ULTIMATE X-MEN DE PEACH MOMOKO EN MARVEL DELUXE


 Avec Ultimate X-Men, Peach Momoko signe sans doute la série la plus clivante du nouvel univers Ultimate (qui en réalité vit ses dernières heures de l'autre côté de l'Atlantique, avec le décalage ce sera en été 2026 chez nous). C'est aussi l’une des plus singulières. Ici, pas de relecture nostalgique ni de clin d’œil appuyé aux grandes sagas du passé. Momoko prend tout le monde à revers et impose d’emblée son propre territoire. Ce pour quoi (en apparence) elle a été (bien) payée par Marvel, il faut l'admettre. La série s’ouvre sur des thèmes lourds. Dépression. Suicide. Culpabilité. Dès le premier épisode, Hisako Ichiki assiste à sa cérémonie de fin de collège. Un moment banal, presque lumineux. Puis tout bascule. Un message mystérieux. Un rendez-vous au sommet d’une colline. Et l’irruption d’une créature sombre qui la harcèle et l’accuse d’être responsable de la mort d’un camarade. L’ambiance est posée : Intime, inquiétante, on est loin des vilains qui veulent détruire le monde ou des sagas cosmiques avec les Broods. Hisako découvre ses pouvoirs presque par accident, au moment d’échapper de justesse à une voiture. Elle n’est pas seule. Numéro après numéro, Momoko introduit d’autres personnages : Nico Minoru, élève gothique aussi mutique qu’énigmatique, Mei Igarashi, qui développe des pouvoirs climatiques après une expérience étrange et choisit le nom de Maystorm en hommage à Storm… Chaque personnage arrive doucement, avec son passé, ses failles et ses peurs. L’ensemble respire la sincérité. Les dialogues sont naturels. Les échanges fonctionnent. Le groupe se construit sans forcer. Oui, mais est-ce suffisant pour convaincre une génération biberonnée aux X-Men de Jim Lee et aux gros calibres de Cable et X-Force, rien n'est moins sûr.



Visuellement, la série est une claque, à condition qu'on soir friand d'un style qui n'a rien à voir, ni de près ni de loin, avec un comic book américain. Peach Momoko livre des pages entièrement peintes à l’aquarelle, d’une beauté presque naïve. Chaque planche est travaillée dans le détail. Son style tranche radicalement avec l'univers traditionnel des X-Men. Elle excelle à mêler la douceur des visages à des visions horrifiques. Fantômes, corps déformés, cauchemars éveillés, certaines séquences évoquent clairement Junji Ito, et on se pince parfois : est-on vraiment dans l'univers Ultimate, comment relier tout cela au Spider-Man de Hickman et Checchetto ? En fait, dans ce nouvel univers Ultimate, les X-Men n’ont jamais existé tels qu’on les connaît. Les actions perverses du Créateur ont empêché leur formation. Résultat : Momoko dispose d’une page blanche totale. Elle s’en sert pour raconter une histoire très personnelle, ancrée au Japon, nourrie de légendes urbaines et de codes du manga scolaire. Parfois l'horreur surgit, sans prévenir. Et Momoko fait finalement ce qu'on attend d'elle et pourquoi on la paie, à savoir proposer une version aseptisée et codifiée d'un manga pour les occidentaux, ou pour être exact la mouture du manga filtré à travers les attentes et le pouvoir économique d'américains qui choisiront toujours le chemin le plus simple. Le pire c'est que le récit est solide. Les thèmes sont forts. L’émotion est là. Mais il y a un quelque chose de factice, de préfabriqué, qui n'échappe pas à l'observateur des tendances actuelles. Ultimate X-Men parle de deuil. D’amitié. De peur. Et de reconstruction. C’est une œuvre à part, qui ne cherche jamais à plaire à tout le monde et qui assume pleinement ses choix. C'est aussi un service commandé qui poursuit le travail de sape de l'hybridation des genres, mais sans tenter de faire fusionner la partie la plus audacieuse et fascinante de chacun. Non, c'est du mangacomics rassurant sur la forme, et qui finalement ronronne un peu sur la distance, comme on le constate avec le format Marvel Deluxe.  


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WONDER MAN : MY FAIR SUPER HERO (AVEC PETER DAVID)


 Il faut être honnête : sans la puissance de frappe de Disney+ et de ses séries télévisées, nous n’aurions sans doute jamais découvert en langue française cette histoire consacrée à Wonder Man. D’autant que le personnage ne rencontre guère de succès chez nous et qu’il est loin d’être une star des comics, y compris aux États-Unis. Simon Williams incarne en effet ce type de héros de « second plan » qui change régulièrement d’équipe au gré des événements, meurt, puis ressuscite, comme c’est le cas ici. L’histoire est néanmoins écrite par le regretté Peter David, qui n’a pas son pareil pour proposer un récit léger, émaillé de nombreux moments drôles, tout en conservant une dose suffisante de pathos et d’éléments scénaristiques intéressants afin de faire légèrement évoluer le héros qu’il met en scène. Wonder Man y est présenté comme un homme de cinéma, ce qui est d’ailleurs souvent le cas : il travaille à Hollywood, ou, en tout cas, aimerait continuer à y travailler. Pour cela, il lui faut des agents efficaces, capables de lui trouver des rôles ou de relancer sa carrière. La discussion va alors tourner autour d’un pari : Simon Williams serait-il capable de réhabiliter la criminelle connue sous le nom de Lady Killer, laquelle se manifeste d’emblée par une violence féroce, au point d’évoquer presque une version féminine de Wolverine mentalement manipulée ? Williams est de ceux qui pensent qu’il y a toujours du bon au fond des gens, prêt à émerger. Le pari consiste donc à amener Lady Killer à s’adoucir, voire à devenir une justicière plutôt qu’une grande méchante.



Spoiler : même si les débuts sont particulièrement difficiles, cela semble fonctionner avec le temps. Un véritable dialogue s’installe entre les deux, avec, en troisième et quatrième larron, Carol Danvers, et Hank McCoy qui viennent jouer les guest stars (très sympathique, le gimmick de la partie d'échecs). Oui, cela paraît possible. Oui, il est envisageable que cette assassine, au passé particulièrement éprouvant et déchirant (un passé qui nous est raconté dès le second épisode), devienne quelqu’un de bien, au service de la justice. Ou alors non, ce n’est pas possible, et, dans un final dramatique, le lecteur comprendra pourquoi. Je vous laisse en tout cas tenter la lecture si vous souhaitez savoir laquelle de ces hypothèses est développée, même si vous devinerez probablement laquelle des deux est la plus intéressante. Je précise au passage que le dessin signé Andrew Currie est très loin d’être conventionnel. Nous avons affaire à un artiste au style très singulier, dont les héros sont tous déformés, caricaturés, comme gonflés à l’hélium, avec des proportions de nature à faire sursauter les amateurs de réalisme. Il en résulte toutefois beaucoup de dynamisme et de peps dans ces pages. Reste enfin la question essentielle : combien d’exemplaires Panini va-t-il pouvoir vendre de cet album, sachant que la sortie demeure pour le moment confidentielle et que l’éditeur distribue peu, voire pas du tout, d’exemplaires en service de presse à ceux "qui savent" ? Cela explique pourquoi vous ne trouverez pas énormément de critiques dithyrambiques, comme c’est souvent le cas lorsque cette pratique est répandue. Bref, bonne chance, Simon Williams. Nous on t'aime, mais on connaît aussi tes limites. 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : KENNEDY(S)


 Dans le 213e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente Kennedy[S], album que l’on doit au scénario de Philippe Pelaez et au dessin de Bernard Khattou, un ouvrage édité chez Glénat. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de Weekly dans la série Blacksad stories, un titre que l’on doit au scénario de Juan Diaz Canales, au dessin de Giovanni Rigano et le tout est publié chez Dargaud


- La sortie de l’album Le mètre des Caraïbes que ‘son doit au scénario de Wilfrid Lupano, au dessin de Léonard Chemineau et c’est édité chez Dargaud


- La sortie de Signé Coco, compilation de dessin de presse de l’autrice Coco que publient Les arènes BD


- La sortie de l’album Macbeth, adaptation de la pièce de théâtre de Shakespeare que signe les frères Paul et Gaëtan Brizzi pour un album sorti chez Daniel Maghen


- La sortie de l’album Le démon des grands lacs où Alain Ayroles au scénario et Richard Guérineau au dessin concluent le premier cycle de la série L’ombre des lumières, une troisième partie qui, comme les deux autres, est publiée chez Delcourt


- La réédition des tomes 3 et 4 du Château des étoiles dans un album au grand format, une histoire signée Alex Alice pour une série publié chez Rue de Sèvres.



 
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NEW JUSTICE : LA JUSTICE LEAGUE DE SNYDER EN DC PAPERBACK (URBAN COMICS)


 Il faut remonter à 2018 pour assister aux débuts de la Justice League de Scott Snyder. Et si vous connaissez les œuvres du scénariste, vous savez d’emblée que la lecture ne sera pas de tout repos. Avec lui, les concepts les plus nébuleux prennent corps, l’intrigue se déploie en une mécanique à tiroirs, et le lecteur éprouve parfois cette sensation désagréable qu’une fois toutes les portes ouvertes, une part essentielle du propos lui a peut-être échappé en chemin. Ici, l’histoire s’appuie sur les événements qui clôturent l’ensemble de la saga que l’on appelle Metal. Le Mur Source n’existe plus : autrement dit, l’univers a perdu ses limites. L’insondable a pris forme, et une énergie absolue, contenant à la fois toute la puissance de la création et celle de la destruction (la Totalité) est désormais en mouvement. Sa trajectoire la mène vers la Terre, où elle finit inévitablement par s’échouer. Un tel pouvoir, capable aussi bien de réparer le cosmos que de l’anéantir définitivement, ne peut qu’attiser les convoitises. Super-héros et super-vilains entrent alors dans la danse. Les premiers, animés par l’ambition de faire le bien ; les seconds, menés par un Lex Luthor à la tête de sa Légion du Mal, y voient l’occasion rêvée d’asseoir leur nihilisme ou leur volonté de domination. Luthor parvient même à pénétrer la singularité cosmique en se réduisant à l’échelle microscopique, jusque dans l’organisme de Superman. Ce dernier, accompagné du Limier Martien, demeure l’un des rares à pouvoir affronter la force cosmique en personne. Pendant ce temps, Sinestro, le perfide Sinestro, a réussi à accéder aux forces du spectre ultraviolet et entend laisser la haine submerger notre planète. L’ensemble est d’une complexité vertigineuse : les enjeux puisent leurs racines aussi bien dans l’histoire de l’humanité que dans la tapisserie même de la création. Bref, nous sommes face à du Snyder pur jus. Heureusement, des dessinateurs comme Jim Cheung ou Jorge Jiménez livrent un travail quasi irréprochable, offrant une puissance visuelle et une lisibilité parfois salutaires. De quoi, à l’occasion, suppléer un scénariste dont les idées, aussi foisonnantes soient-elles, gagneraient sans doute à s’exprimer avec un peu plus de simplicité et de clarté.



La suite, c'est le crossover Drowned Earth. Très régulièrement, les comics nous confrontent à de véritables cataclysmes planétaires menaçant l’existence même de la Terre. Là où, dans la réalité, nous frémissons au passage d’une tempête, l’imaginaire super-héroïque n’hésite pas à noyer purement et simplement le globe entier. C’est précisément le point de départ de cette histoire qui implique la Justice League et Aquaman, et, dans une moindre mesure, les Titans. Beaucoup de choses ont changé depuis la mort de Poséidon, et les super-héros doivent désormais faire face à une menace aussi inattendue que redoutable. Des créatures cosmiques, sortes de dieux des océans venus d’autres univers, avaient été emprisonnées pendant des millénaires après leur défaite face au seigneur des mers. Libérées à présent, elles n’aspirent qu’à une chose : se venger. Et, bien entendu, elles n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Pour ne rien arranger, l’eau qui submerge progressivement la planète est de nature mystique. Tous les malheureux qui entrent en contact avec cet élément sont immédiatement transformés en monstres aquatiques. Même le commissaire Gordon, à Gotham, n’y échappe pas : la ville a littéralement les pieds dans l’eau, quand ce n’est pas la tête. Metropolis subit le même sort, et, à vrai dire, c’est un peu le cas partout sur le globe. Et les super-héros, dans tout ça ? Au début, ils encaissent. Et durement. Même Superman se révèle impuissant face à l’ennemi, tandis qu’Aquaman traverse une véritable déchéance, subissant une humiliation sans précédent. Clairement, c’est du lourd, du très lourd. Un blockbuster de haut vol qui vous tombe dessus comme une vague géante — et le plus surprenant, c’est que cela fonctionne remarquablement bien. On retrouve un arrière goût du run de Byrne (puis Harrs) et Jae Lee sur Namor, dans les années 1990. Au menu, du Howard Porter, du Francis Manapul, et bien d'autres encore. Ne cherchez pas la petite bête, New Justice, c'est du blockbuster sur très grand écran.



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ULTIMATE INVASION EN MARVEL DELUXE CHEZ PANINI


 Rien ne meurt et ne disparaît vraiment dans les comics books américains. L'histoire n'est qu'un éternel recommencement, y compris pour l'univers Ultimate, qui lors de son apparition au début des années 2000, avait été une bouffée d'air frais salutaire, permettant de réinventer l'ensemble des personnages et des grands récits fondateurs du microcosme Marvel. Mais lorsque vous repartez de zéro et que vous offrez ainsi une multitude de portes d'entrée parfaites pour les nouveaux lecteurs, il faut s'attendre qu'au fil des ans la situation se complexifie une nouvelle fois. L'univers Ultimate a donc fini par mourir, à l'occasion de la grande saga Secret Wars, orchestrée par Jonathan Hickman, le même scénariste qui est aujourd'hui un des principaux démiurges de la Maison des Idées et qui a relancé l'univers Ultimate, à l'occasion de L'Ultime Invasion. Il reste deux personnages issus de ce que l'on appelle désormais la Terre-1610, à savoir Miles Morales, un Spider-Man moderne et apprécié du jeune lectorat, mais aussi le Créateur, la version maléfique de Reed Richards (Mister Fantastic), aussi doué pour faire le mal que la version classique pour inventer des outils formidables. C'est lui qui, malgré le fait qu'il est emprisonné, est à la base du renouveau de ce monde hâtivement jeté à la poubelle. Il trame dans l'ombre depuis des mois et abat enfin ses cartes. Les principaux héros de la planète ne peuvent rien faire si ce n'est constater qu'il les nargue, qu'il ne cache pas même son grand come-back; au contraire, il les incite à se rebeller, tout en sachant qu'il sera impossible de le contrer. Le Créateur ne peut être arrêté et il possède trois coups d'avance sur tout le monde. Et pour ce qui est de sa Terre parfaite, de son monde à façonner, ça commence par empêcher certains héros de devenir tels, par de subtiles interventions qui vont modifier l'histoire, selon son bon vouloir.




Nous sommes bien évidemment dans l'univers de Jonathan Hickman, ce qui signifie qu'il y a certains codes à respecter, à commencer par l'insertion de pages présentant ce que l'on nomme désormais une infographie, qui viennent compléter la compréhension de la lecture (pour une fois, ça n'est pas non plus trop encombrant). Cela veut dire aussi que l'histoire est très décompressée. Il est beaucoup plus intéressant de lire cette Ultime Invasion en une seule fois, dans le Marvel Deluxe que vous propose Panini, que de la suivre chaque mois en version originale, au risque d'oublier une partie de ce qui a été découvert trente jours auparavant. Chez Hickman, il convient toujours d'aller revérifier, reprendre sa lecture, pour comprendre à quel point celui qui a commencé sa carrière en tant qu'architecte aime construire dans la durée et édifier patiemment tout un univers auto-référencié. Bien entendu, il faut également apprécier les comic books avec des personnages qui aiment s'entendre parler : ça soliloque beaucoup, ça ouvre souvent la bouche pour ne pas dire grand-chose, si ce n'est le plaisir infini d'entendre sa propre voix qui résonne. C'est aussi un album qui réjouira les amateurs de massacres organisés; tout le monde est ligué contre le Créateur, non seulement les héros traditionnels, mais aussi (et vous le découvrirez dès le second épisode) ceux d'autres univers, les clones de clones qui s'assemblent pour tenter d'empêcher l'inévitable. L'inévitable, donc : c'est le plan de ce Reed Richards "mauvais", qui va pousser le cynisme à se placer lui-même en situation d'incarner le rôle d'un de ses pires ennemis et qui va compter sur les services du père de Tony Stark pour mettre au point l'arme lui permettant d'accéder à son Graal personnel. Le fait est que vous résumer l'histoire sans entrer dans les détails, tout en vous donnant des informations pertinentes, est extrêmement compliqué. Encore une fois, vous allez devoir vous creuser la cervelle pour bien saisir où veut en venir Hickman, qui est véritablement en train de tout réorganiser là autour d'un nouveau projet, dont l'évolution fonctionnera comme une horlogerie de précision diabolique, mois après mois, en temps réel. Sachez qu'aux States, la conclusion est imminente, avec la mini série Ultimate Endgame. Il est ici épaulé par Bryan Hitch au dessin, qui est toujours égal à lui-même, aussi bien pour les qualités que les défauts. Oui, il donne énormément d'énergie à ses planches et il est capable de présenter des scènes où tout un tas de personnes se tapent dessus, tout en les rendant séduisantes et lisibles. Mais certains cadrages (en contre-plongée), certains visages, laissent toujours des doutes (Black Panther, par exemple). Reste une certitude : lorsqu'on a terminé cet album, celle que nous tenons probablement là un des projets phares de Marvel ces dernières années.



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BATMAN GHOSTS OF GOTHAM TOME 2 : ELIXIR


 C’est finalement assez logique, puisqu’il s’agit tout de même de Detective Comics, que ce deuxième tome du Batman de Tom Taylor s’ouvre sur un épisode indépendant et une enquête : le premier annual de la série depuis l’apparition du nouveau cours DC Comics. On y aborde le meurtre d’un scientifique assassiné dans sa maison-bunker, un véritable cocon entièrement informatisé et robotisé, sans qu’aucune intrusion — ni sortie — n’ait été détectée. Batman se retrouve donc à jouer au détective (je vous l'avais dit) avec, sur les bras, un cadavre « à un milliard de dollars » et une série de révélations qui vont l’amener à affronter… une cuisine et ses couteaux animés, ainsi que des calculs vertigineux laissant entrevoir l’existence d’un monde nouveau. Comme si cela ne suffisait pas, quelques pages montrent aussi le Chevalier Noir qui vient en aide à un gamin dont l’établissement scolaire pourrait bien avoir servi, autrefois, de repaire à l’Épouvantail. Tout cela tient lieu d’apéritif, car ce qui intéresse vraiment le lecteur, c’est évidemment le plat de résistance : la poursuite de l’intrigue amorcée dans le premier tome, celle qui concerne Élixir, un groupe insaisissable qui semble tirer les ficelles dans l’ombre et détenir un pouvoir considérable à Gotham. Le tout possède un petit parfum de Cour des Hiboux : ce n’est pas la première fois qu’on nous présente une menace ancienne, opérant depuis des lustres sans que personne n’ait jamais pu en identifier les membres. L’association cherche en réalité à vaincre la mort, ou, du moins, à la repousser le plus possible. Elle offre une jeunesse perpétuellement renouvelée à ceux qui collaborent. On y croise politiciens et hommes d’affaires, qui, en échange de leurs basses œuvres, se voient gratifiés de quelques années supplémentaires au compteur.



Lorsqu’on tente de remonter aux origines d’Élixir, les informations se font rares. Pourtant, Harvey Bullock, flic incorruptible aligné aux côtés du commissaire Gordon, se souvient d’avoir croisé, au début de sa carrière, quelques membres peu recommandables du groupe. L’affaire s’était d’ailleurs très mal terminée à l’époque, et il avait fallu l’intervention providentielle d’un collègue ripou pour lui sauver la mise. Aujourd’hui, les rôles s’inversent : Harvey aide Batman à remonter la piste… avant de se retrouver kidnappé puis secouru par le Chevalier Noir. Au passage, même le Pingouin se retrouve embarqué malgré lui dans cette sombre affaire. Batman doit donc sauver les meubles dans un récit où se multiplient quiproquos, scènes d’action et révélations, jusqu’à l’identité du véritable maître du jeu. Le final, hélas, se révèle un peu petit bras, presque pathétique, et sans doute pas tout à fait à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer. Le volume se conclut sur Detective Comics #1100, un pot-pourri hommage au Chevalier Noir plutôt réussi. On y trouve notamment un épisode muet touchant, où Batman et son chien viennent en aide à un jeune garçon privé de parole dont l’animal a été kidnappé contre rançon. On découvre aussi, à travers une virée aux urgences (là où atterrissent les malfrats que le justicier tabasse régulièrement) à quel point Batman permet, chaque nuit, d’épargner des vies. Côté dessin, c’est Lee Garbett qui officie sur les épisodes réguliers : un trait efficace, une mise en page énergique et très lisible, même si certains fonds de case paraissent parfois expéditifs. Le dernier épisode bénéficie quant à lui d’un florilège d’artistes comme Mikel Janín, Álvaro Martínez Bueno ou Bill Sienkiewicz, pour des planches souvent remarquables. Ghosts of Gotham n’est peut-être pas la publication la plus indispensable de cette fin d’année chez Urban Comics, mais elle demeure une lecture très agréable. Et si vous avez apprécié le premier tome, il y a toutes les chances que ce second volet soit fait pour vous.

Le tome 1 est chroniqué ici



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KINGDOM COME : UNE VERSION LUXUEUSE CHEZ URBAN POUR NOEL


Kingdom Come est une œuvre mûrement pensée, inscrite dans le même filon que des pierres angulaires des comics américain comme Watchmen ou The Dark Knight Returns. Dans ces récits, les héros se montrent désabusés ou franchement cyniques, plutôt qu’héroïques, « sans peur et sans reproches ». Pendant longtemps, beaucoup de personnages DC avaient incarné une idée solaire du superhéros, reflet d’un optimisme typiquement américain. En 1961, Marvel bouscula cet état de fait et les héros créés par Lee, Kirby et Ditko apportèrent une valeur novatrice et transgressive qui éclipsa momentanément les autres éditeurs. Pourtant, à partir des années quatre-vingt, DC publia nombre d’œuvres subversives et révolutionnaires, même si certains continuaient à penser que Flash, Green Lantern et consorts n’étaient plus en phase avec leur époque. En 1996, Mark Waid repartit de cette idée fausse avec Kingdom Come. Il imagina un futur possible où les superhéros traditionnels ont été dépassés, puis remplacés, par une génération plus agressive… et nettement plus amorale. Dans ce monde-là, les justiciers « classiques » ont pris leur retraite pour diverses raisons : Superman vit reclus dans une ferme, triste et mélancolique, et refuse d’affronter son passé ; Wonder Woman a été reniée par les Amazones et peine à donner un sens à sa vie ; Bruce Wayne ne porte plus le costume, mais continue de lutter contre la criminalité à Gotham, avec des méthodes plus que douteuses. Les surhommes existent toujours mais ont changé : jeunes, arrogants, agressifs, ils combattent les méchants avec une brutalité décomplexée. Ils ne connaissent ni limites ni responsabilités. Ils n’hésitent pas à tuer si cela leur semble nécessaire, et si un innocent meurt au passage, cela les touche à peu près autant que le souvenir de leur premier caleçon. C'est ça, les héros modernes ? Est-ce ainsi que l’on doit concevoir l’héroïsme ? Waid ne se contente pas de poser la question : il l’explore en profondeur. L’histoire débute avec Wesley Dodds, alias Sandman, qui met en garde un prêtre vieillissant, Norman McKaye, contre un Armageddon imminent. Norman voit ses cauchemars s’intensifier, jusqu’à recevoir la visite du Spectre lui-même, lequel lui révèle qu’une catastrophe se prépare et l’entraîne à travers des visions terrifiantes impliquant ces nouveaux superhéros dévoyés. Pourquoi Superman, Wonder Woman et les anciennes gloires ne s’en mêlent-ils pas ? Leur retour est-il nécessaire, ou constituent-ils eux-mêmes une partie du problème ?



Le drame éclate lorsque Magog, l’un de ces jeunes surhommes, provoque un accident d’une ampleur inimaginable : un affrontement qui raye littéralement le Kansas de la carte des États-Unis. Face à ce désastre, les « vieilles épaves » n’ont plus le choix. Superman, malgré lui, sort de sa retraite et entreprend de reformer la Justice League afin d’inculquer à cette garde insoumise un peu de vérité et de justice. Mais la route est semée d’embûches : Bruce Wayne refuse de l’aider et, aux côtés d’Oliver Queen, collabore avec Lex Luthor (e pire ennemi de Superman, quoi) pour des raisons qui ne tarderont pas à se révéler. L’alliance improbable du Chevalier Noir et de Luthor constitue d’ailleurs l’un des axes les plus troublants de cette dystopie. Waid nous balance un récit intense et évocateur dont la profondeur captive le lecteur. Il interroge la légitimité même du superhéros : à quel moment son intervention devient-elle oppression ? La paix doit-elle être imposée par la force, comme le suggère une Wonder Woman autoritaire, qui rappelle au passage certaines envolées politiques du monde réel ? Et si tel est le cas, qu’est-ce qui distingue encore un superhéros d’un fasciste ? Pour Waid, la réponse est claire : un héros est avant tout un être humain, puis un surhomme. Dépourvu d’humanité, il cesse d’être un héros. Un super-héros ne tue pas. Personne ne doit prévaloir. Les justiciers hypertrophiés qui dominent le marché n’ont plus grand-chose de noble, et Kingdom Come agit comme un miroir impitoyable tendu aux conventions narratives de la BD américaine. Les véritables superhéros sont de la trempe de Superman, pas de Lobo, pour citer un exemple DC, ni du Punisher chez Marvel. Le récit joue aussi sur un symbolisme quasi religieux : par son écriture comme par ses dessins, il confère à ces figures un statut proche du divin. Impossible enfin de parler de Kingdom Come sans évoquer Alex Ross. Déjà auteur du chef-d’œuvre Marvels, il livre ici un travail d’orfèvre. Chaque planche mérite qu’on s’y attarde longuement, tant elle regorge de détails minutieux. Comparé à Marvels, l’approche est moins statique, plus dynamique, notamment dans les séquences d’action où Ross parvient à insuffler un mouvement rare dans la peinture. Il n’en oublie pas pour autant l’essentiel : capturer visuellement le charisme des mythes vivants que sont les superhéros DC. La collection Urban Limited et son écrin somptueux (à 89 euros, tout de même) est probablement l'édition ultime et luxueuse qui finira dans les hottes des plus fortunés d'entre vous, à l'occasion des fêtes de Noël !


 

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ULTIMATE X-MEN DE PEACH MOMOKO EN MARVEL DELUXE

 Avec Ultimate X-Men , Peach Momoko signe sans doute la série la plus clivante du nouvel univers Ultimate (qui en réalité vit ses dernières ...