La guerre du Viet-Nam, comme élément fondateur de l'Amérique moderne, de ses angoisses, de ses névroses? En tous les cas, comme élément fondateur de l'histoire du Punisher, c'est une évidence. A l'heure où le conflit s'embourbe et où les américains commencent à lever l'ancre, petit à petit, sans gloire, Frank Castle continue de lutter et de défendre la base militaire de Valley Forge, et met en péril son existence jour après jour. La morale et l'humanité des combattants est mise à rude épreuve, et les actes de cruauté se succèdent, agissant à jamais sur la psyché des principaux acteurs, y compris Castle, qui développe peu à peu une forme de schizophrénie inquiétante, qui aboutira des années plus tard au célèbre costume à tête de mort que nous lui connaissons. Ici, la guerre est observée sous toutes ses coutures, disséquée, froidement analysée et secrètement jugée. Frank est un excellent soldat, une machine de guerre, car machine à tuer, au point que le respect qu'il impose à ses hommes n'a d'égal que la peur même qu'il instille. Loin des canons du comic-book traditionnel, la mini série Born, qui ouvre ce premier Deluxe consacré au Punisher Max de Ennis, est une oeuvre gore et dérangeante, qui nous explique que le Punisher n'est pas forcément né à Central Park, suite à un pic-nic tragique, mais qu'il était déjà là, tapi dans les recoins de l'âme d'un soldat sans pitié, que le conflit du Viet-Nam n'a été que le catalyseur de cette transformation radicale. Darrick Robertson est un excellent choix pour le dessin, avec des planches crues, sans concession, un réalisme criant et sanguinolent, qui donne à l'ensemble une tonalité apocalyptique et presque cinématographique. Une entrée en matière de choc, pour les néophytes du Punisher.
Cap ensuite sur 2004, et les six premiers épisodes de la série Max proprement dite, qui forment l'arc narratif In the beginning. Cette fois le récit est plus classique, et propose un Punisher embourbé dans sa lutte contre le crime. Il commence d'ailleurs par un rapide résumé des bases de la série, et du drame familial vécu par Frank Castle. Qui est suivi par le genre de massacre collectif qu'affectionne le Punisher, une tuerie de mafiosi jubilatoire en pleine soirée anniversaire, prolongée par un "service supplémentaire" le jour des funérailles pour se débarrasser de certains survivants. Un tel modus operandi à de quoi susciter des envies de vengeance, et pour corser le tout, Microchip, l'ancien aide de camp de Castle (son appui logistique des années durant), associé à une équipe secrète de la NSA, participe aux opérations visant à capturer le justicier aux méthodes expéditives. Nous sommes en plein polar sans concessions, dans la crasse et la sueur d'une ville qui suinte le crime et la corruption, avec un Frank fatigué, mis à rude épreuve, humanisé et parfois pathétique, sous les crayons d'un Lewis Larrosa très efficace en ce sens. In the beginning est un condensé violent et virulent de ce que veut faire Ennis avec ce nouveau titre Max : ne plus présenter le Punisher comme la victime directe d'un règlement de compte entre mafieux, mais comme une machine à tuer qui n'attendait qu'un prétexte valable pour déchaîner l'enfer sur Terre, et faire respecter sa propre conception expéditive de la justice, dans un monde où ce mot ne signifie plus grand chose. Bref, un Deluxe qui ravira les amateurs de récits super-héroïques mâtinés de polar, mais qui pose une question propre aux collectionneurs : le tome 1 sera t-il suivi du reste de la série, ou bien risque t-on de se retrouver avec un ou deux albums, et rien d'autre, si les chiffres de vente ne sont pas satisfaisants? Personne n'a la réponse à cette question, et ce pourrait être la seule incertitude qui plane avant l'achat de ce Deluxe, qui vaut son pesant d'or, croyez-moi.
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