LA NUIT DES LANTERNES CHEZ DELCOURT : LE DEUIL, LA COLÈRE, L'HORREUR


 Le personnage principal de cet album signé Jean-Étienne s'appelle Eloane. C'est une jeune femme qui retourne dans la maison familiale, située sur une île étrange appelée L'île aux lanternes. Cela fait quelques années qu'elle n'a pas pris le ferry pour retrouver les siens, et pour cause : dès les premières pages, nous faisons connaissance avec le drame qui a marqué son existence, dans un passé proche. Lors du même festival, son père qui était resté seul dans le phare familial, plutôt que d'accompagner son épouse et ses enfants, est mort tragiquement, brûlé vif. Qui plus est Eloane et son paternel avaient eu une dispute juste auparavant. Il faut dire que la première cité est une forte tête, qu'elle a toujours tenue bon face aux décisions des adultes et au caractère autoritaire de sa mère. Eloane a aussi un petit frère qu'elle adore et qu'elle tente de protéger ; celui-ci a subi un traumatisme lors du décès de son père, à tel point qu'aujourd'hui il ne profère plus le moindre mot et communique avec les autres en leur envoyant des messages, avec son téléphone. Et puis autre élément important de cette bande dessinée, le festival en soi, où il est question d'apporter une lanterne à une espèce de patriarche qui organise une grande cérémonie. Chacun doit laisser sa flamme s'éteindre lentement et par la même occasion accepter de se libérer du poids des remords, des soucis de tout ce qui peut nous gâcher la vie, à l'intérieur. Bien entendu, Eloane ne croit absolument pas à tout ce qu'elle considère être des sottises superstitieuses… et c'est bien dommage, car elle porte en elle une colère mortifère et des failles incommensurables.



Nous avons tous été confrontés, un jour ou l'autre, aux difficultés de la communication : cette impossibilité de transmettre ce que l’on ressent, y compris aux membres les plus proches de notre famille. Ironiquement, c’est souvent en raison même de ces liens familiaux que surgissent malaise, angoisse ou colère, rendant leur expression d’autant plus difficile. La Nuit des lanternes aborde ce dilemme avec une approche rapide et percutante, en le transposant dans un récit où l’horreur vient se mêler aux tensions familiales. "L’héroïne" y subit une transformation des plus surprenantes, devenant une sorte d’être de feu. Mais elle n'est pas le seul "monstre" à hanter les lieux. Très vite, colère et secrets cèdent la place à une menace plus sombre encore, et le récit nous entraîne peu à peu dans l’inconnu et la terreur. Jean-Étienne déroute et séduit sincèrement avec cet album, d’abord par un dessin très personnel, presque expressionniste. Les forts contrastes entre noirs, rouges et teintes orangées donnent à certaines scènes une intensité visuelle frappante, qui évoquent de véritables incendies sur la page. L’histoire, originale, traite d’un sujet universel avec frontalité, ce qui confère à cette bande dessinée un véritable pouvoir d’attraction sur un large public. On pourra toutefois regretter que la relation entre Eloane et son père soit expédiée un peu rapidement, sans que l’on puisse réellement en comprendre les enjeux et les détails profonds. En revanche, le lien mère-fille bénéficie d’un traitement plus développé, qui apporte une touche de pathos intime et bienvenue à l’ensemble. En somme, une surprise originale que nous vous recommandons vivement de découvrir.

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