Avec le second film consacré à Thor sur le
point de sortir en salle, bienvenue à tous en Asgard. Le royaume des Dieux
nordiques, un Asgard sans fards, dans sa cruelle quotidianité, et dans son luxe
royal. Ce qui est intéressant, dans "Au nom d'Asgard", c'est
de voir à quel point cette cité fabuleuse est dépeinte avec tout le réalisme
possible, pour un comic-book de ce type, bien entendu. Asgard est en guerre,
perpétuellement. Les règles de vie et le code des belligérants prévoie que le
sang coule, et sans atermoiements (pour mater les rebelles, Thor n'hésite pas à
trucider des femmes et des enfants, quitte à s'aliéner partie de son armée).
Muscles, barbes, longues chevelures farouches, nous ne sommes pas ici en
présence de guerriers bodybuildés et épilés, version pornochic gay des
légendes scandinaves, comme le cinéma a trop tendance à les présenter. Au
contraire bien en face d'êtres surpuissants mais dépassés par la fatalité et
leurs conventions, qui se complaisent dans la bataille, la traîtrise, mais
savent aussi tirer de la fange une certaine noblesse, qui transcende leurs rustres
habitudes. En plus, ça va franchement mal en Asgard : il neige sans trève
depuis deux ans, l'hiver éternel se prolonge au delà du raisonnable, et les
Dieux sont tombés au combat : Odin est parti sur Terre et toujours pas revenu,
Balder a été tué par Loki le roi des fourbes, et Thor, qui assure la régence,
ne fait pas l'unanimité, et semble ne pas toujours être en mesure de porter un
tel fardeau sur ses épaules. Bref, la panade.
Et ce n'est pas tout. D'autres fils narratifs
viennent se mêler à cette triste constatation. L'hiver qui perdure nuit à la
croissance des pommes d'or, qui confèrent aux Ases leur immortalité. Il faudra
donc que ceux ci trouvent un nouveau terrain au climat plus propice, au risque
de s'éteindre inexorablement. Et également, la fin du Valhala, paradis des
héros nordiques morts, dont tous les occupants ont été précipités
ignominieusement dans les territoires désolés de Niffleheim. Tout ceci nous
renvoit à la saga de Ragnarock, ecrite par Avon Oeming, dans le cadre de Thor:Disassembled,
en 2004. Asgard n'a jamais eu des airs aussi crépusculaires, et le délitement
semble se glisser entre tous les interstices de la narration de Robert Rodi.
Cotés dessins, il fallait un vrai grand artiste pour magnifier cette fresque :
Simone Bianchi se charge de l'exécution avec brio. Au point que ses anatomies,
ses figures puissantes qui tendent toujours vers l'élévation, ne sont pas sans
rappeler celles d'un autre grand toscan, toutes proportions gardées, bien
entendu : MichelAnge. Il reste au dessinateur à rendre un peu plus humain et
touchant certains visages, qui ne semblent qu'ébauchés par endroit, mais nul
doute que nous sommes en présence d'une star. Marvel ne s'y est pas trompé
(qu'avez-vous pensé du récent Thanos Rising, hein?). Le bistre, la rouille, le
gris et le vert bouteille accentuent l'effet de nombreuses pages, qui font de
cet album une épopée hors continuité, une version moins idéalisée et héroïque
du Dieu tonnerre, qui oscille entre le doute et la fragilité, et la
transcendance et le courage à l'état pur, au point d'aller défier la mort et de
tirer de ses griffes ceux qu'elle avait déjà réclamé. Une parution librairie de
très belle facture qui sort des sentiers battus, à recommander chaudement à
tous ceux qui souhaitent lire un vrai récit adulte de Thor, sans devoir se
plonger et se perdre dans une histoire sans fin.
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