois encore l'idée de déplacer le curseur sur une femme, une de celles qui ont accepté de vivre dans l'ombre et la banalité, après avoir porté sur leurs épaules les secrets de la géopolitique mondiale, se révèle être fichtrement intéressant, d'autant plus que Brubaker caractérise à merveille son héroïne et tout ceux qu'elle côtoie dans sa course poursuite. Il y a 15 épisode en tout dans Velvet, et à chacun des numéros qui s'achève, le mystère ne fait que s'épaissir. Nous sommes immergés dans un film d'action "seventies" d'excellente facture, à aucun moment l'attention du lecteur ne se relâche, et on progresse dans le complot, que ce soit avec ces hommes qui autrefois ont croisé la vie de Velvet, ou avec ceux qui aujourd'hui pensent tenir les fils du pouvoir. Haletant est un mot bien faible.
L'histoire est racontée par Velvet en personne, et si le présent narratif est situé dans les années 70, les nombreux retours dans le passé étoffent une trame à tiroirs, qui met beaucoup de temps avant de révéler ses secrets les plus intimes. Pour une fois c'est une femme qui est au centre des débats et les hommes ici occupent un rôle mineur. La plupart du temps ce sont des anciennes conquêtes, des compagnons de passage ou d'aventure(s), ce qui renverse le point de vue du héros masculin qui fait tomber ces demoiselles. Bien entendu le récit comporte de nombreux points saillants et des événements choc, comme lorsque le lecteur apprend que l'héroïne a dû éliminer celui qu'elle avait épousé, puisque soupçonné de double-jeu, dans le cadre de ce qui s'avèrera une machination cruelle. C'est un personnage de femme forte habituée à rester dans l'ombre, et qui tout à coup se retrouve contrainte d'en sortie, alors que c'est justement là que réside son unique chance de survie. Velvet reprend tous les codes d'action du genre et parvient à les rendre passionnants aussi grâce aux dessins de Steve Epting. C'est un sans-faute évident de la première à la dernière page, une maîtrise totale du storytelling, la capacité de jouer avec la lumière, les contrastes, et avec l'aide bienvenue des couleurs de Elizabeth Breitweiser qui se marient à merveille avec l'ambiance du récit. L'attention minutieuse aux détailx est fort appréciable, que ce soit pour les fonds de case ou même pour les vêtements; tout ici possède une classe folle. Cette édition intégrale proposée par Delcourt regroupe les 15 épisodes de la série, ainsi que quelques articles et bonus, à la fin d'un pavé qui mérite de se poser tout droit en bonne position sur vos étagères. A tous ceux qui pensent encore que les comics sont uniquement des histoires de types en costume qui passent leurs journées à se taper dessus, nous ne pouvons que recommander Velvet, qui est une des choses les plus intelligentes et les mieux bâties que vous aurez l'occasion de croiser, pour peu que que vous acceptiez de tenter l'aventure.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!