THUNDERBOLTS : FRAPPE MONDIALE (PARCE QUE LE FILM...)


 Ils débarquent au cinéma, alors forcément, vous allez devoir vous avaler quelques tartines de Thunderbolts au petit déjeuner. Mais attention : il ne s’agit pas d’un groupe comme les autres. À l’origine, ce sont des super-criminels déguisés, qui tentent de faire croire au grand public qu’ils sont des super-héros — histoire de combler l’absence des principaux justiciers Marvel, que tout le monde croyait morts à l’époque, à la suite des événements de Onslaught et Heroes Reborn. Aujourd’hui, les Thunderbolts ressemblent davantage à une bande de seconds couteaux qu’on pourrait qualifier d’anti-héros. Ce ne sont pas vraiment des vilains, mais ils ne sont pas non plus des enfants de chœur. Disons que leurs objectifs sont honorables, mais que la manière dont ils comptent les atteindre a de quoi faire froncer les sourcils — surtout chez leurs collègues redresseurs de torts. La mission que s’est fixée Bucky Barnes, ancien Soldat de l’Hiver désormais chargé de constituer cette nouvelle version des Thunderbolts, est compréhensible, voire même assez noble : il veut en finir avec Crâne Rouge, et ce de la manière la plus expéditive possible — autrement dit, en l’éliminant physiquement. Cela dit, son adversaire est insaisissable, plus une idée ou un concept qu’un simple individu. Il semble se réincarner en permanence dans de nouveaux corps, ce qui rend quasiment impossible toute tentative de mettre un terme définitif à ses agissements. Qu’importe : Bucky décide que l’heure est venue d’agir radicalement. Avec l’aide de la comtesse Valentina Allegra de Fontaine, il monte une nouvelle équipe, évidemment composée de personnages que l’on retrouvera également dans le film — histoire de séduire les lecteurs. Et ce n’est pas tout : une fois Crâne Rouge éliminé, il faudra aussi gérer le vide laissé par sa disparition, notamment l’énorme capital économique dont il disposait, et qui devient l’objet d’une succession très disputée.



Jackson Lanzing et Collin Kelly choisissent logiquement de se concentrer sur Bucky. C’est par exemple le traumatisme de sa dernière confrontation avec le Caïd qui constitue le cœur de l’un des épisodes. Quand on est à deux doigts de se faire broyer par son adversaire, ça laisse des traces — même lorsqu’on a vécu d’innombrables aventures au fil des décennies. Des aventures dont il ne garde parfois aucun souvenir, tant il a été utilisé comme une simple arme au service de puissances encore aujourd’hui inconnues. L’ancien Soldat de l’Hiver se lance ainsi dans une quête d’identité. En chemin, les nouveaux Thunderbolts croiseront aussi la route d’American Kaiju, et comprendront qu’il faut parfois savoir être vraiment à la hauteur (littéralement parlant) pour régler certains problèmes. Ce sera aussi l’occasion de revoir U.S. Agent, toujours aussi prompt à obéir aveuglément aux ordres, même quand ceux-ci n’ont ni queue ni tête — voire sont franchement délétères. Au final, une bonne surprise que cet album, qui sans révolutionner le genre, a au moins le mérite de proposer une équipe inédite, qui fonctionne bien, et des épisodes rythmés, dans lesquels il se passe toujours quelque chose. Aux dessins, Geraldo Borges livre une très belle prestation. J’aime beaucoup ces artistes capables de jouer avec les ombres et l’obscurité pour donner du relief à leurs personnages. Bref, si cette sortie n’est sans doute pas la plus glamour du printemps, elle possède un indéniable capital sympathie. Et cela suffit à la ranger du côté des albums qui valent le détour.



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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA TERRE VERTE


 Dans le 198e épisode de son podcast, Le bulleur vous présente La terre verte que l’on doit au scénario d’Alain Ayroles, au dessin d’Hervé Tanquerelle et aux couleurs d’Isabelle Merlet, un ouvrage publié chez Delcourt dans la collection Mirages. Cette semaine aussi, le podcast revient sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :


- La sortie de l’album Strange fruit que l’on doit au scénario de Vincent Hazard, au dessin de A. Dan et c’est édité chez Dupuis dans la collection Aire libre


- La sortie de l’album Tumpie, la jeunesse tumultueuse de Joséphine Baker que l’on doit au scénario de Jean-Luc Cornette, au dessin d’Agnese Innocente et le tout est publié chez Glénat


- La sortie de l’album À l’intérieur que l’on doit à Mathieu Sapin et aux éditions Dargaud


- La sortie de l’album Blizzard, là où l’oubli commence que l’on doit à Denise Dorrance pour un titre publié chez Bayard graphic


- La sortie de l’album La passe visage que l’on doit à Koren Shadmi, un album édité chez Marabulles


- La réédition de l’album Le voyageur que l’on doit à Koren Shadmi et aux éditions Marabulles



 
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DEADPOOL MASSACRE MARVEL (MARVEL POCHE - PANINI)


Réédition dans la collection Marvel Poche

 Parfois, un simple "Et si...?" suffit à déclencher un cataclysme dans l’univers Marvel. Prenez Deadpool, par exemple : derrière son humour décapant et sa conscience méta qui a tant séduit les lecteurs, se cache aussi un potentiel de destruction illimité. Cullen Bunn et Dalibor Talajić l’ont bien compris en imaginant Deadpool massacre Marvel, une œuvre aussi sanglante qu’irrévérencieuse, qui dépouille le "mercenaire disert" de son ironie habituelle pour se pencher sur son côté le plus sombre. Tout commence dans un des nombreux Multivers. Wade Wilson, devenu incontrôlable, est enfermé par les X-Men dans l'asile de Ravencroft. Mais l'établissement n'est pas aussi sûr qu’il y paraît : le Dr. Benjamin Brighton, censé soigner Wade, n'est autre que Psycho-Man déguisé. En tentant de reprogrammer l’esprit du mercenaire, il ne fait qu'aggraver la situation : Deadpool sombre alors dans une folie froide et méthodique. Sa nouvelle mission ? Sauver l’univers… en exterminant chaque être doté de superpouvoirs. Pas de jaloux : super-héros et super-vilains tombent les uns après les autres sous ses coups. Thor, Thanos, les figures les plus iconiques de Marvel, aucun n’échappe au massacre, parfois en à peine quelques cases. Les cinq épisodes de cette folie furieuse sont ainsi un véritable déluge d’hémoglobine, où l'humour noir habituel cède la place à une violence brute, presque nihiliste. Talajić illustre ce carnage avec un style dynamique et tendu, qui traduit à merveille l'urgence et la brutalité des événements. 



Si le rythme effréné de l'album séduit par son énergie destructrice, il souffre aussi de certaines faiblesses : affrontements bâclés, incohérences, et une écriture qui sacrifie profondeur et émotions sur l'autel du spectaculaire. On regrette par exemple que la bromance légendaire entre Deadpool et Spider-Man soit balayée d’un revers de crayon, Spidey étant expédié aussi vite que n'importe quel second couteau. Cette œuvre s’inscrit d’ailleurs dans la tradition des "What If...?", ces récits hors-continuité que Marvel publie depuis 1977 pour explorer toutes sortes de scénarios délirants, sans conséquences sur son cher univers principal. Une idée séduisante sur le papier, mais qui, comme souvent, donne des résultats inégaux. Deadpool massacre Marvel en est la preuve éclatante : ambitieux dans son concept, jouissif dans son exécution, mais qui n'a pas d'autre ambition que d'être un pur divertissement. Faut-il pour autant bouder son plaisir ? Certainement pas, surtout pour les amateurs de défouloir ultra-violent et de déconstruction sauvage des mythes super-héroïques. Mais ceux qui espèrent retrouver l’esprit satirique d’un Deadpool "classique" risquent de ressortir de cette lecture avec un goût de sang — et peut-être d’inachevé — dans la bouche. Pour ma part, je ne suis pas un fan du personnage, si ce n'est les débuts de la période Duggan et Posehn, que j'avais trouvés très pertinents. Mais bon, après tout, Deadpool reste Deadpool : imprévisible, excessif, et prêt à dynamiter tout ce qu’il touche, y compris ses propres histoires. Et je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais j'adore Dalibor Talajić, le dessinateur mais aussi le bonhomme, tout simplement.  


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THANOS POUVOIRS COSMIQUES : RETOUR AUX 1990s AVEC RON MARZ


 Dans les années 1990, Thanos possède un statut pour le moins variable. Parfois présenté comme la pire engeance que l’univers ait jamais engendrée (Thanos Quest, Infinity Gauntlet…), parfois comme le grand vilain repenti, flanqué d’une sagesse naissante (Infinity Crusade), le personnage apparaît tour à tour sous des visages différents — voire franchement contradictoires. Une seule constante cependant : dès qu’il s’ennuie, Thanos retrouve immanquablement sa vocation première, à savoir la quête de savoir — et donc de pouvoir — par tous les moyens possibles. Y compris, bien entendu, la violence et les abus en tous genres… Dans Les Maîtres du cosmos (le nom à l'origine de cet album, chez Semic), nous le retrouvons en pleine scène de carnage sur une planète lointaine. Thanos ne demande rien : il prend. Et c’est précisément ce qu’il est en train de faire. Ce qu’il convoite n’est pas un trésor de joyaux ou de métaux précieux, mais un but bien plus noble (ou sinistre, selon le point de vue) : la connaissance. Pendant ce temps-là, rien ne va plus dans la galaxie. Le dernier héraut en date de Galactus, un certain Morg — ancien bourreau sanguinaire sur son monde d’origine et amateur de tortures en tout genre — a été capturé par Tyrant, une entité surpuissante dont les racines remontent à un passé très lointain, et qui entretient une rivalité ancestrale avec le Dévoreur de Mondes. Disparu depuis si longtemps que plus personne ne pensait à lui, Tyrant ne revient pas sur le devant de la scène pour faire de la figuration. Il représente un défi colossal, irrésistible, même pour le Titan fou — qui sait néanmoins qu’il ne pourra pas triompher d’un tel adversaire par la seule force brute. C’est ainsi que Thanos se choisit un premier allié : Terrax, lui aussi ancien héraut de Galactus — et ce n’est pas un poète. Armé de sa hache cosmique, Terrax laisse dans son sillage cadavres et mutilations. Lorsque nous le retrouvons, il est prisonnier dans une arène, forcé de se battre pour sa liberté. Mauvaise idée que d’avoir voulu faire de lui un simple gladiateur de foire. Sans surprise, il s’évade — et fait payer cher ses geôliers, ainsi que ceux qui espéraient tirer profit de sa souffrance. Peu à peu, une force de frappe se constitue face à Tyrant, et un choc cosmique se profile, le tout orchestré par Ron Marz, qui assemble une à une les pièces de ce vaste puzzle / jeu de massacre.



Si Thanos est la figure centrale de la première partie de cette histoire — Cosmic Powers en VO —, elle se divise en réalité en six volets. En France, Semic avait publié l’intégralité de cette mini-série sous la forme de trois albums, contenant chacun deux épisodes. Panini y rajoute quelques inédits tirés de Secret Defenders, histoire d'enrichir la sauce. Et au fil des pages, la distribution s’étoffe. Ce qui semblait au départ une série de portraits fouillés et introspectifs de personnages à la psychologie tourmentée se transforme en une immense bataille rangée, qui oppose des êtres aux pouvoirs démesurés. Outre Thanos et Terrax, les dessins de Ron Lim — pilier des grandes sagas cosmiques des années 1990 — et de Jeff Moore — qui insuffle un véritable souffle d’énergie brute à ses planches — donnent vie à une galerie de personnages hauts en couleur. Andy Smith, quant à lui, illustre un duo aussi étrange qu’attachant : le Valet de Cœur, condamné à une solitude éternelle dans un costume qui le maintient en vie tout en l’empêchant de vivre normalement, et Ganymède, redoutable combattante et dernière survivante de sa race, dont la mission ultime est la destruction de Tyrant. Ce couple improbable n’échappera pas, lui non plus, aux machinations de Thanos. Autre protagoniste impliqué dans cette épopée : Legacy, le fils du Captain Marvel originel. Encore impulsif, malhabile avec ses nouveaux pouvoirs, il fonce tête baissée et se retrouve face à Nitro, l’assassin indirect de son père, responsable de son empoisonnement au gaz mortel à l’origine d’un cancer foudroyant. Les deux derniers épisodes sont consacrés à Morg, avec les dessins âpres et surprenants de Tom Grindberg — dans un style qui n’est pas sans évoquer celui de Mignola. Si beaucoup de lecteurs de l’époque n’appréciaient guère ses planches, j’ai pour ma part toujours eu un faible pour cet artiste que je considère comme largement sous-estimé. Enfin, Scott Eaton prend en charge la déflagration finale : l’heure du règlement de comptes général a sonné, et tout le monde se tape joyeusement dessus — pour notre plus grand plaisir. Bien sûr, Thanos n’est pas qu’une créature malfaisante et surpuissante : c’est aussi un maître incontesté de la manipulation et des plans tordus, toujours au service de ses ambitions. L’ensemble se lit encore aujourd’hui avec un plaisir non dissimulé, même s’il est évident que cette histoire porte en elle toutes les marques stylistiques des comics de l’époque : grandiloquence cosmique, poses héroïques, dialogues sentencieux et affrontements titanesques. Mais pour qui a grandi avec ces antagonistes aujourd’hui remis à l’honneur, cette parution inattendue reste une madeleine de Proust interstellaire, à tremper dans un bon bol d'hémoglobine.


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ABSOLUTE POWER TOME 2 : FOIRE D'EMPOIGNE !


 Nous voici donc aux prises avec le second volume consacré au nouveau grand événement DC Comics publié chez Urban, Absolute Power, qui se décline en trois volets. Très honnêtement, le problème vient de la nécessité de publier de nombreux épisodes qui sont certes en rapport avec l'histoire principale, mais qui en fait ne font qu'en explorer les marges, de manière plus ou moins convaincante. Par exemple, ce second tome ne propose qu'un seul épisode de la série mère, le troisième, et ce sont les dernières pages au menu. Tout le reste est consacré à un autre titre satellite (Absolute Power Task Force VII) et aussi à ce qu'on appelle les tie-in, c'est-à-dire les épisodes des différentes séries régulières des personnages, qui sont impliquées dans un événement plus général. On va ainsi assister à une tentative d'évasion de Green Lantern, jusqu'ici détenu par Amanda Waller, et qui va utiliser tous les artefacts des différents héros et vilains qui ont été saisis pour parvenir à ses fins. Ou encore le parcours de Superman et Zatanna, à travers les différents chemins de la magie, dans le but de trouver un moyen pour pénétrer directement dans le sanctuaire d'Amanda. C'est l'occasion aussi de voir tous les super-héros qui n'ont pas été capturés en train de panser leurs plaies et de préparer une contre-attaque. Pour obtenir des informations, certains n'hésitent pas à recourir à la violence, comme Robin (Damian), ou au contraire, à tenter la voix de la persuasion, celle de "l'amour". Tout ceci est au menu d'un épisode de Wonder Woman assez drôle, illustré par Tony Daniel par ailleurs, mais qui évidemment contraste avec tout ce qu'on a lu auparavant dans le titre écrit par Tom King. Bref, vous l'aurez compris, Absolute Power est une histoire intéressante, comme nous avons déjà eu le cas de le dire (lire ici), qui joue sur des codes modernes et présente un récit pertinent et adapté aux enjeux de l'époque. Le problème, c'est que tout est loin d'être à la hauteur des ambitions, que ce soit au niveau du scénario ou des dessins. Il y flotte comme un parfum de fourre-tout, avec du très bon et du clairement dispensable.



Il est par exemple regrettable de voir le titre mensuel Batman s'engager dans cette aventure, au prix de rebondissements complètement improbables, qui manquent cruellement de conviction. Batman et Catwoman se retrouvent sur la planète de Lobo, pris en chasse par les sbires d'Amanda Waller, et tentent désespérément de regagner la Terre en empruntant un tunnel boom. Le récit est marqué par une confusion omniprésente – et pas seulement dans ces pages, mais dans d'autres également. C’est précisément l’effet produit par ce tome 2 de Absolute Power : un trop-plein d’explosions, de batailles, de vilains qui cognent sur des héros. Et – c’est peut-être là le comble – une menace permanente de pertes humaines massives plane sur l’ensemble… sans jamais se concrétiser. Car à la dernière page, le bilan demeure désespérément vierge : aucun super-héros de poids n’est tombé au champ d’honneur. Même lorsqu’un personnage semble dans une position critique – en l’occurrence Red Tornado –, il s’agit en fait d’un androïde. Autrement dit, un simple redémarrage de ses systèmes devrait suffire à le remettre en état de marche dans un avenir proche. Reste Dan Mora, dont les planches sont réellement excellentes. Il est, et de loin, l’artiste pour lequel l’achat de l’album se justifie pleinement. Absolute Power aurait réellement gagné à plus de simplicité, en proposant des enjeux plus recentrés, plutôt que de prétendre, en l’espace de quelques heures, faire table rase de toute la diversité héroïque et criminelle de l’univers DC. Transformer tous les personnages en captifs privés de leurs pouvoirs, voilà une ambition trop démesurée… pour un résultat très déséquilibré, tant sur le plan narratif qu’artistique, les différentes équipes créatives étant par ailleurs très disparates. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit bel et bien d’un moment charnière pour l’histoire récente de DC Comics. Et au milieu de ce tumulte, on trouve aussi quelques épisodes inspirés, qu’il est essentiel de lire pour comprendre les événements à venir chez l’éditeur. À vous donc de vous forger votre propre opinion. Mais une chose est sûre : si vous n’êtes ni un lecteur régulier, ni familier de l’univers DC, il y a de fortes chances que vous n’y compreniez absolument rien.


Tome 1 chroniqué ici


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DARK KNIGHTS OF STEEL ALLWINTER : DEATHSTROKE LE VIKING


 DC Comics aime revisiter certains de ses héros, présenter une version inédite de son univers, en plaçant l'ensemble dans des contextes improbables, surprenants, historiques ou relevant de l'uchronie. Elseworlds, qu'on appelle ça. Tom Taylor a ainsi lancé la gamme Dark Knights of Steel, à savoir les héros DC dans un monde médiéval, où la magie rivalise avec le fer des épées. C'est de cela qu'il s'agit ici, avec le prolongement à la série initiale, sous le nom d'Allwinter (vous pouvez ressortir la grosse couette remisée au fond du placard pour cause d'arrivée du printemps). Slade Wilson (Deathstroke) est ainsi réimaginé en guerrier viking et il est engagé par Vandal Savage pour une mission périlleuse à travers les hautes mers, pour affronter une mystérieuse créature. Mais lorsqu’il atteint sa destination, Wilson découvre la véritable nature de la proie qu'il est censé abattre. Il réalise alors que cette dernière a des pouvoirs formidables, qui pourraient ébranler l’hiver éternel qui s’est abattu sur son royaume. Avant d'aller plus loin dans le contenu de cet album, il faut donc s'arrêter sur le travail graphique de Tirso Cons : tout le dessin est en noir et blanc (ou pour être plus exact, absolument gris) : il s'agit d'incarner la rigueur de l’hiver qui frappe le royaume, qui est plus de nature mystique que météorologique. L'artiste ne se laisse nullement freiner par cette palette monochrome, et livre des scènes d’une violence saisissante, où Slade sème derrière lui des traînées de sang d’un noir d’encre. Un combat particulièrement intense et féroce est mis en scène lorsqu’il affronte un kraken. Mais celui que nous connaissons en tant que Deathstroke est ici usé, fatigué intérieurement par ce qu'on lui demande encore et toujours de faire. Ce qu'il souhaite avant tout, c'est être payé. Et dans ses pensées, obsédante, l'image de son épouse perdue le ronge (qu'il va finalement retrouver, même si ça ne va pas se passer comme prévu).


 


Allwinter, c'est du combat bien bourrin dans l'essentiel des pages. Bien que des allusions récurrentes aux événements de Dark Knights of Steel soient présentes, il s’agit d’une histoire entièrement indépendante, avec une version totalement différente de Deathstroke. Le scénariste Jay Kristoff y présente un Slade rendu encore plus aigri par la guerre, et, par extension, par ceux qui s’en servent comme prétexte pour assouvir leur soif de sang. C'est aussi l'occasion de retrouver la version jeune ado de Alec (Holland), destiné à devenir l'incarnation de la sève, forcément celui qui pourrait mettre un terme à l'hiver mystique. Vous allez croiser aussi d'autres personnages comme Freeze, Killer Frost, ou encore la fille de Deathstroke (Rose Wilson Worth, Ravager), sans oublier Batman, dans un périple mouvementé et particulièrement violent. En fin d'album, Urban publie également les petits récits qui ont été présentés sous forme de back-up stories au format original. Ce récit est très important car il permet de retrouver Martha et Jonathan Kent, ici dans le rôle de jeunes guerriers fougueux, qui vont se voir investis d'une mission de la plus haute importance : élever un jeune garçon et lui inculquer les valeurs les plus nobles de l'humanité. Alors là, forcément, vous pensez à Superman… sauf qu'en réalité, c'est le petit Arthur (autrement dit Aquaman dans notre univers DC traditionnel) qu'ils vont prendre sous leurs ailes. Les dessins sont de Riccardo Federici, dans un style pictural très réussi, tandis que le scénario est signé Tom Taylor, le grand artisan du monde Dark Knights. Et croyez-le ou non, mais ces pages de complément s'avèrent plus intéressantes et touchantes que tout ce qu'on a lu avant, qui reste tout de même à réserver aux amateurs de comic books tranchants et bourrins. En tous les cas, si vous êtes devenus fans de ce contexte médiéval, sachez que nous sommes encore loin d'en voir la fin et que vous aurez bientôt d'autres parutions à vous mettre sous la dent.




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PEACH MOMOKO CHEZ MARVEL : HYBRIDATION MARKETING


 Arrivée dans l'industrie des comic books de super-héros il y a à peine cinq ou six ans, Momoko a rapidement fait sensation avec ses couvertures chez Marvel. Elle est devenue incontournable pour la "Maison des Idées", notamment grâce au succès de sa première œuvre mettant en scène des personnages dotés de pouvoirs incroyables, Demon Days, rééditée illico sous toutes les coutures et en plusieurs formats (parce que non, les lecteurs ne sont pas des vaches à lait, voyons). Comme toujours, les Américains, très sensibles aux opportunités économiques – appelons un dollar un dollar – ont flairé le potentiel de cette artiste. Résultat : Momoko est devenue une figure publicitaire et artistique incontournable, exploitée jusqu’à la dernière goutte d’encre. Sa carrière est éblouissante : née dans les pages d’obscurs magazines japonais (parfois pour adultes), elle a conquis la scène internationale à coups de dizaines de couvertures alternatives et d’illustrations promotionnelles. Une ascension fulgurante, marquée par une rencontre décisive avec Grant Morrison, qui l’a propulsée dans la mythique revue Heavy Metal à l'occasion de son anniversaire. Ce parcours, résolument vertical, illustre à sa manière la lente capitulation du comic book américain face à l’esthétique manga, devenue reine auprès des nouvelles générations. Peach Momoko incarne ainsi ce que les grandes maisons d’édition occidentales – sans doute à tort, mais enfin, on ne va pas gâcher une bonne projection fantasmatique – considèrent comme la mangaka japonaise idéale. Des personnages kawaï à souhait, une élégance graphique délicate, une palette de couleurs pastel digne d’une boîte de macarons, et des thématiques en boucle sur l’adolescence ou la vie scolaire. En résumé : malgré un talent évident, Momoko s’est ajustée comme un gant à ce que les éditeurs attendent pour afficher une modernité on ne peut pas plus caricaturale.



Selon les dernières études, 47 % des lecteurs de comics aux États-Unis sont des femmes, et les mangas explosent les compteurs de vente. Des chiffres vertigineux pour ceux qui s’accrochent à une vision passéiste et testostéronée de la culture populaire – pour les bonshommes, les vrais. Une évidence, aussi, pour quiconque a mis les pieds dans une librairie ces vingt dernières années. Les incels peuvent trembler, ils sont en voie de grand remplacement, finalement. Et peu importe si la carrière de Peach Momoko a commencé dans des magazines pour adultes (allez voir, obsédés que vous êtes), ou si sa première percée sur le marché occidental fut une affiche alternative pour le film gore Meatball Machine de Yūdai Yamaguchi – pas exactement l’esthétique mignonne qu’on lui connaît chez Marvel. Ce que la "Maison des Idées" attend d’elle au départ, c’est une vision du manga lisse, cristallisée, immédiatement identifiable, réduite à une poignée de clichés confortables. Rien de neuf sous le soleil éditorial. Cela fait plus de trente ans que les comics américains cherchent à s’approprier l’influence japonaise, surfant sur la moindre tendance venue de l’archipel. Du boom du début des années 2000 – avec des records de vente signés Jim Lee et Todd McFarlane chez Marvel – à la fondation d’Image Comics, le marché oscille sans cesse entre innovation sincère et récupération stratégique. Et toutes les tentatives d’hybrider les super-héros à la sauce nipponne ont fini, à terme, par se casser les dents. Comme si l’hybridation, poussée trop loin, menait inévitablement à un rejet. Sauf que, cette fois, ce sera peut-être différent. Peut-être. Les Ultimate X-Men version Peach Momoko amusent, séduisent, et parviennent même à capter l’attention d’un public éloigné de la cible initiale. Comparer ses mutants à leurs incarnations classiques devient un jeu de piste plaisant, tout comme tenter de deviner où l’autrice veut en venir (spoiler : va falloir débiter un bon paquet de pages avant de comprendre). On réalise alors pourquoi Marvel a décidé de miser sur elle, au-delà des seuls calculs cyniques de son département marketing. C’est une bouffée d’air frais – pour le moment – et une opération de communication menée tambour battant. Vous avez vu les réactions au festival d’Angoulême 2023 ? Momoko est une star. Que cela vous semble mérité ou totalement surévalué, c’est secondaire : elle est là, et bien là.



Quand à son titre Ultimate X-Men, il puise ses racines dans la culture japonaise. Une influence évidente, portée autant par l’identité de l’autrice que par celle de son héroïne, Hisako Ichiki. Cette adolescente japonaise, bien connue des lecteurs les plus attentifs, n’est pas une new entry dans l’univers Marvel : créée par Joss Whedon et John Cassaday dans la très bonne série Astonishing X-Men, elle y tenait un rôle secondaire. Sous le nom de code d’Armor – en lien avec son pouvoir mutant – Hisako avait brièvement combattu aux côtés des "vrais" X-Men du monde Marvel classique. Aujourd’hui, Momoko lui offre un rôle central, en faisant l’étoile montante de sa version des mutants. Nous reviendrons dans le détail sur cette série dans pas très longtemps, revenez nous voir à l'occasion, true believers. Sayōnara.


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THUNDERBOLTS : FRAPPE MONDIALE (PARCE QUE LE FILM...)

 Ils débarquent au cinéma, alors forcément, vous allez devoir vous avaler quelques tartines de Thunderbolts au petit déjeuner. Mais attentio...