SHANG-CHI : ARTS MARTIAUX ET SUPER POUVOIRS


 Je l'avoue. Je suis allé voir Shang-Chi avec le même entrain que manifeste l'étudiant habitué à lever toutes les bombasses de la faculté, et qui s'est engagé, sur un coup de tête, à consacrer un week-end à la petite binoclarde du premier rang de l'amphi. Ce sera pour les statistiques, dans le meilleur des cas. Il faut dire que Shang-Chi, "super-héros" chinois dont le pouvoir est de ressembler à Bruce Lee et de faire une dizaine de moulinets avec les mains et les pieds juste pour asséner une baffe, n'est pas la figure la plus glamour ou "bankable" de l'univers Marvel. Même les influenceurs et sites spécialisés qui se gargarisent depuis quelques jours (il faut bien remercier pour les invitations et les albums gratuits) sont habituellement peu enclins à lire les aventures de celui qui ces dernières années a accompagné par moments les Avengers. Silence, on essaie de ne pas rire. Voilà pour la partie persiflage gratuit, voire de mauvaise foi. La réalité, c'est que le film -qui est une bonne grosse "origin story" tissée à partir d'un drame familial, et totalement orienté vers le marché asiatique, poule aux œufs d'or qu'il faut savoir choyer- n'est pas du tout cette catastrophe redoutée. J'en ai même bien apprécié toute la partie médiane, ce qui est surprenant pour ce type de produit. Shang-Chi commence vraiment au bout de quelques minutes, par un trajet en bus qui se transforme en scène de combat épique (avec Razorfist) et savoureuse, avant de donner de l'épaisseur à ses personnages, qui sont bien campés et caractérisés. La scène du bus, donc, est une sorte de version améliorée et survitaminée de celle que vous avez peut-être aperçue dans "Nobody", film sorti récemment sur Netflix avec Bob Odenkirk. Jouissive, chorégraphiée avec soi, c'est la vraie porte d'entrée dans le long métrage, qui à partir de cet acte de bravoure devient beaucoup plus intéressant. Jusque là, on peut tout résumer ainsi : Shang-Chi (Simo Liu, assez convaincant, bonne pioche) vit à Los Angeles et il pense qu'il a laissé à jamais derrière lui son enfance et sa formation dans l'organisation criminelle des Dix Anneaux, présidée par son père, Wenwu (Tony Leung, sorte de Richard Berry asiatique un peu plus jeune), qui est en réalité le Mandarin, sans vraiment l'être (le film joue sur cette ambiguïté). Le jeune homme et sa meilleure amie Katy (Awkwafina) travaillent comme voituriers dans un hôtel de luxe, passent joyeusement leurs soirées à faire la fête et semblent entièrement voués à échapper aux responsabilités de la vie d'adulte. Jusqu'à ce que, tout à coup, une bande d'assassins féroces attaque Shang-Chi et s'empare du pendentif qu'il porte au cou depuis son enfance. Dès lors, cap sur Macao, et retrouvailles avec Xialing, la sœur (Meng’er Zhang) qu'il n'a pas revu depuis sa fuite à l'adolescence.



Certains rebondissements sont téléphonés deux jours à l'avance, même s'il est désormais très difficile de surprendre le spectateur, tant les mécanismes narratifs sont réutilisables d'un film à l'autre (Shang-Chi ressemble dans les faits à la version asiatique de Black Panther), pour ne pas trop corrompre la formule gagnante. Un divertissement soigné et réussi, qui intègre bien des éléments de culture chinois, jusque dans l'image, les ambiances, les chorégraphies, avec toujours cet équilibre entre action et humour qui ne cessent de se croiser et de se contaminer. D'ailleurs les combats hésitent puis intègrent clairement aussi bien l'aspect super pouvoirs, que les habituelles gestes et postures des arts martiaux asiatiques. Hélas, comme trop souvent, la dernière demi-heure sombre dans le grand n'importe quoi, et la résolution de tous les conflits passe par une éprouvante litanie de "tout le monde tape sur tout le monde" sur fond de dragons volants et de "forces du bien pour contrer les forces du mal". Avec l'impression qu'un gamin de huit ans est venu prêter main forte pour l'ultime partie du synopsis, et que ses idées ont bien plu à la production. Shang-Chi, ça reste à conseiller aux fanboys (en plus c'est accessible et compréhensible pour tous) et ça ressemble fort à un objet de détestation pour ceux qui n'apprécient pas trop le cinéma rêvé par Kevin Feige.





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