HUMOUR ET COMICS : LES COMICS VONT ILS MOURIR ... DE RIRE?

Il n'y a plus grand chose de sacré au royaume des comics. Vous l'aurez remarqué probablement, ces derniers temps l'humour est omniprésent, quelle que soit la série, ou les personnages concernés. Les comics risquent-ils de mourir de rire, de ne plus être capable de se prendre vraiment au sérieux? Je veux dire par là, autrefois les enjeux étaient plus importants, plus solennels, nous avions l'habitude de lire des histoires fortes et dramatiques, qui donnaient tout leur sens à l'appellation "aventures super-héroïques". Non pas qu'il fallait un traité de philologie et de mythologie pour lire des comics Marvel, mais le lecteur était placé devant toute une série de récits dont la gravité évoquait clairement la condition humaine, la nécessité de se transcender, la lutte entre le bien et le mal, bref une parabole de nos existences banales, à travers le prisme des justiciers en costume. Aujourd'hui le phénomène est évident; aussi bien sur papier qu'au cinéma, tout se transforme en une vaste comédie, une grosse blague qui voit par exemple Thor devenir un acteur de stand up (Ragnarok) ou encore les Gardiens de la galaxie faire des blagues et presque des claquettes, devant la fin de l'univers imminente. On pourrait s'attendre que des instants aussi importants et tragiques amènent une manière différente de traiter les enjeux, mais il n'en n'est pas ainsi. 
Si autrefois Spide-Man et Daredevil pouvaient alléger l'atmosphère avec quelques plaisanteries en pleine action, aujourd'hui ce sont tous les personnages qui s'y mettent. S'il reste quelques exceptions comme Batman (qui conserve une mâchoire serrée et crispée à longueur de temps) l'humour s'est emparé de beaucoup d'autres secteurs, que ce soit les Avengers, les mutants, les personnages plus récents et loufoques par essence comme Deadpool ou Harley Quinn... aujourd'hui il y a comme une peur, l'angoisse de ne pas être capable de proposer une série cool, moderne, qui ne nécessite pas de grands efforts de compréhension à la lecture, et qui se cache derrière le paravent de la pop culture pour en réalité masquer une faiblesse dans le propos. L'humour est ainsi trop souvent lourd, grossier, gênant et même hors de propos, quand placé dans la bouche ou vu à travers les actes, de héros qui n'auraient jamais dû se comporter ainsi.


Il est aussi vrai que l'humour omniprésent influence le type de dessin qui est proposé. Par exemple, des planches ultra réalistes, fort appliquées, ne se marient pas bien avec un récit inconséquent où tout est une farce, et ceci explique la prolifération d'artistes au style plus "décalé" et personnel, qui souvent font faire la moue aux lecteurs de passage, ou qui redécouvrent Marvel (ou Dc) après des années d'absence. On touche et vire vers le cartoony, on emprunte au manga (qui est une bonne pioche quand il s'agit d'emphatiser les réactions, les expressions, pour ajouter du comique à une scène), on est également tenté de masquer le manque de fondamentaux, au prétexte d'un rendu très subjectif et original (là je ne ferai pas de noms pour ne froisser personne, mais certains dessinateurs du moment n'auraient jamais pu intégrer Marvel dans les années 70 par exemple...).
En fait on se rend compte d'une chose, l'humour est encore plus dur à manier que toute autre forme d'art. Faire rire ou sourire est bien plus délicat que de faire peur ou pleurer, d'autant plus quand vous employez dans vos histoires des personnages qui naissent sans la moindre trace humoristique dans leurs gènes. Hulk, Thor, Superman, Doctor Strange, ne sont pas des pitres qui nous amusent avec les malheurs de leurs existences quotidiennes, ce sont des héros plus grands que nature, pourtant faillibles et fragiles, mais qui dépasent leurs faiblesses pour tendre à l'iconique, au glorieux, au mythologique, presque (ou carrément, dans le cadre de certains d'entre eux). Les comics modernes sont trop préoccupés à l'idée de donner dans le sérieux, le tragique complet. Imaginez-vous un instant Infinity Gauntlet avec Adam Warlock qui blague lors du face à face contre Thanos? Fatalis qui fait un calembour face au Beyonder dans les premières Guerres Secrètes? Des Avengers tout guillerets en pleine guerre kree-skrulls? En 2017 même lors de Secret Empire, Nick Spencer n'oublie pas de semer un peu partout de petites tranches drolatiques, avec des personnages qui jouent le rôle des gentils bouffons dépassés, comme Miles Morales ou Ant-Man (parfait dans cette fonction, il est l'emblème du loser gentil qui fait rire, qu'adore Marvel).
Tout ceci est encore accentué au cinéma, et on redoute déjà ce que sera Thanos au printemps prochain. Va t-il exterminer les Avengers avec ses gemmes du pouvoir, ou avec de terribles jeux de mots? Si Disney a racheté Marvel Studios et l'avenir des deux compagnies est étroitement lié, n'oublions pas qu'elles sont à la base fondamentalement différentes, et fonctionnent sur deux manières de concevoir le monde qui ont très peu en commun. Les comics, c'est probablement plus fun quand ça fait sourire, mais ne négligeons pas non plus de les prendre au sérieux. Comme le souligne Milan Kundera, dans le roman L'insoutenable légèreté de l'être, l'absence totale de pesanteur peut devenir bien plus lourde que le plus lourd des poids. Trouver le juste équilibre est une question de survie pour nos comics adorés. 



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