LE PUNISHER ENFIN DE RETOUR : LE ROI DES TUEURS


 Il y a deux caractéristiques qui sont essentielles pour comprendre le personnage du Punisher. La première, c'est bien entendu le drame fondamental qui pousse un homme à sombrer dans la vengeance et consacrer sa vie à abattre tous les criminels qui croisent sa route. Autrement dit, la perte d'une femme et de deux enfants, victimes collatérales d'un règlement de compte entre mafieux lors d'un pique-nique familial. L'autre élément clé, c'est le service de Franck Castle sous les drapeaux, durant la guerre du Vietnam. Les scénaristes qui se sont occupés du personnage ces dernières années se sont souvent posés la question de savoir quand est né vraiment le Punisher. Est-ce à la suite de cette fusillade ou était-il déjà présent dans l'âme et le cœur de Castle, quand il combattait dans la jungle, pour la patrie. Ici, le travail de Jason Aaron va également se concentrer sur une troisième piste, en remontant dans l'enfance de Castle et en y trouvant des épisodes particulièrement dérangeants, qui vont placer sous une lumière très différentes le Punisher. Un Punisher qui arbore désormais un nouveau logo, comme vous le savez tous. Il faut dire que l'ancien, le célébrissime crâne, a été récupéré par une catégorie d'individus peu recommandables, ce qui a poussé probablement hâtivement les dirigeant de Marvel à tout d'abord prendre du recul avec le personnage, pour ensuite le laisser revenir avec cette version modifiée. Certes, il n'y a pas que l'esthétique qui a subi un sérieux lifting, il y a tout le reste, comme par exemple la surprise insondable de retrouver notre Frank Castle en chef de fil d'une armée de ninjas, qui plus est appartenant à la secte mortifère de la Main. Et autre coup de théâtre incroyable, la résurrection de Maria, sa femme, cadeau empoisonné offert par les démons de la Main pour pouvoir ensuite le tenir sous leur coupe. Bref, Jason Aaron prend des risques, des gros, avec cette histoire qui sent la poudre et la polémique, et ose aller plus loin encore que le run de John Ostrander, dans les années 1990, quand le scénariste avait eu l'idée d'un Punisher devenu chef de file d'un clan de mafieux new-yorkais. Aurait-il retourné sa veste (en kevlar) ? 


Je vais me faire tout de suite l'avocat du diable : rendre à Frank Castle son épouse -et tenter d'en faire de même pour ses enfants- n'est pas quelque chose de complètement inédit, puisque la dernière tentative en ce sens, à l'époque du Dark Reign, s'est terminée à coup de lance-flammes, si vous vous souvenez bien. Peut-on vraiment faire du Punisher un simple exécutant, en lui proposant ce genre de marché ? Est-il ce type d'individu capable d'accepter un innommable compromis pour éprouver à nouveau le bonheur des joie familiales ? Très sincèrement, j'ai de fort doute là-dessus. Un Punisher au service de la Main (même devenu leur leader) ou en tous les cas qui essaie à sa façon de faire filer droit la secte, c'est évidemment le prétexte idéal pour redessiner son logo, tout en justifiant la couardise initiale par une opération logique et scénaristiquement plausible. Tout cela est capillotracté, vous l'aurez compris. Aaron n'a qu'une seule solution pour s'en sortir et transformer son run en quelque chose de vraiment réussi et qui mérite les louanges : à savoir retomber sur ses pieds dans quelques numéros, pour nous étonner et nous prouver que les apparences étaient trompeuses et qu'il y avait beaucoup plus que ce qu'il nous laissait supposer au départ. Nous qui suivons la série en VO sommes toujours dans l'expectative; il est encore pour l'instant impossible de déchiffrer ou véritablement comprendre où souhaite en arriver celui qui est aujourd'hui un des meilleurs scénaristes sur la place. Pile ou face, le jackpot ou la banqueroute. Au passage Frank Castle qui essaie de convaincre les ninjas assassins que tuer n'est possible qu'à condition de choisir consciencieusement ses victimes et de ne pas trucider ceux qui ne le méritent pas, ça aussi c'est un peu fort de café. Le récit est confié à deux dessinateurs différents, Jesus Saiz, qui parvient à nous bluffer avec une beauté froide et réaliste du plus bel effet, et Paul Azaceta, qui s'occupe de toute la partie liée au passé du petit Frank, à commencer par le récit de son tout premier meurtre, qui prouve que le gamin avait déjà en lui une inclination à la violence qui n'attendait que le bon détonateur pour exploser. On a rarement été aussi circonspect et indécis devant quelque chose comme le Punisher de Jason Aaron. Je le répète, il serait totalement malhonnête de dire qu'il s'agit de quelque chose de mauvais et tout aussi hasardeux de crier au génie. Nous avons la sensation de lire un produit encore trop énigmatique et qui avance masqué, qui a au moins le mérite de totalement dérouter le lecteur et de l'obliger à revoir sa conception même d'un des personnages phares de l'univers Marvel. Dérapage contrôlé et audacieuse figure artistique, ou triste glissade inéluctable et chute dans le ravin, l'adresse d'Aaron sera-t-elle à la hauteur de sa folie ? Profitez bien du tome 1, la réponse vous sera probablement livrée dans quelques mois. On croise les doigts.





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