HOTELL CHEZ BLACK RIVER : UN SECOND SÉJOUR DANS L'HORREUR


 Ne disposant pas des chiffres de vente officiels sur le marché français, je ne pourrai pas vous parler de triomphe. Toujours est-il que Hotell, aux États-Unis, a rencontré un succès mérité, au point que les lecteurs ont convaincu les créateurs d'investir pour une seconde saison de cette série horrifique, aussi malaisante que bien ficelée. Pour rappel, le Pierrot Courts est un hôtel en apparence miteux, situé au bord de la route 66, dans un coin perdu de l'Amérique, où presque personne ne passe et encore moins d'infortunés s'arrêtent pour la nuit. Et ceux qui le font, en règle générale, ne vivent pas assez longtemps pour le regretter. Comme dans le premier volume, mais d'une manière plus organique, différentes trajectoires vont se télescoper et les destins individuels développés dans chaque épisode former un tout cohérent. Ainsi, il est fait mention dès le départ d'un gang de motards ultra violents, qui va occuper le devant de la scène dans le dernier épisode. En attendant, on fait la découverte d'une famille en pleine décomposition, expulsée de son domicile et qui tente de fuir l'inévitable, en refusant qu'elle n'a plus aucun avenir devant elle. On fait aussi la rencontre d'un dessinateur qui cherche l'inspiration et qui va la trouver, en contemplant et recopiant le tableau de Pierrot qui se trouve à l'entrée de l'hôtel. Ce dessinateur, c'est bien entendu Dalibor Talajic lui-même, qui se met en scène avec un joli clin d'œil, dans une réflexion sur le rôle de l'artiste et même une petite critique acerbe de ceux qui font une distinction très snob, entre véritable travail artistique et bande dessinée. Dalibor Talajic est d'ailleurs pour beaucoup dans le succès de Hotell; quand vous essayez de mettre sur pied un comic book d'horreur, l'écueil principal à éviter c'est celui d'en faire de trop, de vouloir absolument choquer le quidam sans se rendre compte que tout est dans le dosage et la manière de représenter l'innommable. Talajic s'en tire à merveille, avec une pointe d'humour et de distanciation, tout en osant saisir l'insupportable dans les moments clés. Le rythme qu'il donne à cette histoire correspond parfaitement aux intentions du scénariste John Lees et au final, ce sont nous les lecteurs qui en profitons clairement.


Bien évidemment, les clients qui s'arrêtent pour passer la nuit au Pierrot Courts ont en général des choses à cacher, une face sombre qui va par ailleurs causer leur perte. Et puis, on rencontre quelqu'un de très différent, un voyageur et son chien, qui depuis toujours lui a été fidèle mais qui est désormais très malade, et qu'aucun vétérinaire n'est parvenu à guérir. Dans l'espoir d'un traitement, l'homme se met en route et s'acharne à trouver une solution là où il n'y en a plus; et c'est intéressant, car c'est probablement un des aspects de ce second volume de Hotell, à savoir le lâcher prise, être capable à un moment donné de comprendre qu'il n'y a plus rien à faire, si ce n'est payer le prix, l'addition, avant de sortir de table. Impossible de s'enfuir, la vie (ou la mort) finit toujours par vous rattraper, même quand elle se présente à vous sous l'apparence horrible et démoniaque d'un clown, dans un tableau, ou de manifestation surnaturelles dans un hôtel pratiquement abandonné. John Lees réussit donc le tour de force de nous convaincre une seconde fois, dans ce second volume peut-être même encore plus réussi, car mieux ficelé que le premier. Qui est assurément tout aussi malsain et dérangeant et capable d'atteindre son lectorat sans faire de concession, ou tomber dans la facilité. On retrouve aussi des personnages du premier tome, dont la belle Muriel Stansfield, qui est en train d'acquérir une importance presque semblable à celle de notre cher réceptionniste, Amphitryon de ces épisodes et on l'espère, des prochains, si un troisième volume venait à voir le jour.

La chronique de Hotell volume 1 : lire ici


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