MARVEL WORLD 1 : C'EST PARTI POUR LE RÈGNE DE FATALIS




 En fait, Marvel World, c'est un peu l'incarnation moderne de ce que fut autrefois le pilier du super-héroïsme chez Lug puis Semic, l'inoubliable Strange. Sauf que la qualité des séries Marvel, en ce moment, n'est pas toujours à la hauteur des ancêtres glorieux. Toujours est-il que ce premier numéro de la revue phare de Panini propose les débuts de Le Règne de Fatalis, raison suffisante pour s'y coller, et découvrir ce nouveau grand événement tant attendu. Dans l’univers 616, tout finit toujours par tourner autour de Victor von Fatalis. Ici, littéralement, puisque One World Under Doom transforme la planète en annexe de la Latverie, avec hymne martial et sourire crispé obligatoire. Après six mois de retraite mystique, où il avait troqué les lasers pour les grimoires, Fatalis revient donc en Sorcier Suprême convaincu de détenir enfin la solution à tous les problèmes du monde. En quelques pages, Ryan North montre un Victor impérial, sûr de son génie, déroulant son programme politique comme un PDG mégalo : fin de toutes guerres, santé pour tous, éducation gratuite… bref, la dictature éclairée dont beaucoup rêveraient, faute d'avoir accès à ce qui est un privilège pour une grande partie de la planète. On pourrait applaudir, si le tout n’était pas servi avec cette arrogance chère au personnage, entre le despote visionnaire et l’influenceur Linkedin qui n’a jamais eu tort de sa vie. Face à lui, les Avengers hésitent entre l’indignation morale et la perplexité : comment renverser un tyran qui fait mieux qu’eux dans les sondages ? Ils se rapprocheraient même du Baron Zemo, preuve qu’on touche le fond stratégique. North orchestre cette confusion avec une ironie délicieuse : les héros partent en mission sans plan, en espérant que Reed Richards improvisera quelque chose en route. Spoiler, il va se planter. Graphiquement, R.B. Silva est convaincant. Fatalis est vraiment majestueux : un souverain sorcier drapé de sortilèges, présent dans des pages qui débordent d’énergie, de combats inattendus et de citoyens hypnotisés par les discours télévisés du maître. Chez Marvel, cela s’appelle une dystopie ; dans la tête de Victor, c’est le monde parfait. Le Règne de Fatalis frappe surtout par cette question perfide que North glisse entre deux explosions : et si Fatalis avait raison ? Rien de tel qu’un tyran efficace pour replonger les héros dans leurs contradictions. 



Il y a deux autres épisodes essentiels dans ce premier numéro de Marvel World. Tout d’abord, vous assisterez au nouveau départ de Spider-Man, cette fois confié aux bons soins du scénariste Joe Kelly. Il s’agit en réalité d’un véritable petit festival offert par le dessinateur espagnol Pepe Larraz qui, comme vous le savez sans doute, compte aujourd’hui parmi les meilleurs artistes à l’œuvre chez la Maison des Idées. C’est lui qui parvient à transcender cette relance somme toute très classique : Peter Parker cherche un emploi, en trouve un grâce à une ancienne connaissance du lycée, fréquente une nouvelle petite amie et voit de nouveaux ennemis œuvrer dans l’ombre contre lui. Bref, rien que l’on n’ait déjà lu ou relu, mais l’ensemble a au moins le mérite d’être superbement illustré. Du côté d’Iron Man, c’est désormais Spencer Ackerman qui reprend la série. On retrouve un Tony Stark revenu à la tête de son entreprise… pour s’en faire évincer presque aussitôt. Une panne d’armure au beau milieu d’une démonstration, une chute sévère, une blessure grave et le voilà contraint d’entamer une longue rééducation. Ce retour à la case départ débouche sur une nouvelle sorte de « guerre des armures » qui l’oblige à faire un net pas en arrière dans l’utilisation de sa technologie. L’ensemble est plutôt intéressant, voire franchement intrigant, servi par les dessins prometteurs de Julius Ohta. Le reste, en revanche, se révèle nettement moins enthousiasmant. L’épisode des Avengers, directement lié aux événements du Règne de Fatalis, est d’un ennui profond et parfaitement dispensable : une simple transition narrative centrée sur le Captain America version Sam Wilson, sans véritable intérêt. Même constat pour les épisodes consacrés à Thor, ici issus d’Immortal Thor. Le titre souffre d’un handicap majeur : vous devez prendre l’histoire en cours de route et, si vous n’avez pas lu les chapitres précédents, vous risquez d’être complètement perdu face à ce que propose Al Ewing. D’autant plus que chaque planche est réalisée par un dessinateur différent, ce qui exige une attention soutenue et exclut pratiquement tout lecteur novice. Dommage : le Dieu du Tonnerre a connu des jours bien plus passionnants, y compris récemment. Terminons avec une information importante : si Le Règne de Fatalis vous passionne ou vous a simplement convaincu de casser votre tirelire, sachez qu’il existe une autre publication du même type, actuellement disponible chaque mois. Panini y insère un ensemble de séries annexes, comme Doctor Strange, les Avengers Supérieurs ou Doom Academy. Nous n’avons pas encore tenté l’aventure, mais je vous en reparlerai, le cas échéant.



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ULTIMATE SPIDER-MAN DE JONATHAN HICKMAN : LE SPIDEY QU'ON ATTENDAIT


L’histoire de Spider-Man, on la connait tous. Tout commence d’ordinaire par une araignée radioactive capricieuse et un lycéen timide qui découvre que grimper aux murs est plus pratique qu’un abonnement à une salle de sport. Sauf que dans Ultimate Spider-Man, Jonathan Hickman met un grand coup de tatane dans cette fourmilière arachnoïde : et si Peter Parker n’avait jamais été mordu ? Et si une force venue bidouiller la chronologie lui avait volé la vie héroïque qui lui revenait ? Et si, vingt ans plus tard, le destin revenait frapper à la porte, comme si finalement il n'était pas possible de lui échapper, d'une façon ou d'une autre ? Le résultat de ces interrogations, c’est l’un des récits les plus stimulants que Marvel ait offerts à son héros fétiche depuis des années. Hickman s’empare de Peter avec un sérieux qui n’exclut jamais une vraie chaleur humaine, et le transforme en un adulte complet : un mari, un père, un homme heureux… mais pas encore comblé. En 2025, Marvel réinvente un personnage qui, paradoxalement, n’avait jamais autant ressemblé à lui-même que sous cette nouvelle forme bien plus intéressante que l'éternel adolescent empêtré dans des runs de plus en plus fades et répétitifs. Dans cet univers alternatif, Peter a épousé Mary Jane, fondé une famille, et évolue dans un quotidien où responsabilités riment avec gosses à border, devoirs à signer et petits traquas domestiques. La grande réussite de la série, c’est justement d’assumer ce virage. Marvel n'a jamais vraiment osé laisser son Peter traditionnel vieillir (depuis les années 1990), au nom de la jeunesse éternelle et de la sacro-sainte « identification du lecteur ». Ici, enfin, l’éditeur retourne la table : la maturité devient la force du personnage. Renew your wows, mais en dix fois mieux.



Au cœur du récit, on trouve la relation Peter/MJ, écrite avec une finesse rare. Pas de drames artificiels, pas de ruptures tonitruantes suivies de retours de flammes forcés, seulement deux adultes qui conversent (beaucoup, ça parle énormément dans USM), se soutiennent et affrontent ensemble l’irruption tardive d'un destin super-héroïque. Leur duo donne au récit une stabilité émotionnelle étonnante, surtout lorsqu’entre en scène leur fille May, véritable moteur de plusieurs des meilleurs moments de ces épisodes. Richard, le petit frère, attend son tour, mais il est destiné à de grandes choses, de très grandes choses ! Évidemment, Hickman ne serait pas Hickman sans un vaste échiquier en arrière-plan. L'ombre du Créateur plane toujours, héritée d’Ultimate Invasion, mini-série dont dépend en partie ce nouvel univers. La beauté du travail réside dans son accessibilité : un lecteur novice peut tenter Ultimate Spider-Man sans diplôme en hickmanologie, tandis que les plus férus y verront mille échos et clins d'oeil à des trames passées et futures. Graphiquement, ce premier Deluxe est un régal. Marco Checchetto délivre un Spider-Man athlétique, massif, profondément humain dans chaque expression, et ses planches redonnent foi en ces comic books modernes dont le niveau graphique moyen a tendance à déconcerter les anciens. Lorsqu’il laisse la main à David Messina, l’énergie ne retombe pas : certaines de ses pages sont très élégantes, et fichtrement intelligentes. Pas simple de succéder au grand Marco en ne devant dessiner que des scènes statiques dans un restaurant, par exemple. Messina, la force tranquille ! Et puis, il y a les surprises. Le Bouffon Vert en pseudo-mentor ? Voilà une idée qui semblait impossible… jusqu’à ce qu’elle fonctionne. Harry Osborn is back in the game ! Bref, on a l’impression d’avoir retrouvé un Peter Parker qui avait disparu depuis longtemps : un héros qui évolue, qui interroge ses choix, qui n’est plus coincé dans une boucle sans fin de « problèmes d’adulte écrits comme des soucis d’adolescent ». Si vous aimez Spider-Man, lisez cet album. Si quelqu’un que vous aimez aime Spider-Man, offrez-lui cet album. C'est Spider-Man, comme on l'aime, comme on le voudrait encore. 

(En illustration, la variant cover spéciale Noël, parce que… c'est bientôt Noël)


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : SILENT JENNY


 Dans le 211e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Silent Jenny, album que l’on doit à Mathieu Bablet, un ouvrage édité chez Rue de Sèvres sous le label 619. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de Women of the west, album choral que l’on doit au scénario de Tiburce Oger, au dessin signé par de nombreuses et nombreux artistes et c’est publié aux éditions Grand angle


- La sortie de l’album Là où tu vas que l’on doit à Étienne Davodeau ainsi qu’aux éditions Futuropolis


- La sortie de l’album Thrillerville que l’on doit à Lerenard pour le scénario, Alex Puvilland pour le dessin et l’album est publié aux éditions Daniel Maghen


- La sortie de France profonde, un album que l’on doit au scénario conjoint de Kris et Swann Dupont, au dessin d’Eliot et c’est publié aux éditions Albin Michel


- La sortie de l’album Que d’os !, adaptation d’un roman de Jean-Patrick Manchette par Max Cabanes, épaulé par Doug Headline, un titre sorti chez Dupuis sous le label Aire noire


- La réédition d’Un léger bruit dans le moteur, album que l’on doit au scénario de Gaet’s, au dessin de Jonathan Munoz et c’est sorti aux éditions Petit à petit.



 
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OBRIGAN TOME 1 : LE SERMENT DES DRUIDES (CHEZ SOLEIL)


 On part pour une contrée lointaine et fantastique, là où le vent mord avant même que les monstres plantent leurs crocs : un drame impensable secoue le royaume de Sonrygar. Une citadelle que l’on croyait inviolable se transforme en ossuaire silencieux, une garnison entière est décimée, les corps de 49 soldats sont mutilés avec une précision qui ne doit rien aux arts guerriers connus, et surtout un détail glace définitivement le sang : personne n’a rien entendu. Pas un cri, pas un choc, pas même le grincement d’une armure mal huilée. Forcément, dans un monde qui déborde déjà de légendes hostiles, les rumeurs reprennent vie. Le Rôdeur, ombre oubliée des chroniques les moins rassurantes, serait de retour. Légende ou sinistre présence ? Évidemment, il n’en faut pas davantage pour que les souverains locaux se jettent la pierre avec la fourberie habituelle des puissants. Le roi de Sonrygar voit dans ce massacre un prétexte rêvé pour accuser son voisin de Rahimir et rallumer une guerre qui couve depuis trop longtemps. En face, on proteste, on dément, et chacun affûte ses armes en prétendant vouloir la paix. Seule la Forêt du Sud, territoire sacré des druides, semble garder suffisamment de recul et de sagesse pour envoyer l’un des siens éclaircir la situation avant que les deux royaumes ne transforment la région en brasier. Ce druide, c’est Obrigan, membre expérimenté et respecté de l’Ordre des Loups, qui donne son titre à cette saga prévue en trois volumes, chez Soleil. 


En enquêteur méthodique, Obrigan traque les incohérences dans les témoignages, débusque les mensonges et tente de comprendre comment un carnage aussi improbable a pu se dérouler dans un endroit censé défier toute intrusion. La démarche, d’ailleurs, constitue l’un des grands atouts de ce premier tome : elle donne à la série un parfum d’enquête monastique à la Nom de la rose, tout en ancrant l’intrigue dans une fantasy à la fois sombre, rugueuse et ouverte à toutes les saillies surnaturelles. Chacun pourrait être coupable, chacun cache quelque chose, et l’album multiplie les fausses pistes à plusieurs reprises. Obrigan est accompagné par deux jeunes disciples qui vont avoir un rôle (et un destin) différent au fil des pages, tandis que le lecteur va réaliser, en cours de route, que les secrets des druides sont cachés et jalousement gardés pour une bonne raison. Graphiquement, Pierre-Denis Goux transforme cette enquête en véritable plongée sensorielle. Ses forêts semblent respirer, ses citadelles imposent le respect par leur austérité, et les personnages portent leurs émotions au visage comme des stigmates (visages couverts de cicatrices, parfois). La mise en scène alterne grands panoramas solennels et gros plans nerveux qui amplifient la tension. Les coloristes, eux, travaillent dans une pénombre volontaire, presque une obscurité rampante, mais sans jamais perdre la lisibilité du trait. Reste à parler du texte, du scénario, où l’on sent la patte d’Olivier Peru : un récit solide, bien huilé, qui n’hésite pas à poser ses bases et à détailler son univers… parfois un peu abondamment. La mythologie locale, les rivalités entre royaumes, les dons druidiques, tout cela forme un ensemble riche mais aussi un brin bavard. Rien de rédhibitoire, néanmoins. Et je vous l'assure, car ce n'est pas habituellement ma tasse de thé, mon domaine de prédilection. Pourtant, je n'ai jamais décroché, tout compris, pratiquement tout aimé. Bonne pioche. Un début dense et ambitieuse pour cette nouvelle série impeccablement illustrée, qui devrait en séduire beaucoup parmi les amateurs et amoureux d'un genre sans cesse renouvelé. 



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SPAWN 2025 : NOUVEAU DEPART NOUVEAU FORMAT CHEZ DELCOURT


 Après l’apocalypse céleste et infernale, l’univers de Spawn traverse l’une des métamorphoses les plus audacieuses de son histoire récente. De son histoire tout court, même ! Delcourt profite de l'occasion pour revoir sa politique de publication. Désormais, chaque album portera le nom de son année de parution VF et contiendra douze numéros, pour autant de mois. Le fait est qu'en mettant un terme à la guerre entre le Paradis et l'Enfer, Todd McFarlane a fait tomber un rideau sur l'intrigue principale qui avait été mise en place dès le tout premier numéro de la série, depuis devenue franchise. En 2024, Spawn renonça au trône des damnés et finit par convaincre Nyx de prendre sa place, à cause d’un constat simple : aucun camp ne méritait de régner. Cette décision bouleversa l’équilibre cosmique et déclencha une onde de choc inattendue. Sans super pouvoirs, sans Hellspawn et sans anges célestes aux ailes rutilantes, la Terre devint une gigantesque zone d'ombre. Autrement dit, le terrain de jeu idéal pour redéfinir intégralement la série. Dans ce nouvel ordre mondial, Spawn évolue comme un soldat revenu à ses principes militaires : lutter pour survivre, à la dure. Avec cependant une mission, chercher un remède au vampirisme, à cause de la montée en puissance de Bludd, souverain des suceurs de sang qui profite du chaos post-guerre pour verrouiller les accès aux royaumes célestes et infernaux et imposer sa caste sur toute la planète. Ce virage scénaristique fonctionne plutôt bien : ramené à sa simple humanité, Al Simmons redevient une bête de combat tactique. C’est un retour aux fondamentaux, presque une redécouverte du personnage, tandis que l'ascension des vampires renvoie tout le monde dos à dos, avec en joker surprise une hybride ange-démon, qui a elle conservé ses pouvoirs…



Cette histoire, ce renouveau, gagne en densité lorsqu’il aborde le cas d’Eddie Frank, devenu mi-ange, mi-vampire. Cette transformation, tragique et imprévisible, sert de moteur émotionnel et confère à Spawn une motivation limpide : sauver un ami en train de glisser vers une monstruosité qu’il n’a jamais désirée. Dans un univers où les frontières morales étaient autrefois écrasées par des enjeux cosmiques, voir Spawn se battre simplement pour protéger quelqu’un à qui il tient redonne à la série un parfum d'intimité et de camaraderie qu'on pensait perdu. Cette nouvelle phase vampirique s’impose ainsi comme un laboratoire narratif : Spawn apprend à fonctionner dans un monde où la magie ne règle plus rien, où les alliances se font dans l’urgence, et où les monstres sont parfois ceux qui souffrent le plus. En se recentrant sur la relation entre Spawn et Eddie Frank, la série retrouve ce qu’elle a toujours su faire : raconter des destins brisés dans un univers en ruines, avec une noirceur qui ne renonce jamais à une forme d’humanité. Certes, il ne faut pas s'attendre à ce que cet étrange statuquo perdure plus de quelques mois. L'album sobrement nommé 2025 est le récit d'une longue parenthèse intrigante, mais une parenthèse tout de même. L'ensemble forme une porte d'entrée pas si idéale que ça pour les nouveaux lecteurs, car il y a beaucoup de personnages, de retours venus parfois de nulle part, et c'est le fin connaisseur chevronné qui appréciera pleinement ces épisodes. Néanmoins, ça peut se comprendre et se tenter. Rory McConville et Todd McFarlane écrivent et développent le titre comme aux grandes heures des années 1990, avec l'apparition quasi systématique d'un nouveau protagoniste en fin de chaque numéro, pour faire monter les enchères ou développer une situation tendue. C'est gothique des pieds à la tête, sanglant, avec un Brett Booth qui démontre être toujours un des plus grands spécialistes de ce genre de récits. Les poses iconiques abondent, pour la plus grande joie de vos rétines. Spawn, l'incarnation d'une noirceur qui ne renonce jamais à une forme d’humanité, et ne semble jamais vouloir vraiment vieillir, depuis plus de trois décennies, pour le meilleur et pour le pire. 


La cover exclusive de KIBAR pour le comic shops assemble

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ZAGOR : LA VENGEANCE DE DUNCAN CHEZ FORDIS


 Randy Johnson vient de vivre un drame. Lors d'un voyage en diligence, sa femme Nancy a été victime de violence de la part d'un passager indélicat, un criminel qui a ensuite éjecté le mari avant de tuer tout le monde. Randy est toutefois parvenu à le rattraper (trop tard) et à l'éliminer. C'est alors que Zagor intervient et se propose de ramener les corps dans la petite ville de Breakheart Town, où il va également essayer de faire en sorte que justice puisse se faire. Problème, le type abattu appartient à la famille Duncan, qui fait la loi dans les environs, et entend bien se venger. Bref, ça risque de tourner au règlement de comptes sanglant, d'autant plus que la lâcheté des habitants est effarante et qu'à part un jeune gamin, Zagor et Chico ne pourront compter sur… personne.

Comme vous le savez sans doute, Zagor, autrement dit l’Esprit à la hache, est mon personnage préféré, tous styles de bande dessinée confondus. Alors forcément, lorsqu’un album contenant l’une de ses aventures débarque sur le marché français, il m’est impossible de passer à côté sans vous en parler. Le problème, hélas, vient de la manière dont cette histoire a été publiée chez Fordis. Je m’explique : tout d’abord, le choix d’un petit épisode de 48 pages, écrit par Stefano Fantelli, proposé dans un grand format à 20 €, laisse perplexe. À ce tarif, une grande partie du lectorat habituel de Zagor — celui de la bande dessinée populaire, les fumetti — n’osera sans doute pas tenter l’expérience. D’autant que la distribution semble pour le moins erratique : par exemple, impossible de trouver l’album dans les différentes Fnac du Sud que j’ai visitées. L’histoire originale était en noir et blanc, et il faut reconnaître que la mise en couleur n’a rien d’exceptionnel ; elle finit même par aplatir le trait de Rodolfo Torti, un dessinateur au style très particulier, assez éloigné de ce que les lecteurs de Zagor connaissent et apprécient. Résultat : cette approche a autant de chances de provoquer l’incompréhension, voire le rejet, que l’adhésion. Le choix reste donc étonnant, même si l’on suppose que le succès d’une autre BD du même artiste (Jan Karta) a pu motiver cette publication. Ajoutons à cela une traduction d’une grande platitude : rien d’exceptionnel, des expressions traduites presque au pied de la lettre, des dialogues qui sonnent faux et une impression générale de lourdeur. La relecture, elle aussi, n'est pas parfaite, loin de là : certaines fautes d’orthographe figurent même dans la présentation officielle de l’album sur le site de l’éditeur, où l’on peut trouver, par exemple, une confusion entre et et est (dans l'album, c'est l'impératif qui pose problème, à un moment donné). Bref, difficile de ne pas penser que ce type de publication aura du mal à trouver son public. Ce n’est pas, à notre sens, la meilleure façon d’adapter la bande dessinée populaire italienne, et tout ce que nous pouvons en dire risque, une fois encore, d’entrer par une oreille et de ressortir par l’autre. Alors oui, difficile de ne pas être déçu, et de ne pas nourrir la certitude que, malheureusement, à part combler une poignée de nostalgiques, ce n’est pas de cette façon que Zagor pourra conquérir le public français. Mais malgré tout, achetez l’album ! Soutenez cette initiative ! Simplement, n’en attendez rien d’autre qu’une petite parenthèse sympathique, qui a toutefois bien peu de chances de s’inscrire dans la durée.





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BATMAN DARK AGE : RELECTURE ET HOMMAGE AVEC RUSSELL ET ALLRED


 Le Bruce Wayne que nous découvrons en 2030, dès le premier épisode de Batman : Dark Age, est bien loin du playboy milliardaire distribuant des coups dans les ruelles sordides de Gotham. Le temps a fait son œuvre : nous voici face à un vieillard particulièrement fragile, soigné dans un hospice de luxe. À cela s’ajoute un problème plus épineux encore : sa mémoire vacille, ses souvenirs s’effilochent, et la raison semble peu à peu lui échapper. Quelle solution proposer, alors, à celui qui fut autrefois l’un des plus grands héros de la Terre ? Tout simplement, lui offrir un carnet dans lequel consigner ses souvenirs : un moyen de réactiver ses neurones, mais aussi de permettre au lecteur de comprendre ce qui s’est réellement passé depuis cette nuit tragique de 1957 où ses parents furent assassinés. Au fil de ces pages, on revisite ainsi les années de formation de Bruce Wayne, mais aussi celles de ses débuts en tant que justicier, dans les années 1960, au sein d’un univers parallèle inédit. Mark Russell y déploie une approche singulière, en écho à son travail récent sur Superman, où il revisitait déjà les mythes fondateurs du genre avec une classe folle. Si j’apprécie autant Russell, c’est parce que ses récits de super-héros conservent toujours un ancrage social fort, et qu’ils sont traversés d’un humour corrosif qui fait mouche. La jeunesse de Bruce Wayne, par exemple, est présentée sous l’angle de son bien-être matériel et de ses ressources économiques illimitées, qui font de lui une petite frappe turbulente, sûre de son impunité. Il sait que, quoi qu’il fasse, les conséquences seront nulles : une armée d’avocats veille, Alfred vient le tirer d’affaire si nécessaire, et un petit billet glissé à un policier corrompu suffit à le libérer. Mais un jour, Bruce croise la route du seul flic intègre de Gotham : Jim Gordon. Condamné à dix ans de prison à la suite d’un verdict absurde, manipulé par ceux qui ont entre-temps mis la main sur l’entreprise familiale, il n’obtient sa liberté qu’à une condition : rejoindre Ra’s al Ghul et l’armée américaine, alors engagée dans les jungles du Vietnam, pour un conflit sanglant et absurde.



C’est là-bas, dans la moiteur du chaos, que Bruce Wayne apprend les techniques de combat, mais aussi la subtile analogie entre le jeu d’échecs et la lutte contre le crime. Mark Russell parvient à reconstituer ce que nous pensions déjà connaître tout en en modifiant le sens et les connexions. C’est brillant, incisif, et superbement écrit — un véritable régal. De retour à Gotham, Bruce combattra pour ceux qui en ont besoin, guidé par une morale inébranlable et un code éthique strict : ne jamais tuer. Et il faut dire que la ville avait grand besoin d’un justicier de cette trempe, tant elle est gangrenée par la mafia locale, dominée par la famille Falcone. On retrouve dans cet univers revisité toute une galerie de visages familiers. Le Joker, d’abord, ici réinventé en clown triste, cabarettiste raté qui gratte là où ça fait mal. Les membres de la Justice League, eux, sont trop occupés à sauver l’univers de l’arrivée imminente de l'Anti-Monitor (Crisis on Infinite Earths, vous l'avez compris) pour venir prêter main-forte à Batman. Dick Grayson, quant à lui, bosse d’abord pour la pègre locale avant d’être recueilli par Bruce, tandis que Catwoman fait son apparition dès l’adolescence, avant de devenir cette anti-héroïne ambivalente qui partage avec Batman une relation aussi électrique que trouble. Michael Allred signe les planches avec son style inimitable : une apparente simplicité, une fausse naïveté, qui collent parfaitement aux intentions de Mark Russell et à la période qu’il évoque. Ce parti pris graphique divisera peut-être (certains y verront une limite, d’autres une formidable cohérence esthétique) mais il sert admirablement un récit à la fois dense, inventif et souvent brillant. Batman Dark Age s’impose ainsi comme une réussite pleine de charme et d’audace, émaillée de moments de grâce et d’idées lumineuses. Un album qui ne déçoit pas, et qui, sans aucun doute, trouvera sans mal son public.



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MARVEL WORLD 1 : C'EST PARTI POUR LE RÈGNE DE FATALIS

 En fait, Marvel World, c'est un peu l'incarnation moderne de ce que fut autrefois le pilier du super-héroïsme chez Lug puis Semic, ...