NAMOR : LE DERNIER ROI D'ATLANTIS AVEC JASON AARON


 Namor, le Prince des Mers, n’a jamais été réputé pour sa modestie. Pénétré de son droit divin à régner sur les abysses, il alterne depuis toujours entre gestes d’altruisme envers les hommes de la surface et fureurs destructrices qui trahissent autant sa susceptibilité que son orgueil monarchique. C'est autant un super-héros qu’un souverain en exil permanent, qui oscille entre l’autorité et la révolte. Dans la mini-série conçue par Jason Aaron, on le découvre pourtant dans une posture inhabituelle : volontairement incarcéré dans une prison de haute sécurité, au large de nulle part, presque privé d’eau et donc de sa force. Les humiliations des gardiens ne rencontrent aucune riposte. Le Prince des Mers accepte son sort et se détourne, pour la première fois, de la politique des profondeurs. Mais l’Histoire a horreur du vide : en son absence, sept prétendants au trône d’Atlantis s’entredéchirent. Stingray (autrefois surnommé Manta durant nos années Lug et Semic) vient l’avertir : s’il n’intervient pas, cette guerre civile menace de s’étendre et d'ennuyer jusqu’à la surface. Car à force de voir surgir sur leurs côtes des armées atlantes belliqueuses, les humains commencent à s’impatienter. Les croisières de luxe perturbées, le commerce maritime entravé : autant de signaux que la diplomatie hypocrite saura très bien traduire en « légitime défense ». Les dieux Dollar, eux, ne supportent pas que l’écume des mers bouscule leurs profits. Namor doit donc replonger, non par goût du pouvoir, mais parce que l’équilibre géopolitique des océans ne tolère pas son silence. On comprend alors que ce personnage, trop souvent réduit à ses colères, incarne en réalité une question plus vaste : comment trouver sa place dans un monde où l'exclusion est le maître-mot, et embrasser dans un même geste responsabilités politiques et aspirations personnelles ?



Aaron semble être, ces derniers temps, la carte maîtresse que joue Marvel lorsqu’il s’agit de réinventer un personnage et de l’adapter aux préoccupations contemporaines. Nous avons dit que Namor s’aimait beaucoup, mais en réalité, cet amour qu’il porte à lui-même n’est-il pas plutôt une forme de haine ? Très jeune déjà, il a souffert de son statut d’hybride, qui lui a valu le rejet d’une grande partie des siens. Son grand-père, alors maître de la cité d’Atlantis, était un homme corrompu, pour qui le bien du peuple ne comptait absolument pas. Namor, lui, prit très tôt l’habitude de fréquenter les oubliés et les déclassés, découvrant à quel point l’injustice régnait sous les mers. Mais son sang princier le plaçait dans une position paradoxale : il ne pouvait pas se ranger du côté des faibles, car il était destiné à devenir le garant d’un système oppresseur dont il devait perpétuer les mécanismes. Et puis, Namor fit souffrir Atlantis à son tour : il l’entraîna dans des guerres absurdes, réagit sans cesse au quart de tour, considéra la diplomatie comme l’ultime recours, seulement après l’échec des coups, des bombes et des attaques. Ces choix laissèrent évidemment des cicatrices profondes dans le royaume. Aujourd’hui, alors qu’une grande guerre de succession éclate, Namor a choisi un temps de se mettre en retrait. Mais son retour l’oblige à composer avec les erreurs du passé et à faire preuve d’une subtilité nouvelle face aux événements présents. Ce parcours l’amène à se rapprocher de celle qui fut sa première petite amie encore adolescent, mais aussi à affronter les fantômes de son histoire et à se mesurer aux créatures des profondeurs : coraux vivants, baleines mutilées par l’exploitation et la destruction systémique depuis des décennies… Deux temporalités confiées à deux artistes différents, Alex Lins (le plus intéressant des deux) et Paul Davidson. Bref, tout cela est complexe. Cette série propose plusieurs niveaux de lecture, très loin du super-héroïsme classique. À l’image de Namor lui-même : insaisissable, stratifié, jamais là où on l’attend, et impossible à enfermer dans une simple définition. En tout cas, une publication qui ne se contente pas d’effleurer son personnage : la série creuse, exhume et révèle des facettes trop longtemps méconnues ou ignorées.



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