BATMAN CHRONICLES 1988 VOLUME 2 : DU NOUVEAU DANS DETECTIVE COMICS


 Le volume 2 consacré à l'an 1988 pour Batman se présente sous la bannière du changement. Un changement artistique pour Detective Comics, avec un nouveau duo de scénaristes et un dessinateur qui va s'installer avec aisance, mais aussi thématique.  John Wagner et Alan Grant sont britanniques et ils viennent de la célèbre école du magazine 2000.AD, où ils ont déjà produit de superbes œuvres ensemble, à commencer par le Judge Dread, iconique au Royaume-Uni. Leur vision de Batman est sans concession : ce n'est pas un super-héros bariolé qui va prêter main forte à ses amis de la Justice League, mais au contraire un croisé qui arpente les rues les plus malfamées de la ville, qui se salit les gants dans des combats urbains, bref quasiment une légende, destinée à effrayer les criminels et qui se montre le moins possible.  Avec de telles ambitions, il fallait aussi un nouveau dessinateur, capable d'adopter un style presque gothique, avec des dessins qui n'hésitent pas à exagérer les réactions, les sentiments, à faire naître sur les visages et dans le paysage de Gotham cette inquiétude profonde qui caractérise l'univers vicié de la cité de Batman. Welcome Norm Breyfogle ! C'est aussi le moment parfait pour amener de nouveaux super vilains sur la scène, ou plutôt devrait-on dire, de nouveaux criminels, à commencer par exemple par Scarface, qui n'est en fait qu'un simple pantin en bois qu'agite le Ventriloque et qui lui permet de donner libre cours à la partie la plus violente et négative de sa personnalité. Cela dit, le mystère règne complet à l'époque… s'agit-il vraiment d'un être bipolaire schizophrène ou est-il véritablement possédé par la créature, qui ne serait donc pas une simple marionnette mais l'extension d'un drame passé,  capable de contrôler celui qui en use ? Parmi les nouveaux ennemis, parlons aussi du Ratcatcher, un ancien agent des services sanitaires de la ville qui a fait de la prison et qui a juré de se venger (après sa sortie) de ceux qui l'ont ont placé derrière les barreaux. Il est capable de manipuler des armées entières de rats et c'est avec ces petits rongeurs fort désagréables qu'il garde prisonnier d'anciens notables dans les égouts de la ville et qu'il compte s'opposer à Batman. Des épisodes qui sont aussi marqués par l'apparition d'une nouvelle drogue (la Fièvre) qui fait des ravages chez les jeunes adolescents et qui plonge Batman dans un univers aussi glauque que réaliste, où personne n'est épargné, même ceux qui sont normalement à l'âge innocent.



Si la plupart des nouveaux personnages qui naissent dans ces pages auront un jour accès à la gloire grâce à d'autres médias, comme le cinéma ou les séries télévisées, ce n'est pas le cas de tout le monde. Les cas de l'Homme Corrosif ou bien de Mortimer Kadaver sont par exemple moins glorieux. Le premier dissout tout ce qu'il touche et même le sol sous ses pas finit par fondre. Le second est fasciné par la mort : c'est un individu aussi gothique, pervers que fantasque, jusqu'au jour où il va se rendre compte que lui aussi pourrait très bien connaître la même fin que ses victimes potentielles. Les épisodes qui les mettent en scène appartiennent à cette période où les aventures de Batman deviennent plus glaçantes et grinçantes; il y a un côté effrayant et désespéré qui s'insinue dans les pages, avec des récits urbains où entre en jeu un narrateur particulier, le DJ d'une radio locale, qui sera lui aussi puni en fin de triptyque, pour avoir accepté de sombrer dans le vice de la drogue. Si ces épisodes sont franchement intéressants, notons tout de même une parenthèse mettant en scène une Poison Ivy malade, qui se trouve sur le chemin de Batman. Des pages totalement ratées; non seulement le scénario n'est pas très intéressant mais les dessins de Dean Haspiel sont parmi ce qui se fait de pire sur le marché américain. C'est d'une laideur fascinante ! Nous trouvons en fin d'album trois annuals qui se complètent et qui forment un récit intitulé "Fables". Ces trois sorties concernent Detective Comics donc, mais aussi Green arrow et la série The Question, qui était à l'époque très en vogue et destinée à un public un peu plus mature. Ils permettent de retrouver un couple de personnages en provenance de l'Asie composé de O-Sensei et Lady Shiva. Ces deux-là débarquent en Amérique et à Gotham pour donner de bons conseils avisés (sous forme d'aphorismes chinois) à nos trois héros. Pour Batman, ce sera l'occasion de constater un retour de flamme pour la belle et dangereuse Talia Al Ghul, destiné à s'éteindre très rapidement (Dennis O'Neil et Klaus Janson, tout de même !). Pour Green Arrow il sera question de savoir qui est véritablement le meilleur archer au monde, quitte à ce que le doute s'insinue et qu'il en perde ses moyens. The Question tabasse et se rassure quant à son utilité. Old school, mais republié en album pour la première fois, ça ne se refuse pas. Comme d'habitude, l'ensemble est agrémenté de pages du courrier des lecteurs ou de textes didactiques qui permettent de resituer les épisodes dans leur contexte, d'en comprendre plus au sujet des protagonistes et des créateurs. C'est un travail de longue haleine que nous apprécions énormément et c'est ce qui caractérise cette collection de Chronicles, qui est décidément devenue incontournable sur nos étagères.





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