LE SILVER SURFER DE STAN LEE ET JOHN BUSCEMA

La série du Silver Surfer est fille de son époque, rien de surprenant donc à ce que Stan Lee insuffle dans le récit des aventures de Norrinn Radd un aspect naïf et humaniste profond, tel qu'il parcourait la société des années 60, en Amérique puis dans le monde. Le héros est un extraterrestre dont la planète est hautement développée au niveau technologique, mais qui a tristement fini par tomber dans la morosité, la passivité et l'inaction. Parfois lorsque l'on a tout, lorsque l'on a trop, on ne se rend plus compte de la chance que tout ceci représente. Jusqu'au jour où Galactus débarque pour faire de Zenn-La son repas : les habitants sont pris au dépourvu, et personne n'est capable de riposter, ou de proposer une solution. C'est pourquoi Norrin se sacrifie : il deviendra le héraut de Galactus, sillonnera l'univers à la recherche de planètes inhabitées à boulotter, et en retour il sera recouvert d'une couche argentée, le transformant en quelque chose d'autre, en une créature mythique, le Surfer d'Argent (car se déplaçant avec une planche). Cela pourrait sembler presque une bonne chose, si ce n'est qu'au passage le volontaire doit renoncer à l'amour de sa bien-aimée Shalla Bal. Il l'abandonne donc derrière lui, sans espoir de pouvoir la revoir. Lorsque le Surfer se rebelle contre son nouveau patron, et qu'il refuse de lui offrir notre Terre sur un plateau, celui-ci l'emprisonne chez nous. Il l'empêche de quitter notre misérable planète bleue, en érigeant une sorte de barrière cosmique. Dès lors le héros est prisonnier sur un monde qu'il a appris à aimer, respecter, et qu'il souhaite défendre, mais qu'il ne peux plus quitter même momentanément. Les épreuves commencent pour le Surfer d'Argent, qui se rend vite compte qu'il est en butte permanente à la violence intrinsèque du genre humain, la méfiance et les préjugés, et que le quidam moyen ne voit en lui qu'un envahisseur à pourchasser et exterminer. Tragique constat pour Norrin Rad, dont la probité et la morale de  preux chevalier finissent par aiguiser l'appétit, mais aussi les vengeances mesquine, comme celle de Mephisto, par exemple, depuis son royaume de soufre. Il ne rêve que d'asservir cet individu dont la bonté irrite au plus haut point. Et pour ce faire, il entend s'appuyer sur les points faibles du Surfer, les sentiments. 

Le Surfer a cette particularité, c'est une âme noble, car il ne connaît pas la malice, l'envie, la jalousie, et évite le mal. Tout le contraire de Loki, par exemple, qui décide d'utiliser à ses fins le héros argenté, en lui faisant croire qu'il a besoin de son aide, pour renverser l'odieux Thor, qui menace la sérénité du royaume des Ases. C'est gonflé et le contraire de la réalité, mais ça marche car Norrin est crédule, et de plus on lui propose un marché séduisant, pouvoir s'affranchir de la barrière érigée par Galactus, et donc aller retrouver Shalla Bal. Vous l'avez deviné, l'amour devient assez rapidement le prétexte idéal pour placer le protagoniste de ces épisodes dans des situations où il n'a pas le choix. Pour espérer revoir sa dulcinée, il lui faut donc écouter et subir les outrages de nouveaux amis mal intentionnés, qui veulent exploiter ses talents pour des visées personnelles. Dans ce contexte cynique, la seule lueur d'espoir est représentée par un terrien, un scientifique afro-américain (cela mérite d'être souligné, à l'époque...) du nom de Al Harper, qui vient en aide spontanément au Surfer, en mettant au point une machine complexe pour déjouer la fameuse barrière qui le confine sur Terre. Même Reed Richards n'a rien pu faire, mais Harper prétend y parvenir, à moins qu'il ne doive se sacrifier avant, pour sauver la planète des visées de l'Etranger, ce gros moustachu albinos venu du fin fond du cosmos...
Stan Lee est à son meilleur avec ces épisodes qui semblent simplistes ou ingénus en apparence, mais définissent à la perfection ce qu'est l'essence même du personnage, et peignent un portrait idéal de l'époque qui l'a vu naître. Coté dessin, que dire de John Buscema? Il est l'exemple même de ce que signifie la puissance, le dynamisme appliqués aux planches d'un comics. Un style remarquable, des figures en mouvement qui explosent aux yeux du lecteur, un cadrage audacieux qui rend chaque page vivante et fourmillante d'idées, bref c'est un régal, une leçon continue, que nous devrions méditer encore aujourd'hui. Pour relire le cycle Lee/Buscema (qui démarre avec des épisodes de 40 pages, excusez du peu!) et date de 1968, vous pouvez vous procurer l'omnibus Silver Surfer sorti chez Panini en 2008, où figurent aussi d'autres choses, comme la légendaire histoire mise en image par Moebius. De la philosophie et de l'humanisme appliqués au comics, sans prendre (ou presque) la moindre ride. 


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