Pour pouvoir lire et apprécier ce Phonogram, il est clair qu'il faut avoir connu ou savoir ce que signifie la britpop; sans cela, ou bien si ce mouvement musical ne vous intéresse absolument pas, il y a fort à parier que vous n'allez pas comprendre grand-chose, ou que vous allez quitter la lecture très rapidement. Vous vous rappelez les années 90 de Blur, Oasis, Pulp et tous ces groupes qui nous provenaient d'Angleterre et rivalisaient d'hymnes pop, alternant une musique dansante et festive avec de grands élans mélancoliques, héritées des années Thatcher? Une sorte de libération débridée des esprits de la musique anglaise, qui accepte désormais de toucher le grand public dans ses grandes largeurs, sans pour autant devoir assumer une pause d'intellectuels maudits entre chaque morceau. La britpop c'est le glamour, la décadence, l'immédiateté du rythme qui vous rentre dans la peau, c'est un shoot d'adrénaline en 3 minutes 30, au format single. Depuis, bien de l'eau a coulé sous les ponts. La déesse de la pop Britannia est morte, David Kohl est lui un phonomancien, autrement dit quelqu'un qui croit en la magie de la musique, et il est resté scotché à cette époque bénie de la britpop. Tout autour de lui le monde a changé, ses expériences sont dépassées et donc ce qu'il est dans le présent aussi se trouve modifié par cette perception en évolution, sociale et culturelle. Et si en fait le changement n'était pas naturel, mais induit par des forces obscures qu'il allait devoir rencontrer, comprendre et combattre, pour rendre à la britpop la place qui est la sienne au firmament des grands courants musicaux, mais aussi des lignes directrices qui font de l'Angleterre ce qu'elle est aujourd'hui? L'art la création artistique, tout cela est passé au mixeur de la pop culture de Kieron Gillen, qui s'amuse ici à brouiller les cartes, la perception, entre la réalité et la fantaisie, que la musique fait naître en nous, qui il faut bien le dire, par moment confine à la magie. Si vous connaissez tous les groupes d'alors et les références musicales placées à l'intérieur de cet album, nul doute que vous allez beaucoup vous amuser avec ses dialogues percutants et ses références ironiques, qui émaillent pratiquement chaque page, de ce premier tome qui vient de sortir chez Glénat Comics.
Au départ celui-ci a été édité en noir et blanc. Une sorte de comic-book indépendant, cheap et sans grand avenir, mais qui va apporter à ses créateurs un succès d'estime évident. Outre Gillen, le dessinateur est Jamie McKelvie, son compère habituel, qui sera de la partie pour The Wicked and the Divine, par exemple, autre succès important (du moment) qui puise ses racines dans des fantasmes et des références en grande partie similaires. Matt Wilson a ajouté de la belle couleur à cette réalisation passée, et voilà que Phonogram est prêt pour le marché français, chez Glénat, donc. On y joue avec beaucoup d'humour sur les grand noms d'alors, de la disparition tragique du guitariste des Manic Street Preachers (une légende galloise, et britannique, donc, qui n'a jamais eu beaucoup de succès en France) au caractère surfait des Kula Shaker, qui mêlaient musique pop et pseudo hindouisme de pacotille. Tout ça tombe bien, je suis fan de ce courant musical, mais reconnaissons que de Echobelly à Ocean Colour Scene, il y avait aussi des choses flirtant avec la limite du bon goût.... Seul point négatif, Gillen lui-même est une sorte de "poseur", un scénariste dandy qui joue énormément avec les trames obscures, autoréférencés en permanence, très difficiles d'accès pour ceux qui ne partagent pas son background culturel (même la couverture est un clin d'oeil à la pochette du meilleur album de Pulp, This is hardcore). Du coup, tant bien même il est clair que Phonogram vaut vraiment la lecture, nul doute qu'une bonne partie d'entre vous va se sentir déroutée, voire lâchera l'affaire avant la fin. Tentez l'expérience, et dites nous ce que vous en pensez.
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