Back in black : Retour au noir (je parle ici de la période en soi, pas seulement de l'album sorti en Deluxe, puis en Select, chez Panini). Le noir du costume, que Spiderman avait déjà porté à la suite de la grande saga des années 80, les « Guerres secrètes », et qui avait ensuite fini sa course sur les épaules du plus grand ennemi moderne du monte en l’air, son « double maléfique », Venom. Retour au noir, également pour ce qui est de la thématique. Une période bien sombre pour Peter Parker s’amorce, puisque le voici désormais démasqué publiquement, poursuivi par la loi pour avoir trahi le camp pro gouvernemental (suite à Civil War) et que sa Tante May est à l’hôpital dans un coma profond, après avoir essuyé les balles qui lui étaient destinées. Il n’en faut pas plus pour que le gentil Parker se renfrogne et décide de changer de modus operandi. Exit la raison et la retenue, place à une version plus violente et impitoyable du super héros par excellence, qui à cette occasion renoue donc avec son habit de ténèbres. Ambiance urbaine et glauque, Spidey sombre dans la dépression et donne la chasse à celui qui a voulu assassiner sa tante. Nous sommes bien loin du héros gentillet qui blague continuellement, même face à la mort, et exorcise ses démons à coups de calembours bien pourris, tout droit sortis d'un sachet de Carambars goût fraise; les pires, cela dit en passant. Cette période noire de Spidey est due à J.M.Straczynski, qui lorsqu'il a reçu entre ses mains expertes le destin du tisseur, a choisi justement d'aller de l'avant, d'en modifier jusqu'aux caractéristiques séculaires (la toile organique, exit les lanceurs de vieille facture) au point d'amener le titre à un stade avancé de non-retour. On pourra discuter longuement du bien fondé de cette opération de radicalisation du personnage, mais elle a porté dans le même temps à une maturation rapide et longtemps attendue de Peter Parker, et à la fin d'un esprit, d'une culture de l'insouciance, qui avait bien souvent caractérisé les aventures de Spidey auparavant.
Du numéro 471 au 545 du titre mensuel, il a accompli un travail minutieux, provocateur, décrié, par moments très discutable. Comment accepter les larmes de crocodile du Docteur Fatalis après l'attentat aux Twin Towers de 2001, lui qui a si souvent mis mis la planète en danger, et se soucie comme d'une guigne du bien être de nous autres occidentaux? Doom est un terroriste, un des plus dangereux, et des plus complexes certes, mais le voir pleurer sur les décombres new-yorkais est plutôt absurde. De même, attribuer des relations sexuelles et une progéniture cachée à la belle Gwen Stacy, avec le Bouffon Vert, qui plus est, n'est pas seulement osé, c'est carrément douteux et maladroit. Pour ceux qui souhaitent lire l'intégralité de ce retour au noir, qui s'inspire du titre de l'album du même nom du groupe AC/DC, il existe aux States et sur Amazon deux gros pavés, deux TPB qui reprennent les épisodes liés à «Back in black». C’est un moment sombre et solennel dans l’histoire de Parker, où les dessins de Ron Garney sont souvent limpides et propres, mais sans cette profondeur que l’on pourrait attendre d’une telle saga. Il en ressort un certain académisme propret mais loin d'être génial. La recherche du criminel et la soif de vengeance de Spidey devient vite lassante, et se joue sur un faux rythme qui peine à vraiment motiver le lecteur d'un bout à l'autre. Heureusement qu’il il y a aussi de très bonnes perles, de ci de là, dans ces deux volumes, comme le face à face final entre l’éditeur du Bugle, Jameson, et Parker, son employé aimé/détesté, qui reste un des meilleurs moments de ces dernières années, les intuitions de Peter David, où encore les épisodes de Aguirre/Saccasa qui sont rythmés, frais, et surtout dessinés de bien belle manière par Angel Medina. Très réjouissant également le face à face final entre Wilson Fisk et Peter Parker (sans le masque, visage découvert) qui ne sait pas malheureusement aller au bout de son audace, et ne bénéficie pas de dessins travaillés (les fonds de case sont totalement monochrome et indigents). Le problème avec «back in black», c’est qu’en bouleversant de manière si inattendue le statut quo du tisseur (identité connue de tous, le voici hors la loi avec sa famille entre la vie et la mort), la rédaction Marvel s’est mise dans un cul de sac : impossible d’aller de l’avant sans devoir à jamais modifier radicalement les caractéristiques du personnage, trop de risques de tuer la poule aux œufs d’or… ce qui a entraîné une frilosité réactionnaire dictée par l'impératif des ventes (Spiderman est un comics mainstream, en ce sens il ne peut déroger à un tableau des charges qui lui sert de code ADN, certaines révolutions ne sauraient être définitives) : d'où le regrettable One more Day/Brand new Day et les longs mois qui ont suivi pour regagner le coeur de beaucoup de lecteurs. Retour au noir est disponible (le principal s'y trouve) en Vf et pour pas trop cher chez Panini, dans la collection Marvel Select, un album couverture souple, sorti au printemps 2014, qui ne propose malheureusement pas les épisodes principaux, ceux sortis dans la série Amazing Spider-Man. Du coup, coitus interuptus...
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