Steve Rogers ne serait peut-être pas le paladin de la veuve et de l'orphelin comme on le supposait jusque-là..? Le mariage de Peter Parker est annulé par la grâce d'un pacte diabolique, ou celui-ci est remplacé en tant que Spider Man par Octopus, qui a "subtilisé" son corps physique..? Le commissaire Gordon endosse le rôle de Batman dans une armure de guerre au look discutable..?
À l'heure où le fan de base est immergé jour et nuit dans un univers hyper connecté, toute velléité de faire bouger les lignes au-delà du conventionnel est sanctionnée de la même façon : soulèvements de masse, forums qui s'enflamment, pétitions, voire même menaces de mort dans les cas les plus absurdes. Et bien souvent la grande majorité de ces exaltés n'a pas encore lu le ou les épisodes incriminé(s) et ils aboient sur la foi d'un teaser, d'une preview, ou du tam-tam des réseaux sociaux, qui n'en finit plus de dévoiler les moments saillants de l'intrigue à venir et de ruiner la surprise aux lecteurs faussement insurgés. Car ceux-ci en fait ne peuvent plus vivre sans avoir deux coups d'avance. Les rapports entre artistes et quidam moyen (Facebook, Twitter...), l'inflation des sites spécialisés, tout ceci plonge le fanboy dans un microcosme où prime le tout, tout de suite selon son bon plaisir et ses propres termes.
Or les héros de nos lectures favorites n'appartiennent même pas -le plus clair du temps- à ceux qui les mettent en scène! Nick Spencer peut bien écrire ce qu'il souhaite, si Marvel décide que Steve Rogers doit devenir petit, rouquin et aveugle, il le deviendra. A plus forte raison le lecteur doit-il accepter que tout le plaisir consiste à se laisser guider, emporter vers de nouveaux horizons, par de nouvelles idées. Si cela ne lui plaît pas, il peut toujours exercer son droit de base, la seule menace que craignent les supers héros et vilains en collants, et qui peut les mettre hors de combat : cesser d'acheter, le désintérêt, le désamour momentané. Ce que j'ai personnellement fait et vécu avec les X-Men de Bendis, passée la première année. Le problème vient probablement du fait que les lecteurs, encouragés par la graphomanie débordante et l'impression d'exister à l'échelle globale (sur Internet) estiment aujourd'hui qu'ils ont une place dans le processus créatif, ou tout du moins que leurs attentes et exigences doivent être écoutées puis exaucées par les artistes. J'achète donc je suis certes mais aussi je peux exprimer mon opinion et la rendre publique alors j'ai raison et vous devez vous plier à mes caprices. Certains se soumettent et livrent du fan service à tour de bras, ou prennent des décisions dans l'urgence et la panique (Rebirth en est un exemple), d'autres s'obstinent et s'imposent sur la durée, comme Dan Slott et son superior Spider-Man.
Le phénomène touche aussi les séries télévisées : Lost, les Soprano, aujourd'hui The Walking Dead et l'interrogation existentielle sur une mort (le final de la saison 6) dont les spectateurs refusent le caractère énigmatique, et chargent en masse contre la production, car obligés d'attendre la reprise du show à la rentrée, pour connaître la vérité. Ils sont habitués à l'immédiateté de la consommation, quelques mois de patience -avec la certitude que tout se joue sans pouvoir être sollicité et exaucé- voilà qui est insupportable pour le fan/spectateur 2.0, qui se rêve partie intégrante du circuit "producteurs auteurs" et voudrait même le piloter. Le danger est que ces derniers, à l'idée de perdre un public courroucé, acceptent de transiger et avale des compromis qui n'ont pas lieu d'être. Lorsque Zack Snyder est pointé du doigt pour avoir commis un Dawn of Justice trop sérieux et crispé, on apprend dans la foulée que des scènes plus légères sont tournées et ajoutées au montage du prochain Suicide Squad, qui n'aura pourtant rien d'une comédie. Un sparadrap artificiel qui dénote une certaine faiblesse, et un manque de direction artistique préjudiciable pour la crédibilité du produit fini. Et si les internautes on si sévèrement commenté Batman V Superman à sa sortie, que dire des hordes de haters qui ont déjà condamné le prochain Ghostbusters avant son arrivée en salle, trop éloigné de l'imagerie populaire et de l'iconographie établie sur le succès de la franchise, dans les années 80. Ce remake donne aux fans la sensation d'une trahison, d'une évolution créatrice débridée et incontrôlable, qui se heurte au goût réactionnaire et nostalgique des grands enfants, pour qui il est rassurant de constater -pour citer Tommaso di Lampedusa et son Léopard- que tout change pour que rien ne change vraiment.
Les comics sont en fait une matière versatile et malléable, en permanence connectés à l'esprit du temps, qu'ils savent interpréter, retravailler, transfigurer, pour en faire un des produits les plus fascinants et pertinents de la pop culture. Il est convenable que le lecteur sache rester à sa place, et comprenne que son rôle dans le processus de création ne peut dépasser le stade de la simple suggestion. Que dire sinon de l'inflation des blogs et Youtubers, tenus par de soi-disant spécialistes (certains le sont vraiment, par ailleurs) et qui aujourd'hui prétendent en permanence donner leur opinion et les saints sacrements (ce que nous sommes d'ailleurs en train de faire, à notre façon?) tout en commettant la plus banale des erreurs : une partie d'entre eux en effet ne fait que de parler d'elle-même, avant de parler de bande dessinée. Le centre du discours n'est plus le comic book où les artistes présentés mais le commentateur, l'apprenti journaliste, ou tout simplement l'opportuniste malin, qui à défaut d'avoir le talent nécessaire pour percer dans le milieu, se rêve, portable ou caméra à la main, nouvelle Star de l'univers des super-héros, par la grâce d'une table de montage ou d'une interface de blogging. Aujourd'hui, être scénariste, dessinateur, éditeur, c'est aussi savoir être à l'écoute des fans d'une oreille, tout en écoutant sa muse de l'autre. Il vaut mieux parfois être sourd que d'entendre certains commentaires ou écouter les vaines croisades qui pullulent sur Internet. Amis artistes, surprenez moi, étonnez moi, faites moi rêver, dégoûtez moi, mais silence, je ne veux rien savoir.
Le phénomène touche aussi les séries télévisées : Lost, les Soprano, aujourd'hui The Walking Dead et l'interrogation existentielle sur une mort (le final de la saison 6) dont les spectateurs refusent le caractère énigmatique, et chargent en masse contre la production, car obligés d'attendre la reprise du show à la rentrée, pour connaître la vérité. Ils sont habitués à l'immédiateté de la consommation, quelques mois de patience -avec la certitude que tout se joue sans pouvoir être sollicité et exaucé- voilà qui est insupportable pour le fan/spectateur 2.0, qui se rêve partie intégrante du circuit "producteurs auteurs" et voudrait même le piloter. Le danger est que ces derniers, à l'idée de perdre un public courroucé, acceptent de transiger et avale des compromis qui n'ont pas lieu d'être. Lorsque Zack Snyder est pointé du doigt pour avoir commis un Dawn of Justice trop sérieux et crispé, on apprend dans la foulée que des scènes plus légères sont tournées et ajoutées au montage du prochain Suicide Squad, qui n'aura pourtant rien d'une comédie. Un sparadrap artificiel qui dénote une certaine faiblesse, et un manque de direction artistique préjudiciable pour la crédibilité du produit fini. Et si les internautes on si sévèrement commenté Batman V Superman à sa sortie, que dire des hordes de haters qui ont déjà condamné le prochain Ghostbusters avant son arrivée en salle, trop éloigné de l'imagerie populaire et de l'iconographie établie sur le succès de la franchise, dans les années 80. Ce remake donne aux fans la sensation d'une trahison, d'une évolution créatrice débridée et incontrôlable, qui se heurte au goût réactionnaire et nostalgique des grands enfants, pour qui il est rassurant de constater -pour citer Tommaso di Lampedusa et son Léopard- que tout change pour que rien ne change vraiment.
Les comics sont en fait une matière versatile et malléable, en permanence connectés à l'esprit du temps, qu'ils savent interpréter, retravailler, transfigurer, pour en faire un des produits les plus fascinants et pertinents de la pop culture. Il est convenable que le lecteur sache rester à sa place, et comprenne que son rôle dans le processus de création ne peut dépasser le stade de la simple suggestion. Que dire sinon de l'inflation des blogs et Youtubers, tenus par de soi-disant spécialistes (certains le sont vraiment, par ailleurs) et qui aujourd'hui prétendent en permanence donner leur opinion et les saints sacrements (ce que nous sommes d'ailleurs en train de faire, à notre façon?) tout en commettant la plus banale des erreurs : une partie d'entre eux en effet ne fait que de parler d'elle-même, avant de parler de bande dessinée. Le centre du discours n'est plus le comic book où les artistes présentés mais le commentateur, l'apprenti journaliste, ou tout simplement l'opportuniste malin, qui à défaut d'avoir le talent nécessaire pour percer dans le milieu, se rêve, portable ou caméra à la main, nouvelle Star de l'univers des super-héros, par la grâce d'une table de montage ou d'une interface de blogging. Aujourd'hui, être scénariste, dessinateur, éditeur, c'est aussi savoir être à l'écoute des fans d'une oreille, tout en écoutant sa muse de l'autre. Il vaut mieux parfois être sourd que d'entendre certains commentaires ou écouter les vaines croisades qui pullulent sur Internet. Amis artistes, surprenez moi, étonnez moi, faites moi rêver, dégoûtez moi, mais silence, je ne veux rien savoir.
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