MIDNIGHT NATION DE J.M.STRACZYNSKI ET GARY FRANK CHEZ DELCOURT

Tout commence par une scène de crime assez banale. Rien de bien nouveau pour l'inspecteur David Grey, habitué à en voir d'autres, à devoir courir les témoins et mener l'enquête pour faire éclater la vérité, même quand ses supérieurs semblent préférer d'autres affaires plus juteuses ou moins sordides. Mais il s'agit pourtant du point de départ d'une aventure dramatique, qui prend son essor lorsque la seule personne ayant apporté un témoignage quand aux assassins est retrouvée découpée en morceaux dans son appartement. Grey est lui aussi victime d'une fusillade, et laissé pour mort sur un lit d'hôpital. Sauf que non, mort il ne l'est pas vraiment. Il vient en fait de glisser entre les failles du système, de notre société, de pénétrer dans un univers où les laissés pour compte, les oubliés, les marginaux, sont tous devenus transparents et invisibles aux yeux des autres, qui poursuivent leurs existences frénétiques et consuméristes. Grey s'est fait dérober son âme par des créatures portant des tatouages tribaux, et dont l'aspect se rapproche du monstre mi homme mi reptile. Ces "marcheurs", comme on les surnomme, il finira lui aussi par en faire partie, s'il ne parvient pas à se réapproprier son humanité d'ici un an, au grand maximum. Pour ce faire, David va devoir traverser une grande partie de l'Amérique à pieds, en compagnie de Laurel, une jeune femme qui a l'habitude de ce genre de mission, puisqu'elle escorte régulièrement des personnes dans cette situation délicate. Le problème, c'est que jamais aucune d'entre elles n'est revenue vivante de ces périples, et que sur le chemin, les embûches ne manqueront pas, alors que le temps s'écoule inexorablement...

Straczynski dans toute sa splendeur, dira t-on. Si vous avez aimé Rising Stars, vous aimerez forcément ce Midnight Nation, plus humain, plus intelligent, dans sa construction. Non seulement le récit est rondement mené, mais nous trouvons toute une parabole sur le fonctionnement de notre société, sur le mécanisme de l'isolement, de la marginalisation, qui est assez bien fichue. Du polar de base (le premier épisode) nous sautons bien vite au road-movie fantastique mâtiné de conscience sociale, avec un zeste de religion, comme en atteste la présence de Lazare, le ressuscité biblique, que nous croisons à un coin d'avenue, en attente du retour du Messie. Le final touche aux frontières du mysticisme et de la croyance, et interroge la fonction même du mal au sein de la Création toute entière. Aux dessins, Gary Frank impressionne. D'un réalisme froid, son trait est anatomiquement sublime, et il varie avec talent les silhouettes avantageuses (on est chez Image, les filles sont diablement bien carrossées) et une peinture minutieuse et clinique d'une Amérique délaissée. Cette édition librairie, éditée chez Delcourt, est vraiment du bel ouvrage. Pour moins de trente euros, vous allez trouver l'intégrale de la série de Straczynski, sous une couverture hardcover inébranlable, un épisode spécial publié une première fois dans la revue américaine Wizard (signé Michael Zulli pour les crayons) et une postface lumineuse de l'auteur lui même, qui nous éclaire sur son inspiration. 


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