LE SECOND OMNIBUS DES AVENGERS DE JONATHAN HICKMAN


 Avec ce second omnibus consacré aux Avengers de Jonathan Hickman, Panini en termine avec ce projet hors normes, pensé dès l’origine comme un tout vertigineux. On y trouve la conclusion croisée de Avengers et New Avengers, jusqu’à l’arc final Time Runs Out, prélude direct à Secret Wars et, surtout, acte de décès en bonne et due forme de l’univers Marvel (qui depuis a repris du poil de la bête). Hickman n’a jamais caché son goût pour les constructions à tiroirs, les sociétés secrètes et les forces cosmiques à la limite du complotisme. Les Illuminati, chez lui, ne sont pas un simple concept narratif : ils deviennent l’axe moral et politique de son travail. Et plus l’histoire avance, plus cette position devient intenable. Dans la dernière ligne droite, les pièces du puzzle se mettent enfin en place. Les menaces entrevues dans les nombreux épisodes précédents prennent une consistance nouvelle. Certains antagonistes, introduits plus tôt et parfois perçus comme abstraits, gagnent en efficacité précisément parce qu’Hickman les montre peu. La Cabale, par exemple, n’a pas besoin d’être omniprésente : il suffit de savoir qu’elle détruit des Terres à la chaîne pour que l’angoisse s’installe. Le Reed Richards Ultimate (le Créateur) n’est jamais loin, lui non plus. L’un des grands plaisirs de ce second omnibus tient à ce déplacement constant du regard. Tandis que les Avengers se déchirent sur la manière de sauver la Terre, d’autres cherchent à comprendre pourquoi tout s’effondre. Hickman oppose ainsi les réactions immédiates aux tentatives de résolution globale. Comme le répète souvent Tony Stark, certains construisent des machines pour s’occuper des « petits problèmes », afin que d’autres puissent affronter l’impensable. Ici, l’impensable a déjà commencé et rien ne pourra l'empêcher. Les révélations s’enchaînent, à commencer par celle des Cartographes, issus des expériences de l’A.I.M., des androïdes créés à partir d’ADN des Avengers et envoyés cartographier le multivers. Une idée typiquement hickmanienne, à la fois froide, conceptuelle et profondément inquiétante. Mais ce n’est qu’un prélude.



L’entrée en scène des Prêtres Noirs marque un véritable tournant. Apprendre que Stephen Strange a pris leur contrôle, assimilé leurs incantations et atteint un niveau de puissance inédit se révèle aussi fascinant que frustrant. Hickman choisit de rester elliptique : on ne voit presque jamais Strange détruire des mondes, mais on sait qu’il le fait. L’ambiguïté demeure sur la nature même des Prêtres Noirs, silhouettes étrangement familières, comme des reflets possibles du Sorcier Suprême à l’échelle du multivers. Et lorsque l’on comprend qu’ils ne sont ni les maîtres d’œuvre ni les véritables responsables du désastre, mais plutôt un symptôme de la décomposition en cours, le récit gagne encore en gravité. C'est la fin, elle est là, il n'y a plus d'issue ! Et parlons bien sûr des Rois d’Ivoire, ou Beyonders. Hickman déploie tout son talent pour les récits à explosion différée. La mission confiée de longue date à Hank Pym trouve enfin sa justification, dans un épisode qui compte parmi les plus réussis de Time Runs Out. Les Beyonders apparaissent alors pour ce qu’ils sont : des entités omnipotentes, détachées de toute morale, capables d’anéantir des univers sans effort, tel un Pogacar dans l'Alpe d'Huez. La démonstration de leur puissance est sèche, brutale, presque humiliante pour les héros Marvel, et fonctionne d’autant mieux qu’elle ne cherche jamais l’esbroufe. Ce second omnibus impressionne aussi par sa cohérence thématique. Depuis le début, Avengers racontait la construction : celle d’une nouvelle équipe, d'une nouvelle idée des Vengeurs. En parallèle, New Avengers développait un récit de délitement, une lente marche vers l’extinction du multivers. Vie et mort, expansion et effondrement, mises en miroir avec une rigueur remarquable. Le choix du saut temporel qui intervient dans cette longue saga s’avère particulièrement judicieux. En projetant le lecteur huit mois plus tard, Hickman évite l’enlisement et redonne une tension immédiate au récit. Les événements sont déjà en marche, le monde est déjà fissuré, et les retours en arrière viennent combler les vides sans jamais casser le rythme. En lecture omnibus, cette structure se révèle d’une redoutable efficacité. Certains héros acceptent que la bataille ne peut plus être gagnée, seulement retardée. D’autres s’y refusent. Captain America ne pardonne pas aux Illuminati leurs mensonges et leur pragmatisme. Iron Man, fidèle à lui-même, croit encore qu’une invention supplémentaire suffira à sauver au moins la Terre-616. Leur affrontement final, plus idéologique que physique, est l’un des moments les plus forts du run d'Hickman, parce qu’il repose moins sur la violence que sur l’échec du dialogue. Au fond, ce second omnibus confirme ce qui fait la singularité du travail de Hickman sur les Avengers. Il ne s’agit pas d’un récit dominé par les combats, mais d’une fresque intellectuelle, où les grandes batailles tiennent parfois en une seule case, tandis que l’essentiel se joue dans les choix, les compromis et les renoncements. Il construit un mythe moderne, froid, implacable, et va jusqu’au bout de sa logique. L’univers Marvel s’effondre, le lecteur est invité aux funérailles. Hickman parvient à nous faire croire que tout est réellement terminé, alors que nous savons tous comment fonctionnent les comics. C'est de la prestidigitation de haut vol ! Panini n'a pas le choix, on veut maintenant des omnibus Secret Wars, au boulot !



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