Thypoïd Mary est une énigme, un cas d'école pour qui désire étudier de très près la schizophrénie dans toute sa splendeur. Elle est la synthèse de deux personnalités antagonistes qui luttent pour prendre le dessus. Mary, par exemple, est une femme fragile, douce, qui ne supporte pas la solitude, et dont l'altruisme et l'attention ont fait brèche dans le coeur de Matt Murdock, l'avocat aveugle. Thyphoïd elle, est fidèle à son nom. Tout comme la fièvre qu'elle évoque, elle est brûlante, déséquilibrée, dangereuse. C'est une criminelle dotée de facultés pyrokinésiques, une créature qui détruit et consume tout ce et ceux qu'elle approche. Le Kingpin ne s'y est pas trompé, puisqu'il lui confie une tâche toute simple : anéantir sa némésis, Daredevil, en le prenant par les sentiments, pour le noyer dans un bain de sang émotionnel, selon ses propres mots. Un excellent récit, menée avec maestria par une Ann Nocenti au sommet de son art. Sa recette? La capacité de mêler les thématiques classiques aux aventures urbaines de tête à cornes, mais aussi d'ajouter, au fil des pages, de nombreuses références aux sujets d'actualités et sociaux les plus brûlants, sans jamais les traiter avec superficialité ou naïveté.
Nocenti évoque ainsi la condition de la femme, de simple objet de désir masculin, jusqu'à l'amazone qui lutte pour ses droits élémentaires. Elle plonge dans les conflits sociaux et les intérêts des grandes compagnies, avec le cas d'un enfant devenu aveugle à la suite d'une baignade dans une rivière contaminée par des déchets radioactifs. Un épisode qui n'est pas sans faire écho au drame fondateur qui rendit Matt Murdock aveugle. On trouve aussi de belles pages sur les enfants kidnappés et abusés, avec une Karen Page qui prête main forte à son héros de petit ami, elle qui connaît bien les milieux troubles de la prostitution pour avoir un temps donné dans la pornographie et avoir connu les affres de la drogue (dans Born Again). La trahison et le délitement du couple sont aussi au menu, lorsque Matt est irrésistiblement attiré par Mary, tout en conservant ses sentiments pour Karen, sa fiancée historique. Un ballet à en perdre la tête, orchestré avec grâce par une scénariste vraiment inspirée, qui démontre que les comic-books peuvent tenir un discours adulte et poignant tout en restant capables de s'adresser à un vaste public de lecteurs friands de super héros en spandex. Aux crayons, Romita Jr, à sa grande époque. Minimalisme du trait, capacité d'illuminer les figures et les scènes d'action avec une clarté et une lisibilité sans pareil, il est ici meilleur que jamais, loin devant les travaux bâclés qu'il a livré ces derniers mois. Ceux qui l'ignorent ont ici la preuve éclatante que cet homme, quand il s'en donne la peine, a du talent à revendre et un don inné. Voilà matière à un futur best of Marvel, et un message à peine subliminal adressé à Panini. Ces épisodes furent à l'époque publiés dans la collection Version intégrale de Semic, de petits fascicules brochés qui ne rendent pas hommage à la qualité de l'histoire. Il existe un Tpb souple dans la collection Marvel Legends, mais il devient de plus en plus dur à trouver à un prix raisonnable. Si comme moi vous y parvenez, ne le laissez pas filer.
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