VENOM THE LAST DANCE : UN DERNIER VOLET (IN)DIGNE DES DEUX AUTRES ?


 Certes, peut-on vraiment afficher une surprise sincère, en sortant des salles obscures ? Il s'agit tout de même du troisième Venom et les deux premiers n'ont pas laissé un souvenir impérissable dans l'histoire du genre, bien au contraire. On peut les classer, sans prendre trop de risques, dans ce que la production super héroïque sur grand écran a engendré de pire. On peut même affirmer qu'il y avait trois types de personnes qui attendaient de pied ferme cette dernière danse : tout d'abord, le spectateur particulièrement indulgent ou dont la capacité de discernement est clairement abolie. Ensuite, celui qui se rend en salle pour des raisons plus ou moins professionnelles, avec l'obligation de chroniquer ou d'avoir vu le film (nous sommes dans ce cas de figure, ce n'est pas drôle tous les jours). Enfin, ceux qui aiment se faire du mal, une forme de masochisme artistique irrépressible, qui pousse ensuite à se plaindre alors qu'il était largement possible d'anticiper le piètre spectacle. Ce troisième opus débute tambour battant avec une scène explicative pour que tout le monde comprenne qui est Knull, d'où il sort et ce qu'il veut : ça fait un peu didactique, c'est extrêmement sombre et probablement un peu difficile à appréhender, pour celui qui ignore tout de ce personnage. Pied de nez complet puisque cet ennemi si puissant restera là où il est est durant tout le film ! La transition est ensuite assez abrupte : dès la seconde minute du film, nous entamons le chapitre blagues potaches/discussions absurdes entre Tom Hardy/Eddie Brock et son symbiote, dans un gros numéro de cabaret indigne de ce que devrait être normalement cet anti-héros sanguinolent. Mais voilà, vous le savez tous, le Venom de Sony est une sorte de grosse marionnette pas si méchante que cela, qui aime le chocolat, danser et manger des cerveaux, non sans avoir auparavant choisi avec soin les sujets à dévorer. Last Dance, c'est donc en définitive un film bancal et décousu, avec une histoire minimale qui réussit, malgré tout, à plonger les spectateurs dans les abysses de la perplexité. Qui regorge de scènes totalement dépourvues de logique, même approximative, et de personnages unidimensionnels qui agissent sans la moindre cohérence. Le méchant ? Inexistant ou totalement insignifiant. Knull menace mais reste sagement au chaud, les limiers qu'il envoie sont de grosses bêtes brutales et sans personnalité. Chouette alors. Les effets spéciaux ? Médiocres. Les scènes marquantes ? Vous n'en trouverez pas. Vous trouvez qu'on est sévères ? Mais non, à peine… 




Un film à fuir, alors ? C’est d’ailleurs ce que fait Tom Hardy durant tout le film : courir, hagard et malmené, d’une situation absurde à l’autre, qu’il s’agisse d’attaques d’aliens, d’humains, de l’armée ou même d’une famille lambda. Venom The Last Dance est avant tout un pur Tom Hardy show. Tous les autres personnages en sont réduits à des apparitions anecdotiques, surgissant sans contexte ni explication, comme le Dr. Payne joué par Juno Temple, dont le rôle se limite à un exposé narratif censé donner une vague cohérence aux enchaînements d’événements et ajouter une touche d'émotion surfaite. Le film accumule également les clichés les plus improbables : une famille hippie qui, sans aucune difficulté, infiltre la Zone 51 (un trou dans le grillage, je ne blague pas) et manipule des armes secrètes avant de disparaître comme si de rien n’était. Sans oublier des tentatives de comédie complètement ratées, comme cette scène kitsch où Mme Chen se lance dans une danse ridicule, ou Eddie Brock en voiture, avec la famille précédemment citée, pour un karaoke bien long et lourdingue, sur du David Bowie. Malgré tout, et c’est là son paradoxe, Venom The Last Dance est tellement décomplexé et dernier degré qu'il peut aussi séduire. Avec moins de deux heures au compteur, il enchaîne à vive allure les séquences, sans laisser de temps pour réfléchir aux incohérences qui pullulent. Et si l’on accepte ce chaos, quelques scènes peuvent vraiment sortir du lot, comme toutes les fois où Venom est pris en chasse, avec une série de transformations délirantes (le symbiote s'empare d'un cheval, d'une grenouille…) qui vont plaire aux plus jeunes dans la salle. Tom Hardy, fidèle à lui-même, livre une performance impeccable. Certes, on ne peut s’empêcher de regretter qu’il n’ait jamais eu l’occasion d’interpréter un Eddie Brock plus profond et nuancé. Mais il est évident qu’il s’est follement amusé dans ce rôle. Et c’est grâce à son talent que cette production désordonnée et imparfaite parvient à tenir (rarement) debout. Qu’il s’agisse des scènes d’action chaotiques ou des gags souvent maladroits, Hardy réussit à insuffler une tendresse improbable qui donne envie de pardonner, en partie, l'indigence des trois films. Au milieu de ce joyeux bordel, le troisième volet ne perd pas de vue son objectif : conclure dans la folie cette sorte de buddy movie extraterrestre initié par Hardy et Sony. Le final, à la fois juste et efficace, offre une conclusion satisfaisante pour une histoire de ce genre. Mais promis, on en restera là, hein, pas de blagues ? Du coup, ceux qui ont détesté les deux premiers volets pour mille et une raisons ne reviendront probablement pas sur leur jugement. Mais Venom: The Last Dance a une petite chance de faire sourire ceux qui n'ont qu'un seul objectif en vue, un blockbuster pour mettre le cerveau en pause et faire défiler sur grand écran des pages truffées de symbiotes qui se croisent. Comme aller s'empiffrer d'un bon gros burger à trois étages dans la chaîne de fast food la plus proche. La mayonnaise coule de partout, le cholestérol s'affole et le demi litre de coca ne va aider à une saine digestion du menu XXL. Mais vous n'y allez pas pour une dégustation de fin gourmet, ou alors c'est vous qui êtes profondément incohérents. 


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LE PODCAST LE BULLEUR PRÉSENTE : LA 3e KAMERA


 Dans le 187e épisode de son podcast, Le bulleur  vous présente La 3e Kamera, titre que l’on doit au scénario de Cédric Apikian, au dessin de Denis Rodier et c’est édité chez Glénat dans la collection, 1000 feuilles. Cette semaine aussi, je reviens sur l’actualité de la bande dessinée et des sorties avec :

- La sortie de l’album Les météores que nous devons au scénario de Jean-Christophe Deveney, au dessin de Tommy Redolfi et le tout est édité chez Delcourt

- La sortie du deuxième tome de la série Inoubliables que l’on doit à Fabien Toulmé et qui est édité chez Dupuis

- La sortie du 7e tome de la série Les aigles de Rome, un série que l’on doit à Enrico Marini et aux éditions Dargaud

- La sortie de l’album Eurydice que signe Lou Lubie au scénario, Solen Guivre au dessin et qui est édité chez Delcourt

- La sortie de l’album Les femmes ne meurent pas par hasard que l’on doit au scénario de Charlotte Rotman qui suit l’avocate Anne Bouillon, au dessin de Lison Ferné et c’est publié aux éditions Steinkis

- La réédition en intégrale du Spirou que l’on doit à Émile Bravo baptisé L’espoir malgré tout, un titre paru aux éditions Dupuis.



 
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SOMNA : LE PLAISIR DÉMONIAQUE DE CLOONAN ET LOTAY


 Somna est sous-titré Une petite histoire avant de s'endormir, pour une raison évidente à la lecture, dès les premières pages : l'œuvre explore les rêves, le sommeil et la frontière floue entre les deux. Mais plus encore que tout ceci, il s'agit d'une réflexion sur le danger de la sexualité des femmes dans une société où l'homme décide ce qui est bon, pur, possible pour elles, instaure des limites et des tabous, pour mieux les contrôler et en faire "leurs choses". Le diable, qui rend visite à la jeune Ingrid dans ses songes, ne fait qu'exploiter les failles déjà présentes dans cet univers patriarcal qui entend réduire la femme à son rôle de créature ingénue et soumise, et donc sans envies et sans sexualité assumée. Ingrid est une jeune femme mariée, ignorée par son mari, malgré ses nombreuses supplications. Ironiquement, l'époux n’est pas repoussant ou impuissant, mais il semble totalement désintéressé par la femme très séduisante qui l’attend, seule, dans leur lit glacé. Roland n’a d’yeux que pour la chasse aux sorcières, ce grand péril qui menace la communauté dans laquelle le couple évolue. C'est lui qui a la charge de repérer les nouveaux dangers, les nouvelles femmes à brûler vive. Au fil des pages, on finit par croire que le diable existe. Et si ce n'est pas réellement lui, que nous sommes devant une figure démoniaque qui exhorte Ingrid dans ses rêves à accepter et recevoir le plaisir. Il insiste pour lui offrir un orgasme, un acte qui, à lui seul, constitue une menace capitale pour l’ordre établi. D'ailleurs, Roland n'est pas si dupe, quand des petits bruits équivoques le réveillent au beau milieu de la nuit.  Autre personnage important dans ce récit à ne pas mettre entre toutes les mains : Maja, l’amie et confidente d’Ingrid, qui entretient de son côté une liaison avec Sigurd, le mari d'une "sorcière" qui vient tout juste d'être sacrifiée sur la place du village, une certaine Greta. Le diable décide de révéler à Ingrid l’adultère de son amie, et cette découverte va déclencher une spirale tragique où les cadavres s’accumuleront et où l’ombre de la mort va accompagner tout ce joli monde. L'ignorance crasse et la superstition au service d'une vision masculine du plaisir féminin, c'est-à-dire de sa négation. Une femme qui souhaite jouir, librement, exister sexuellement, ne peut qu'être possédée, c'est bien connue. 



Somna est le fruit d'une équipe artistique exclusivement féminine. Becky Cloonan, qui s’occupe de la majeure partie du « monde réel », démontre qu'elle a vraiment atteint une forme de maturité enviable. Elle excelle dans la représentation des costumes d'époques, apporte un soin méticuleux aux détails. Tula Lotay, en revanche, se concentre sur les rêves. Ses planches sont construites sur un modèle différent et plus libre, elles privilégient des gros plans suggestifs : des mains, des visages, des corps dans des poses lascives. C'est elle qui doit insuffler la charge érotique puissante qui porte toute l'œuvre et elle y parvient particulièrement bien ! Son usage de couleurs vives confère à la plupart des scènes un attrait tentateur et onirique bienvenu, et le lecteur parvient vite à ressentir ce qui faire peur et dans le même temps attirer irrésistiblement Ingrid, qui accepte l'inavouable et y succombe rêve après rêve. Car oui, Somna parle de sexe, et bien que les dessins ne soient pas non plus pornographiques (des caresses appuyées, des corps nus qui s'étreignent, mais les parties intimes restent dans l'ombre) les scènes de passion physique sont celles qui rythment l'ensemble, qui caractérisent l'évolution du personnage féminin, qui vont aussi amener à sa chute. Un choix narratif et thématique qui sied parfaitement au style de Lotay, dont le travail a toujours porté une dimension érotique affirmée, visible même dans ses couvertures d’œuvres dites grand public. Une tension émerge entre ce que les deux artistes essaient de raconter et cette sensualité omniprésente. Les personnages féminins, et occasionnellement masculins, sont des objets de désir magnifiés, ils sont tous beaux, esthétisés, sauf le prêtre libidineux qui est une caricature de cette religion abjecte dans sa volonté de dominer grâce à l'hypocrisie. Le démon existe bien, mais il est à trouver dans le cerveau malade de ceux qui voudraient nier l'accès à la sexualité, plutôt que dans la luxure présumée de celles qui acceptent d'embrasser le plaisir physique, comme la plus naturelle des choses. Somna a remporté l'Eisner Award de la meilleure nouvelle série, cet été à San Diego. Venant de la culture puritaine et chafouine par excellence, la récompense n'en a que plus de prix. Il s'agit aussi, soulignons-le, du premier album targué Delcourt, qui adapte en Vf des histoires publiées chez DSTLRY, un nouvel éditeur qui compte dans son catalogue naissant et à venir des poids lourds du secteur. L'ouvrage est d'une beauté évidente, et brille comme un cadeau implacable. 



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L'ÉXÉCUTEUR : L'INTÉGRALE SIGNÉE WAGNER ET RANSON CHEZ DELIRIUM


 Harry Exton est un button man (en VO). Traduit en français, cela donne, en gros, un exécuteur. Le genre de type dont il fait bon ne pas croiser la route. Et qui s'est laissé prendre au piège du Jeu, majuscule de rigueur. Pour faire simple, Harry accepte de risquer sa vie (et de prendre celles de ses adversaires) sur commande. Il reçoit régulièrement un coup de fil de la part de ceux qui se font appeler les voix et qui lui donnent des instructions, pour une nouvelle partie cruelle et mortifère. En échange des sensations fortes que Harry procure à celui qui lui organise la partie, il est bien sûr largement rémunéré. L'appât du gain et la perspective de se mettre à l'abri, une fois pour toutes, est un excellent ressort pour un individu qui ne présente pas le moindre scrupule, qui ne peut pas être défini ou résumé par des concepts aussi simplistes et réducteurs que le bien ou le mal. Tout comme cette bande dessinée, écrite par Alan Wagner. Il n'est pas question ici de délivrer un message sur la violence aveugle ou stipendiée, juste d'observer Exton en action, prisonnier du Jeu qu'il n'a pas le droit de quitter. Certes, l'envie de faire un pas de côté finit par être la plus forte, mais comme un de ses congénères participants le lui avait fait remarqué, l'hypothèse n'est guère plausible. Du coup, la dernière partie d'adieu d'Exton relève du guet apens et de la réunion antisportive : à quatre con un, seul pion d'une chasse à l'homme déséquilibrée dont il va toutefois se sortir, non sans encombres. Blessé, l'exécuteur trouve refuge chez un psychiatre, qu'il menace d'une arme alors qu'il entreprend de lui raconter tout ce que nous venons de résumer. Le lecteur ne s'y trompera pas et devinera au ton et à l'atmosphère pesante que le praticien n'est probablement pas un simple professionnel choisi par hasard, et les dernières pages de ce qui constitue la première partie (sur trois) de l'œuvre ne feront que confirmer cette déduction. On croit avoir déjà atteint le paroxysme de la tension et de l'action et on se trompe lourdement. La seconde partie (Delirium a par ailleurs publié cette histoire dans trois tomes séparés, par le passé) s'annonce encore plus terrifiante et mouvementée, avec Harry exfiltré aux Etats-Unis, où un sénateur véreux lui fournit de faux papiers et vie aisée, en échange de sa participation au Jeu en terre américaine. 



Exton, le personnage central, devient de plus en plus fascinant à mesure qu’on tourne les pages. Au fil de son existence, il a même la chance de connaître quelques instants de relative tranquillité, qu’il aurait pu exploiter pour tenter de se reconstruire. C'est le cas au début de Les Proies, troisième volet de cet ouvrage. Hélas, entre un peu de déveine et une tendance presque compulsive à chercher les ennuis, il finit toujours par retomber dans ses travers. Et, inévitablement, c'est le Jeu qui le rattrape. L'ultime partie de cette sombre trajectoire est particulièrement marquante : Exton, désormais désigné comme la cible à abattre aux yeux de tous les autres gros joueurs, devient le gros lot final d'un tournoi qui ressemble à une chasse à l'homme dramatique. En parallèle, un film inspiré de tout ce que nous venons de lire s’apprête à sortir en salle et brouille la frontière entre plusieurs niveaux de fiction, que juxtapose le scénario de Wagner. L’exécuteur suprême finira-t-il par être lui-même exécuté, ou la proie ne fera-t-elle qu'une bouchée de ses chasseurs ? La réponse s’étale sur plusieurs dizaines de pages intenses, où des affrontements explosifs se succèdent. Dans tout ce chaos, notre héros — qui n’en a jamais été un — transforme une forêt glaciale en un véritable champ de bataille, une zone de guerre dont personne ne ressort indemne. Son territoire, un cimetière pour les autres. Il faut saluer ici le travail remarquable du dessinateur, Arthur Ranson, qui insuffle une ampleur vibrante à chaque planche. Les cadrages sont inventifs et variés, souvent focalisés sur de petits détails ou des éléments en apparence secondaires. Cette approche met en lumière le caractère désespéré et aléatoire de ces duels mortels, où la vie humaine ne vaut qu’un paquet de billets promis par une voix anonyme au bout d’un téléphone. La couleur se révèle souvent glaciale, le trait raffiné et chirurgical; impossible de ne pas être happé par un binôme qui fonctionne à merveille et ne nous laisse jamais le moindre moment de répit (tout comme c'est aussi le cas pour Exton). Initialement prévu pour être publié dans un magazine britannique qui a rapidement cessé de paraître, L’Exécuteur a finalement trouvé sa place dans les pages de la célèbre revue anthologique 2000 A.D.. Habituellement orienté vers la science-fiction, l'hebdomadaire a su reconnaître le génie de cette œuvre, portée par un humour anglais à la fois froid et sarcastique, savamment distillé, qui fait mouche. Retrouver les trois parties réunies dans une belle intégrale est un pur plaisir. Cette brique compacte retrace la trajectoire mortifère d’un homme programmé pour tuer, mais qui tente désespérément d’échapper à son propre sort. Tout en se révélant extrêmement doué pour ce à quoi on le condamne, au point d'inverser in fine les rôles et d'alimenter un carnage qui ne cesse jamais. C’est l’un de ces cadeaux de fin d’année pour lesquels on ne peut que remercier l’éditeur Delirium et sa passion inébranlable pour la bande dessinée de genre venue d’outre-Manche. Qui regorge de trésors : la preuve !



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COSMOPIRATES TOME 1 : CAPTIF DE L'OUBLI (JODOROWSKY / WOODS)


 Xar-Cero est typiquement le genre de mercenaire sur lequel on peut compter. Si vous avez une mission à exécuter, soyez certain qu'il ira jusqu'au bout, vous assurant pleine satisfaction, quitte à recourir à la violence pour atteindre ses objectifs. Rien d'étonnant donc à ce qu'il soit recruté par sept barons, des "magnobankiers" qui possèdent et dirigent, à eux seuls, une portion considérable de l'univers. Ces types-là ne se contentent pas d'avoir une puissance militaire impressionnante : ils exercent également une influence économique écrasante sur de nombreuses planètes. Leur pire cauchemar ? Devoir délier les cordons de leur bourse sans être remboursés ou payés en retour. Leur vengeance est redoutable, et ils décident de se servir de notre pauvre Xar-Cero pour mener à bien une vendetta implacable contre des mauvais payeurs devenus, sans le savoir, une épine dans leur pied. Xar-Cero devient alors l’exécuteur d’un massacre d’ampleur cosmique et provoque la mort de milliards d’habitants, suite à une sombre et improbable machination dont il est l'agent. De quoi se révolter, même pour un mercenaire peu habitué aux états d’âme. Mais la rébellion contre des pouvoirs en place, habitués à écraser les sujets les plus insoumis, est un pari risqué, et les choses se terminent souvent très mal. Finalement, Xar-Cero est capturé. Les magnobankiers décident de le "déprogrammer" en implantant de faux souvenirs, pour le conditionner à une nouvelle existence. Désormais, il vivra sur une petite planète de directement sous leurs ordres, où il exercera comme médecin, sans plus aucun souvenir de ses anciens agissements.



Alejandro Jodorowsky revient aux affaires avec une nouvelle série en deux volumes, où la science-fiction explore des thèmes étroitement liés aux préoccupations actuelles. On le sait bien, l'argent et le pouvoir financier finissent souvent par détruire tout ce qu'ils touchent, et ici encore, leurs ravages s’étendent jusqu’au cosmos. Le héros de cette histoire — qui n’est d’ailleurs pas un véritable héros au départ — devient attachant par le fait même qu’on lui a retiré ce qui le définit en tant qu’individu : ses souvenirs, sa personnalité, tout ce qui l’a construit. Privé de cette identité, il se transforme en une sorte d’esclave médecin, au service d'une princesse. Cette dernière, malgré une attirance naissante pour lui, ne peut s’empêcher de le mépriser et de l’humilier, leur différence de condition sociale étant trop marquée. Cette bande dessinée s’inscrit parfaitement dans la lignée des œuvres publiées chez Les Humanoïdes Associés, avec un dessin détaillé, réaliste mais aussi légèrement caricatural, qui capte instantanément notre attention. Pete Woods réussit à séduire notre regard exigeant et à donner vie à ce parcours tumultueux, introduit dans ce premier tome. On y retrouve l’argent, qui salit et corrompt, et le pouvoir, qui conduit certains à se croire au-dessus de tous autres. Bienvenue dans une science-fiction humaniste et percutante, celle qui plaît tant à ceux qui, comme nous, aiment lire pour réfléchir, tout en voyageant et en se régalant. 


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MARVELS : VERSION ANNOTÉE ET ULTIME POUR LE CHEF D'OEUVRE DE BUSIEK ET ROSS


 Marvels, une des œuvres majeures pour découvrir le petit monde super-héroïque de la Maison des Idées, fête cette année son trentième anniversaire. Décliné à toutes les sauces et pour toutes les bourses, le récit de Busiek et Ross est de retour dans un écrin mastodonte, une édition annotée qui coûte tout de même… 90 euros. Marvels, donc. Qui s'avère vraiment une extraordinaire production de Kurt Busiek et Alex Ross, promis. Je me rappelle la sortie de la chose, à l'époque où Lug puis Semic nous proposaient nos parutions hautes en couleurs et en collants bariolés. Une claque. De celles qui vibrent et dont vous mettez des jours, des semaines à vous remettre. Busiek était un quasi inconnu avant cela, n'ayant rien écrit de bien formidable chez Marvel, malgré une qualité que tout le monde lui accordait depuis longtemps : un amour et une connaissance encyclopédique des moindres recoins du Marvelverse. Et d'un coup d'un seul, il livrait une fresque historique impressionnante, déplaçant le point de vue narratif vers le regard d'un simple quidam, ou presque. En l'occurrence Phil Sheldon, un photographe et reporter du Bugle, célèbre journal new-yorkais. Sheldon est le cobaye parfait pour expérimenter tous les états d'âme des mortels que nous sommes. De l'étonnement au merveilleux, devant certains prodiges, à la crainte et la haine, quand les batailles de rues dégénèrent et que des êtres différents semblent menacer l'existence routinière de notre monde et de notre espèce. Le point de départ du récit est fixé au jour où le professeur Horton présente son androïde (la Torche, celle des origines, pas Johnny Storm) au public, puis se concentre sur les années soixante, décennie charnière pour le genre, avec l'apparition des Fantastiques. Si Sheldon nous fait partager ses découvertes, son ravissement, ses doutes, ses hésitations, il est aussi père de famille, et simple citoyen, et la grande trame de l'héroïsme influence forcément cette petite quotidienneté qui nous est aussi proposée, et rend crédible et réaliste cet album remarquable. L'univers Marvel nait, se développe, prospère, se densifie, page après page. Sans jamais dévier de sa ligne directrice : l'impact de ces héros en collants sur l'humanité la plus banale, dont l'existence est à jamais remise en question.



Mais tout ceci ne serait pas un chef d'œuvre reconnu sans la partie graphique, sans les dessins magnifiques d'un certain Alex Ross. Son style est hyperréaliste, et emprunte beaucoup à la photographie. D'ailleurs, avant de dessiner ses planches, Ross demandait à certains proches de prendre la pose en costume, afin de réaliser des clichés lui permettant d'accentuer l'effet final escompté. Ce qui explique pourquoi certaines cases ressemblent à s'y méprendre à des photos. Je me souviens avoir été bluffé par ce Spider-Man grimpant le long d'un building, ou par ma rencontre avec les X-Men des origines, à la première lecture de ce Marvels. A quoi ressembleraient donc Giant-Man, la Chose, ou Namor, s'ils existaient vraiment, autrement que comme incarnations de movies super-héroïques? Ross livrait déjà une réponse éloquente dans les années 1990, avec une minutie, un soin du détail jamais égalé avant lui. Regardez ce jeune Scott Summers, traqué et surpris dans une ruelle sombre, avec son viseur lumineux. Jamais un mutant n'aura été dépeint avec autant de justesse; en une planche c'est toute l'hystérie anti-mutante, toutes les craintes et les angoisses dont Claremont nous a abreuvés, qui prennent corps et deviennent tangibles. Hulk n'a jamais été aussi puissant et monstrueux à la fois, et que dire de Galactus, dont l'arrivée est le point d'orgue de l'inimaginable devenu quotidien. Bien sur, un tel succès ne pouvait qu'entraîner une série de suites plus ou moins officielles et réussies, ou d'épigones surfant sur la vague. Busiek réalisa Astro City (formidable) , ou encore Arrowsmith (publié chez Delcourt), et Alex Ross le suivit durant son parcours, quelques temps. Chez Marvel on put lire des titres comme Code of Honor (les super-héros vus cette fois à travers les yeux d'un flic, la trame familiale jouant là également un grand rôle dans l'économie du récit) ou plus tard Eye of the Camera (l'oeil de l'objectif), qui marque le retour de Phil Sheldon sur la scène. Mais jamais plus la grandeur et la beauté de Marvels n'a été atteinte à nouveau. Cette nouvelle (sublime) version est disponible dans un format géant avec dos toilé, et vous livre bien des secrets, les annotations pour comprendre le dessous des cartes, le scénario et les instructions originales, des détails et des illustrations inédites. 504 pages qui vont jusqu'au bout du bout des choses, le cadeau ultime pour ceux qui en veulent toujours plus, encore plus. Pour les autres, un simple Marvels dans la collection Must Have fera l'affaire, à seulement seize euros. 


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BRZRKR BLOODLINES : LES RÉCITS DU PASSÉ D'UNUTE


 Si vous avez suivi et apprécié les trois premiers tomes de la série initiée par Keanu Reeves, qui racontent les aventures d’Unute, le BRZRKR immortel aux prises avec une profonde solitude et des questions existentielles, vous avez toutes les raisons de vous plonger dans la suite ! Delcourt lance le premier volume d'une série de spin-offs qui explorera les différentes époques marquantes de l’Histoire à travers la présence d’Unute. Chaque épisode mettra en lumière comment ce personnage unique a traversé les âges, tout en laissant derrière lui des carnages inégalés. Le premier album de cette série, intitulé Bloodlines, est composée de deux parties. Cela débute avec La poésie de l'insensé, qui nous transporte à l’époque légendaire de l’Atlantide. Dans cette histoire, il est dit que le royaume fabuleux, où les rues semblent pavées d'or et les joyaux architecturaux abondent, a pu bénéficier de l’aide de notre héros, qui a formé et protégé son jeune roi, Azaés. Sous l'influence d’Unute, l'apprenti souverain est devenu un leader respecté… mais aussi, au fil du temps, bien moins honorable. Nous découvrirons même que la chute de l’Atlantide est directement liée aux actes d'Unute lorsqu’il a dû affronter le démon Cthulhu dans un combat mémorable où le sang a coulé à flots. Cette histoire, scénarisée et illustrée par Steve Skroce, combine un style à la fois incisif et décalé, rappelant celui de John Romita Jr. chez Marvel, avec cette capacité à offrir une distance humoristique lors des scènes les plus violentes et sanglantes. Cependant, ne vous méprenez pas : cette œuvre n’est pas pour les âmes sensibles ! Au-delà de l’action brutale, le récit s’avère plus intelligent qu’il n’y paraît, en abordant notamment la notion du temps pour un être immortel. Pour Unute, chaque décennie n'est qu’une brève parenthèse, un simple épisode dans son existence infinie, lui qui n'a plus de larmes à verser et dont le destin s'éloigne irrémédiablement de celui des mortels.




Le second récit, intitulé Empire déchu, est particulièrement captivant. Il permet de comprendre, avec une grande acuité, comment la puissance, lorsqu’elle devient furie destructrice, peut également se transformer en malédiction. Chez notre protagoniste, ce besoin irrépressible de tout détruire, de provoquer des massacres réguliers, est un élan qu’il ne parvient pas à maîtriser. C’est ce qui se produit lorsqu'il se retrouve, dans le désert, face au souverain d’Olos. Contre l'avis de la reine, le roi décide d'utiliser ce guerrier comme une arme, un divertissement sanglant pour des sortes de jeux du cirque. Cependant, rien ne semble pouvoir briser le nouveau venu, qui ébahit la cour en revenant à la vie après avoir été décapité. Il finit par s’échapper avec la reine, donnant ainsi naissance à un récit poignant qui s’avère être un formidable jeu de dupes. Cette histoire est superbement orchestrée par le scénariste Mattson Tomlin, qui transforme un one-shot en apparence banal en une intrigue bien plus complexe et subtile qu’on ne l'aurait imaginée au départ. Le plaisir de lecture réside notamment dans le mécanisme narratif implacable mis en place. Les illustrations de Rebekah Isaacs ajoutent une touche de finesse ; elle excelle dans la représentation des personnages féminins et sait capturer des émotions intenses, qui prennent vie dans ces pages. Alors oui, ce Bloodlines est parfois expéditif, peut-être un peu bourrin. Ceux qui n’ont pas aimé les trois volumes précédents ne trouveront pas ici de quoi les convaincre. Mais pour ceux qui ont été happés par l'univers de BRZRKZ, cette nouvelle fournée est incontournable.


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VENOM THE LAST DANCE : UN DERNIER VOLET (IN)DIGNE DES DEUX AUTRES ?

  Certes, peut-on vraiment afficher une surprise sincère, en sortant des salles obscures ? Il s'agit tout de même du troisième Venom et ...