Le parallélisme entre Bad Mother et la série télévisée Breaking Bad est assez évident; du reste même l'éditeur américain AWA upshot joue sur la similitude. Il faut dire que le point de départ est un peu le même, à savoir une plongée dans la radicalité, pour un individu lambda que rien ne destinait à devenir une sorte d'anti-héros borderline, au comportement totalement imprévisible. Certes Walter White, atteint d'un cancer, est un professeur de lycée particulièrement humble et effacé qui devient une pourriture, qui empoisonne les jeunes de la ville avec des substances stupéfiantes d'une pureté inégalée. Ici April Walters est une femme beaucoup plus tranquille et aux valeurs plus solides; il n'est pas question de donner dans la criminalité, mais tout simplement de trouver des ressources impensables pour sauver sa fille des griffes de ses ravisseurs. Revenons quelques peu en arrière! Tout d'abord, qui est April? Une mère de famille presque invisible, dont le mari est toujours absent pour des raisons professionnelles. Sa présence se résume intelligemment dans ces pages à un répondeur téléphonique et une vague conversation, toujours par téléphone, juste à la fin. April a un jeune fils qui fait des caprices et une fille en pleine crise d'adolescence, qui n'est pas simple à gérer. Physiquement elle n'a rien de la plastique habituelle des héroïnes de bande dessinée, notre mère au foyer a d'ailleurs un peu trop de poids, ce qui lui empêche de trouver un jeans à sa taille, dans les magasins de vêtements, et lorsqu'elle est victime d'une prise d'otages dans une épicerie, les ravisseurs préfèrent mettre la main sur une bimbo blondasse plutôt que sur cette ménagère qui n'attire pas le regard. Par contre, sa fille prénommée Taylor est une jolie créature en devenir, mais elle s'est mise dans de mauvais draps, à préférer fréquenter les mauvais garçons plutôt que de tout miser sur ses études; et là elle a fait fort, puisque sa dernière relation en date n'est d'autre que un petit voyou qui va l'amener à se confronter avec la famille de l'organisation criminelle la plus redoutable et impitoyable de la ville, dirigée de main de maîtresse par une femme que rien e fait reculer. Une sombre histoire d'enlèvement, de fille abusées, bref une fois que le premier domino est tombé, la chute vertigineuse vers la violence absolue et le désespoir est enclenchée. Taylor est enlevé, et la mère se retrouve bien désemparée au moment de passer à l'action, puisque même la police ne semble pas très intéressée par sa déposition!
Pourtant April habite ce genre de bourgade tranquille qui fait la fierté des américains, et le sel de certaines séries à succès comme Desperate Housewifes, par exemple. Mais derrière l'ambiance feutrée des familles modèles, se cache quelque chose de beaucoup plus sinistre, qui ici englobe toute la communauté, de ceux qui sont normalement chargés de faire régner l'ordre, à la jeunesse désœuvrée et fortunée. Christa Faust, plus connue pour être une autrice de polars, signe dès lors une sorte de plongée en apnée, qui une fois entamée ne peut aboutir qu'en touchant réellement le fond. April doit tout d'abord comprendre ce qui s'est passé (les réseaux sociaux, et le mécanisme des interactions qui s'y nouent, sont présentés de manière convaincante) puis choisir un modus operandi assez puissant mais subtil (encore que...) pour parvenir à sauver sa fille. Elle se transforme donc en une sorte de McGyver domestique (elle a de la ressource, et sait bricoler) et se dote d'un caractère inflexible, ne reculant devant rien pour accomplir sa mission, jusqu'à un climax délicieux, autour d'une table, où les paroles sont des couteaux, et le moindre geste l'étincelle qui peut mettre le feu aux poudres. Mike Deodato est en charge du dessin, lui qui officie désormais surtout chez AWA, où il semble avoir trouvé un habitat naturel de premier ordre. Son style est éprouvé; il livre des planches très réalistes, avec une scansion du rythme particulière, ces grandes vignettes elles-mêmes fragmentées en différents segments, et un soin évident apporté aux détails et aux visages. Bad Mother est en définitive le genre de lecture plutôt rapide, car ne débordant pas d'explications ou d'introspection, mais qui choisit de foncer bille en tête vers sa conclusion, tout en faisant vibrer le lecteur, pris dans la toile et concentré sur le moyen d'en servir indemne, tout en sachant très bien qu'il va y avoir de la casse, tôt ou tard. Inéluctable et violent, ce Bad Mother se suffit à lui seul, récit en cinq parties qui forme un des one shot explosifs de l'été, chez Panini Comics.
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