Les personnes présentes au Comic-con de Paris ce week-end auront l'occasion de découvrir l'album en avant-première. Life Zero, de Stefano Vietti et Marco Checchetto, arrive en France, après une carrière fort remarquée en kiosque chez nos amis italiens. Je ne m'étendrais pas plus sur la salon parisien (dont je ne cautionne rien, de l'attitude vis à vis des médias comme le nôtre, à leur façon de voir et exploiter notre passion commune), par contre, on se penche à nouveau sur cette histoire de zombies qui sort un peu de l'ordinaire.
Si à ce stade nous ignorons tout des origines du nuage toxique qui s'est répandu au dessus de la ville de New Easton, et n'en finit plus de se propager par voie aérienne, en revanche nous en connaissons parfaitement les effets. Les personnes contaminées deviennent de véritables zombies, qui à leur tour transmettent la maladie par une simple morsure. Ces morts vivants vous repèrent au bruit, et la seule façon de s'en débarrasser est de leur placer une balle dans la tête. Non, je ne suis pas en train de vous refaire le pitch ultra-connu de The Walking Dead, mais de vous parler du projet de Stefano Vietti et Marco Checchetto, publié en exclusivité pour Panini Italia dans un premier temps, avant de s'exporter avec bonheur de par chez nous. Au centre du récit nous trouvons un groupe des forces spéciales, une sorte de commando à la Navy Seals, dont le leader est malheureusement pour lui en prison. On devine que ce Derek Shako est un homme expéditif, capable d'accès de violence, même si prêt à beaucoup sacrifier pour son ex femme et sa fille. Si la société a choisi de le placer provisoirement en détention, il est logique qu'il se sente en droit de sortir et de prendre en main la situation, lorsque toutes les conventions et les structures s'effondrent, minées par une contamination inconnue qui menace la métropole, et probablement bien plus. Une fois au dehors, Derek et ses hommes vont devoir survivre, progresser, sortir de la cité, s'ils veulent prêter main forte et dans le même temps sauver ce qui peut l'être encore, à savoir la famille de leur meneur. Vietti a le mérite de plonger d'emblée le lecteur dans une histoire au rythme évident, qui ne se perd pas en conjectures et en introspection, mais semble animée par une volonté cinématographique de crever la page, d'exploser les attentes, avec un scénario écrit en live-action, qui nous ramène en de nombreuses occasions à l'univers des jeux-vidéos du genre. Les dialogues sont concis, et les informations sont distribuées au compte-goutte au lecteur, en jouant sur les silences, les non-dits, et des indices muets sont subtilement disséminés à travers les planches de Checchetto, comme l'a confirmé l'auteur en personne lors d'une conférence sur son travail, durant le Cartoomics de Milan en février dernier. Car si tout ceci vous semble très convenu, déjà vu, déjà lu, c'est que vous devez encore comprendre ce qui est le plus intelligent avec Life Zero : c'est l'évolution de la trame, sa progression, ses enjeux, qui vous conduisent en des territoires pas forcément attendus.
Comme le temps semble compté, et que l'intrigue nous prend aux tripes et ne nous laisse (à nous mais aussi à Derek et sa troupe) guère de moments pour souffler, on note rapidement des changements de direction, de petits coup de volant qui envoient Life Zero sur d'autres chemins de traverse, sans pour autant risquer la sortie de route. C'est intraitable, cruel, froid, et plutôt pessimiste, comme le rappelle une phrase qui revient comme un leitmotiv en ouverture de chaque numéro (Nescis quid vesper serus vehat), citation latine qui explique que nous ignorons ce qui nous attend au coeur de la nuit. Si Vietti écrit ce comic-book avec l'incisivité et la puissance de perforation d'une balle à bout portant, il faut souligner l'excellent travail de Marco Checchetto aux dessins. J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de dire tout le bien que je pense de l'artiste italien. Ici il parvient à employer son talent de maître du réalisme, pour des planches bluffantes, avec une variation des angles de vue, un soin du détail morbide et chirurgicale, qui contribuent grandement à instaurer un climat de fin du monde, d'urgence, épaulé par la complémentarité évidente qui s'est formée avec Andres Mossa. Celui-ci s'occupe de la mise en couleurs, et joue sur les ambivalences, soufflant le chaud et le froid, qui se mêlent au rouge du sang et au blanc de la neige, qui s'abat sur des personnages en fuite perpétuelle, et dont le monde s'est écroulé en quelques pages, sans crier garde. L'expérience visuelle peut aussi se prolonger auditivement : grâce à un flash code inséré initialement à la fin de chaque numéro, vous pouviez écouter et télécharger une bande-son idéale à Life Zero, concoctée et réalisée par Checchetto et Luca Fattoretto. Life Zero devient alors un produit multimedia fascinant, qui n'a rien à envier, pour ce qui est des standards qualitatifs (l'histoire, mais aussi l'édition) au meilleur de la production américaine actuelle. Avec un gros twist moral et éthique qui vient vous estomaquer et figer sur place dans la dernière partie, précision fort commode pour ne pas que vous baissier votre garde au moment le moins opportun. Life Zero gagne en intérêt au fil des pages, et vous ne quittez pas la lecture sans pertes et fracas.
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