Aaron semble être, ces derniers temps, la carte maîtresse que joue Marvel lorsqu’il s’agit de réinventer un personnage et de l’adapter aux préoccupations contemporaines. Nous avons dit que Namor s’aimait beaucoup, mais en réalité, cet amour qu’il porte à lui-même n’est-il pas plutôt une forme de haine ? Très jeune déjà, il a souffert de son statut d’hybride, qui lui a valu le rejet d’une grande partie des siens. Son grand-père, alors maître de la cité d’Atlantis, était un homme corrompu, pour qui le bien du peuple ne comptait absolument pas. Namor, lui, prit très tôt l’habitude de fréquenter les oubliés et les déclassés, découvrant à quel point l’injustice régnait sous les mers. Mais son sang princier le plaçait dans une position paradoxale : il ne pouvait pas se ranger du côté des faibles, car il était destiné à devenir le garant d’un système oppresseur dont il devait perpétuer les mécanismes. Et puis, Namor fit souffrir Atlantis à son tour : il l’entraîna dans des guerres absurdes, réagit sans cesse au quart de tour, considéra la diplomatie comme l’ultime recours, seulement après l’échec des coups, des bombes et des attaques. Ces choix laissèrent évidemment des cicatrices profondes dans le royaume. Aujourd’hui, alors qu’une grande guerre de succession éclate, Namor a choisi un temps de se mettre en retrait. Mais son retour l’oblige à composer avec les erreurs du passé et à faire preuve d’une subtilité nouvelle face aux événements présents. Ce parcours l’amène à se rapprocher de celle qui fut sa première petite amie encore adolescent, mais aussi à affronter les fantômes de son histoire et à se mesurer aux créatures des profondeurs : coraux vivants, baleines mutilées par l’exploitation et la destruction systémique depuis des décennies… Deux temporalités confiées à deux artistes différents, Alex Lins (le plus intéressant des deux) et Paul Davidson. Bref, tout cela est complexe. Cette série propose plusieurs niveaux de lecture, très loin du super-héroïsme classique. À l’image de Namor lui-même : insaisissable, stratifié, jamais là où on l’attend, et impossible à enfermer dans une simple définition. En tout cas, une publication qui ne se contente pas d’effleurer son personnage : la série creuse, exhume et révèle des facettes trop longtemps méconnues ou ignorées.
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