Puisque c'est l'éditeur qui le fait remarquer lui-même, commençons par ce point particulier : vous aurez noté qu'il y a finalement assez peu de texte dans Jonna. Les dialogues sont concis, ne s'éternisent pas, quant aux didascalies et au textes explicatifs, vous n'en trouverez pas; ce qui veut dire que le moyen qu'ont choisi les auteurs pour s'exprimer est avant tout l'illustration. Ce qui, lorsqu'on parle de bande dessinée, revient à dire le storytelling, mettre en images un récit en le rendant intelligible, passionnant, vivant, grâce à l'art séquentiel. Et ça tombe bien, car la protagoniste, Jonna, est une sorte de petite boule d'énergie irrésistible. C'est encore une enfant, mais elle est dotée d'une force invraisemblable, et sous un aspect un peu bourru, voire sauvage, elle cache un capital sympathie indéniable qui va droit au cœur des lecteurs. Vous avez déjà vu ces jeux vidéo des années 80 et 90 avec un personnage qui rebondit aux quatre coins de l'écran, dans des paysages fantasmagoriques (Sonic par exemple) ? Et bien, c'est ce à quoi fait penser Jonna quand elle évolue d'une page à l'autre, irrésistiblement. Elle s'en va éclater la tête de monstres géants, dans un décor qui fut autrefois luxuriant et animé, et s'est transformé en un scénario post-apocalyptique. Nous savions que Chris Samnee était particulièrement doué pour ce genre d'exploit. Si vous avez suivi par exemple son travail sur Black Widow, vous ne devriez pas être plus surpris que cela. Ce second tome ne fait que prolonger l'expérience du premier, c'est-à-dire un plaisir pour les yeux, une leçon pour le reste. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si lorsque vous croisez de nombreux artistes professionnels du secteur, les avis sont unanimes. Je n'ai pas encore à ce jour trouvé un seul dessinateur comics qui a pointé du doigt des carences sur ce sujet, tout le monde s'émerveille et s'accorde à dire qu'il s'agit là d'un travail particulièrement abouti, qui bénéficie de plus d'une mise en couleur remarquable de Matt Wilson, qui rend chaque page attrayante. Voilà, l'essentiel se trouve donc là et explique pourquoi Jonna est accessible pour tous, du plus jeune au plus exigeant (et adulte).
Samnee, c'est aussi Laura, l'épouse, la scénariste, qui écrit les aventures de Jonna. Après un premier tome d'introduction où nous faisions connaissance avec cet univers cousu main pour les enfants du couple, dans le second c'est la duplicité et l'avidité qui est de mise. La petite sauvageonne super forte va être capturée, utilisée dans une sorte d'arène où elle va pouvoir laisser exploser sa puissance brute, tandis que sa sœur, une nouvelle fois séparée (une constante depuis le départ) expérimente la trahison mais aussi aussi la dissension qui règne entre deux époux, quand le plus fort se transforme en un petit tyran sans envergure ni morale. Il y a donc donc une sorte de morale à tirer de tout ceci, ce qui est bien dans les intentions et le manifeste de départ. Le tout est amené au moyen de bonds formidables, de splash page d'un effet immédiat et puissant, toujours au service d'un message positif et d'espoir, de solidarité et de courage. Puisqu'il n'y a pas d'âge pour commencer à lire des comic books, autant proposer à celles et ceux qui débutent quelque chose de beau, de sublimement construit. Une leçon artistique qui a de quoi aussi séduire les plus grands, et qui renforce encore cette vérité bien connue de nous autres, Chris Samnee est un conteur hors pair, un illustrateur ultra doué, peut-être un des meilleurs dessinateurs de sa génération. Impossible de conclure sans mentionner la très belle édition 404 comics, avec ce papier dont la texture est si plaisante et parfaitement adaptée à la mise en couleurs de l'album; le genre de petit détail qui n'en est pas un, car posséder une belle histoire dans un bel objet, ça ne se refuse pas, non ?
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