Bien entendu, le titre peut induire en erreur, c'est même probablement la raison pour laquelle certains pourraient être déçus, en se procurant cet album. Il faut dire que Marvels, avec un S à la fin, fut une des parutions les plus abouties de toute l'histoire de la maison des idées, un chef-d'œuvre intemporel, que vous ne pouvez pas ignorer. Du coup à chaque fois qu'il est fait référence à cette pierre angulaire des comics, les attentes sont très élevées. Ici, Marvel sans S à la fin, n'entend pas se proposer comme une suite ou une préquelle, mais tout simplement comme un hommage à l'histoire de la maison d'édition éponyme, à l'occasion également de la grande célébration de ses 80 ans. Il n'y a donc pas un grand récit qui se développe à travers les six numéros de la mini-série, mais seulement -et c'est déjà beaucoup- un ensemble de petites histoires, dont la plupart oscille entre humour bienvenus et clins d'œil appuyés à des décennies de super-héroïsme. Pour relier le tout nous trouvons tout de même une sorte de fil conducteur, qui est par ailleurs réalisé par Alex Ross, dans le style photoréaliste qui explique en partie les grandes raisons du succès de Marvels. Dans cette passerelle narrative nous assistons à l'offensive de Cauchemar, qui est parvenu à emprisonner momentanément le Docteur Strange, et entend puiser dans les rêves de toute l'humanité pour accéder à la toute-puissance, voire même ensuite partir à l'assaut du cosmos. Il se trouve que cette matière onirique, royaume où tout est possible, correspond parfaitement à ce qu'a fait Marvel depuis désormais 80 ans, c'est-à-dire utiliser le matériau brut de l'imagination débridée, pour donner corps et voix à l'impossible, pour créer ces héros légendaires, dont les actes et les agissements relèvent déjà du mythe, en tout cas de l'émerveillement sans cesse renouvelé. Et pour parvenir à un ensemble qui reste cohérent, et en tous les cas très agréable à parcourir, il fallait faire appel à un nombre impressionnant de grands noms du dessin, qui ne sont pas d'ailleurs tous forcément très habitués à manipuler ce type de personnages.
On trouve vraiment de très jolis hommages à l'intérieur de cet album qui vient de sortir chez Panini Comics, comme par exemple une histoire somptueusement dessinée par Lee Bermejo, où nous retrouvons le Silver Surfer aux prises avec le poids dramatique des souvenirs, quand tout semble perdu définitivement. Se rappeler, est-ce un don, ou ne vaudrait-il pas mieux tout oublier? Ou bien encore les peintures de Dan Brereton, qui nous emmène dans la salle des dangers, momentanément fermée pour travaux, ce qui occasionne chez les mutants qui attendent à l'entrée frictions et agacement, d'autant plus que Wolverine, qui venait à l'époque de rejoindre le groupe des X-Men, ne semble pas faire preuve d'un esprit d'équipe performant. Tout ceci nous l'avons déjà vu, nous le connaissons, nous en maîtrisons les codes, et c'est pour cela que ça fonctionne. De plus le prétexte des rêves de l'humanité, qui nourrissent Cauchemar, permettent de divaguer, de dire autre chose, ou tout du moins autrement, comme ce dialogue surprenant entre Spider-Man et Mary-Jane, concernant les problèmes économiques du couple face à la production trop abondante des toiles du héros, dont le coût de fabrication dépasse les bornes (de Saini et Espinosa, assurément étonnant). Notre vrai coup de cœur est "Beginnings" de Bill Sienkiewicz, avec Uatu, le Gardien, qui narre aux lecteurs, avec une ironie et un sarcasme d'extra-terrestre détaché et revenu de tout, le parcours d'un jeune garçon bien décidé à devenir dessinateur, en dépit des difficultés et des frustrations qu'un tel choix procurent, le long d'une existence. C'est un moment touchant, qui parlera à tous ceux qui savent ce que signifie prendre les crayons en main, et y confier une grande partie de sa propre subsistance. On peut rire ou sourire régulièrement dans les pages de Marvel (la pseudo attaque des monstres de Hilary Barta et Doug Rice est géniale), on peut aussi se rincer les rétines (Lucio Parrillo orchestre un duel Hulk Wolverine digne d'un Dell'Otto) ou tout bonnement hocher la tête, et se dire que oui, lire des comics, c'est merveilleux, comme le sous-entend le titre de ce recueil. Une passion, qu'on ne peut vivre pleinement que si on conserve une part de rêve et d'enthousiasme, ce qui est le message portant de ce Marvel.
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