ELEKTRA : ASSASSIN De Frank Miller et Bill Sienkiewicz

Si vous êtes à la recherche d'une bonne idée cadeau ces jours prochains, je ne saurais que trop vous pencher sur le Marvel Icons Elektra sorti avant les dernières fêtes. Car à l'intérieur vous lirez (entre autres) Elektra : Assassin. C'est de ce petit bijou qu'il va être question aujourd'hui. Une superbe mini-série en huit parties, écrite par un Frank Miller à son apogée, et peinte par Bill Sienkiewicz. Le premier cité avait déjà réussi un passage fort remarqué sur Daredevil, transformant un titre souvent secondaire de l'univers Marvel, en un polar hard-boiled bouleversant, où le héros en collants rouges gagne en maturité et en crédibilité. Le scénario de Frank n'était pas sans aller lorgner parfois du coté des influences nippones voire du manga. C'est ainsi que parmi les personnages récurrents nous trouvions alors Stick, le sensei de Matt Murdock, les ninjas de la Main, ou encore Elektra, aussi belle qu'impitoyable, premier grand amour de Matt Murdock devenue entre temps tueuse professionnelle. Elle aussi était une ninja, et elle gagna rapidement les faveurs du public, au point d'en éclipser presque Daredevil et de mériter un vrai comic-book en tant que protagoniste principale. En 1986, c'est chose faite sous l'étiquette Epic, la division "adulte" de chez Marvel dans les années 80. Elektra : Assassin est bien sur signée Miller, mais aussi Sienkiewicz, ce dessinateur qui a fait éclater les codes et les habitudes routinières des fans des New Mutants, série qu'il a réinventé graphiquement de fond en comble. L'histoire se situe à une époque précédente à la rencontre entre Elektra et Daredevil. La structure a de quoi donner un bon mal de tête au lecteur superficiel, alternant flash-back et flash-forward, mélangeant les époques et s'éparpillant en apparence dans tous les sens. La réalité et les hallucinations se juxtaposent, et certains moments peuvent être aussi bien interprétés comme des éléments métaphoriques. L'adversaire de la ninja est la Bête, un démon qui s'est incarné en la personne de Ken Wild, qui pourrait bien devenir le prochain président des Etats-Unis d'Amérique. Ce n'est pas un hasard : être à la Maison-Blanche est un bon début pour provoquer la troisième guerre mondiale...

Elektra est sur le coup donc, et va même se retrouver face au Shield, et à l'agent Garrett, un cyborg que vous avez peut être découvert (dans une incarnation différente certes) dans la série consacrée au groupe d'espions Marvel par excellence (Marvel's Agents of Shield). La narration est à plusieurs étages, dense, et alterne monologues intérieurs, rapports d'espionnage, programmes télévisés, à tel point que les didascalies apparaissent sous différentes couleurs pour mieux démarquer l'alternance des personnages. Qui sont assez gratinés! Outre Garrett et Elektra, nous avons par exemple des nains crées par un système de clonage, Chastity une agente sexy du Shield mais plutôt instable, l'incontournable Nick Fury qui n'est pas présenté sous son meilleur jour, ou Perry, un autre cyborg psychopathe. Sans oublier le démocrate Ken Wild, hypocrite en chef, et une analyse assez pertinente de l'attitude des américains face à la guerre à outrance, l'impérialisme des Etats-Unis, et la corruption des services secrets. Ajoutez à tout ceci un zeste sado-maso, des cauchemars et de l'horreur, de l'hémoglobine, et vous approcherez d'un menu explosif et dérangeant. Sienkiewicz brille par son travail remarquable, ses planches ressemblent plus à des tableaux, alternés avec des collages, des esquisses au crayon, des onomatopées vivantes et vibrantes, des jeux d'ombres et de distorsions des figures qui poussent l'ensemble vers le grotesque, la caricature, avant de replonger dans un certain réalisme plastique, comme lorsqu'il s'agit de mettre en valeur la beauté plastique d'une Elektra plus érotisée que jamais. En somme, difficile de faire l'impasse sur cette mini série qui est une des réussites les plus évidentes de la carrière de Frank Miller et de Bill Sienkiewickz. Un duo touché par la grâce, sous la (les) forme(s) d'une ninja fatale.   


2 commentaires:

  1. Une oeuvre d'une telle richesse qu'elle nécessite plusieurs niveaux de lecture. Graphiquement c'est aussi très fort. Jamais un artiste n'avait fait étalage d'autant de styles picturaux allant du naïf à l'expressionnisme en passant par du collage. Et tout cela utilisé à bon escient, une vraie démonstration. Un chef d'oeuvre intemporel dont la version Delcourt trône en belle place dans ma bédéthèque.

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  2. Comme tu dis, on ne croise pas de telles oeuvres tous les jours...

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Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!

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