Si vous avez aimé Watchmen, alors vous aimerez forcément Black Summer de Warren Ellis. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est juste l’argument de vente un peu simpliste que nous assène la dernière de couverture de cet album aux éditions Milady. Bon, ça n’est pas très adroit et intelligent, mais force est de constater que les points de contact entre les deux œuvres existent, ne serait-ce que dans la présence d’un groupe de super humains en pré retraite, qui va devoir reprendre du service pour remédier aux tendances mégalomaniaques de l’un d’entre eux. Mais aussi dans la représentation d’une Amérique corrompue et qui abuse de sa position dominante (Ellis truffe son travail de flèches à l’encontre de la guerre en Irak, ce qui est juste, mais pas toujours délicat) et qui sombre inéluctablement dans le chaos provoqué par ces êtres aux pouvoirs sortant de l’ordinaire. Tout commence à cause d’un certain John Horus, dont les capacités semblent aussi floues que surpuissantes. Il se présente en conférence de presse dans un splendide uniforme blanc rutilant, maculé de sang des pieds à la tête : c’est qu’il vient à peine de trucider le président américain et ses proches adjoints, instaurant ainsi un nouvel ordre, celui de la fin de ce qu’il juge être une dictature à peine voilée, et de la reprise en main du pays par ses simples citoyens. Rien de tel pour plonger la nation dans l’anarchie, s’aliéner militaires et services secrets, et contraindre ses anciens coéquipiers méta humains à reprendre du service. Le groupe des sept armes a de nouveau du pain sur la planche : arrêter le plus fort d’entre eux, qui est devenu juge, jury et exécuteur de tout ce et ceux qui ne lui conviennent pas.
Mais les « sept armes » sont loin d’être fringuantes. Le temps a fait son effet, les organismes sont rouillés et les esprits embrumés, comme par exemple celui de Tom Noir, stratège en chef, relié au niveau du cortex cérébral à toute l’activité informatique de la planète. Veuf inconsolable après la perte de sa bien aimée au combat, il a trouvé une piètre alternative dans l’alcool et l’apathie, et vivote tel un paumé dans son appart miteux, en bon infirme dépressif (il a perdu une jambe là où sa fiancée perdit la vie). Le coup de force de John Horus et le retour dans son existence d’un ancien allié qu’il pensait –à tort- décédé, et qui tente de l’éliminer, va le contraindre à cesser de se morfondre, et affronter une réalité extérieure sévèrement partie en vrille. Angel, Kathy, Dominic, Arthemis, ses coéquipier(e)s eux aussi «augmentés» (par ce terme Ellis entend dire que leurs capacités ont été développées scientifiquement grâce à des implants cybernétiques) se retrouvent donc les mains dans le pétrin, pourchassés par tout ce qui représente la loi, et censés mettre la main sur Horus pour obtenir des explications et en finir avec cette folie ambiante. Bien sur, il est presque blasphématoire de vouloir vraiment tenter une comparaison entre un monument comme Watchmen et Black Summer, ne serait ce que dans l’ambition du discours, la lente et passionnante mise en forme qui se permet de musarder dans le premier cité, et de passer d’une mise en abyme à l’autre en faisant exploser les canons du genre super-héroïque. La bd d’Ellis est en ce sens une version light et bien plus mainstream, un divertissement qui s’assume et n’affiche pas d’aussi hautes ambitions politiques ou sociales. Mais elle est efficace et superbement mise en images par un Juan Jose Ryp au trait très fouillé, qui n’est pas sans évoquer par moments un Cassaday plus minutieux, et il excelle dans les nombreuses scènes chocs d’explosion ou de libération impromptue de la violence. Si la fin du volume semble trop abrupte et si on s’attendait à bien plus de développement et de pathos pour ce qui est de la conclusion, la première moitié est elle menée de main de maître, sans temps mort, et bénéficie aussi de dialogues pétillants qui aide à se prendre facilement au jeu. Osez aller au-delà de la comparaison marketing avec Watchmen et prenez cet été noir pour ce qu’il est, il est probable que vous allez passer un bon moment à la lecture de cet ouvrage qui n’a pas à rougir devant ses pairs. D'ailleurs un grand nombre d'entre vous a déjà du se laisser séduire, non?
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