LE CAID : L'IRRESISTIBLE ASCENSION DE WILSON FISK

La performance exceptionnelle de Vincent D'Onofrio dans le rôle du Caïd à été si bien accueillie par le public que le personnage n'a jamais été aussi en vogue, depuis que Frank Miller en a fait, au tournant des années 80, la figure de proue du crime organisé chez Marvel. Vous auriez tort de voir en cette montagne de graisse un simple boss adipeux et pataud. Wilson Fisk est aussi un colosse tout en muscles, capable de briser à mains nues les colonnes vertébrales les plus réticentes. Cet album nous propose une mini série en 7 parties qui revient sur l'ascension du célèbre mafioso des comics, et qui date de 2003 et 2004. Elle serait probablement restée dans les tiroirs des éditeurs européens, si la série Marvel's Daredevil chez Netflix n'avait pas autant frappé les esprits. Le caïd que nous retrouvons là est encore jeune, il a déjà quelques coups d'éclat à son actif, et une énorme ambition qui le pousse à s'attaquer aux cinq gangs les plus influents de la ville. Si son discours est basé sur l'union entre les criminels et une apparente solidarité, c'est en réalité un opportuniste qui n'hésite pas à se débarrasser de tout ce et ceux qui se dressent sur son chemin, sans le moindre état d'âme. Fisk est un manipulateur hors pair,  et il sait quelles sont les personnes à assassiner et qu'elles sont  les autres à qui il faut graisser la patte, pour obtenir ce qu'il veut. Depuis les catacombes d'une église, il organise son ascension alors que des ennemis trament contre lui, et que l'ex femme d'un candidat à la mairie risque de corser son quotidien, associé à un ancien malfrat dont il s'est débarrassé lestement. Mais soyons sérieux, pensez-vous vraiment qu'il est possible de piéger si facilement le Kingpin de New York? Réponse avec le scénario concocté par Bruce Jones.


N'oublions pas qu'à l'époque de sa création par Stan Lee et John Romita Sr, le personnage du Caïd est avant tout un adversaire de Spider-Man, présenté comme un gangster classique, particulièrement irascible, et qui n'était pas destiné à devenir une superstar de l'univers Marvel. Il n'est donc pas étonnant de croiser le tisseur de toile dans cet album, lors de ses débuts de carrière, alors que personne ne semble vraiment le reconnaître ni savoir son nom. Si cette histoire fonctionne plutôt bien, c'est grâce au scénariste Bruce Jones, qui opte clairement pour des atmosphères noir et adultes, à mille lieues de tout ce que l'on peut lire habituellement dans les parutions super-héroïques classiques. Il s'attaque véritablement à la genèse du Kingpin, pourquoi a-t-il choisi de devenir le maître du crime, quel est son parcours familial et professionnel, comment est-il parvenu là où il en est arrivé... Petit à petit il nous livre toute une liste de révélations qui nous présente Fisk comme une ordure qu'il nous plaît de haïr. Le parcours existentiel du Caïd se fait de plus en plus dramatique au fil des épisodes, qui finissent par ressembler à un volet de la série Les Soprano. Bien sûr on peut percevoir de lointaines réminiscences des films de Scorsese et Coppola, dans la trajectoire de ce criminel endurci particulièrement cruel, mais aussi intelligent. Cette sortie est donc une bande dessinée clairement réaliste. Elle a de fortes chances de décevoir le lecteur distrait qui souhaiterait avant tout de jolies combats entre super encapés;  pour ceux par contre qui souhaitent un récit mature, qui alterne savamment l'action et l'introspection, avec des textes et des dialogues qui ne dépareilleraient pas dans un roman de James Ellroy, l'achat est particulièrement recommandé. Le dessin aussi peut surprendre car le trait de Sean Philips, volontairement sale ou expressif, est  plutôt caricatural, et ce n'est pas une surprise si nous retrouvons aussi Klaus Janson dans l'aventure. A défaut d'être super beau et léché, ce travail s'adapte parfaitement au style et au ton choisis pour développer l'histoire. Ma foi une bonne surprise que de publier cette mini série que plus personne n'attendait.





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