VERTIGO DELUXE : THE WAKE De Scott Snyder et Sean Murphy

Les premières pages de The Wake sonnent comme une sombre prémonition. 200 ans dans le futur, et il ne reste des Etats-Unis que des terres dévastées par des raz de marées. La planète a été en partie engloutie. Comment en sommes-nous arrivés là? La réponse sera livrée tout du long de ce récit divisé en deux parties. La première, dans le présent, est centrée autour d'une biologiste marine, Lee Archer, que le gouvernement réquisitionne pour s'occuper d'un cas étrange, l'émission d'un signal non identifié en eaux profondes. Mais ceci n'est qu'un prétexte, car en réalité Lee se retrouve 300 pieds sous la calotte glaciaire en compagnies d'autres spécialistes, face à une surprenante et effrayante découverte : une créature marine, à mi chemin entre la sirène et le requin, qui a été capturée par l'armée. Le problème est que cette chimère est des plus féroces, et qu'elle a des pouvoirs redoutables, comme la capacité de provoquer des hallucinations chez qui entre en contact avec les sécrétions de ses glandes lacrymales. Et plus terrible encore, elle est loin d'être la seule de son espèce. C'est par milliers que ses semblables attaquent la base sous-marine, jusqu'à ce qu'intervienne un monstre, un colosse, le rois de ces "poissons" humains, qui sonne le glas pour l'équipe d'investigation. La seconde partie, elle , est située dans le futur, à cette époque où le littoral de toutes les terres émergées a reculé, sous l'action de ces sirois, comme on appelle désormais les créatures. Cet univers apocalyptique ressemble à celui de Mad Max, avec en lieu et place du désert l'océan qui a repris ses droits. Nous y suivons les évolutions de Leeward (et son dauphin affublé d'un harnais à ultra-sons), jeune rebelle qu'on devine de la lignée de Lee Archer, qui désespère de capter sur les ondes courtes un hypothétique message radio annonçant un possible salut. Ce que les forces gouvernementales interdisent formellement, depuis la Tour de Glace, siège de l'Etat et des plus grandes réserves en eau potable de ce qui subsiste des Etats-Unis. Un message qui fatalement finit par être diffusé, et entendu...

The Wake donne l'opportunité à Snyder de dérouler le mantra de toutes ses obsessions thématiques. Il joue avec l'histoire, la science, la science-fiction, usant d'hypothèses et de lacunes pour créer sa propre interprétation des faits, et donner un autre sens à la vie, la notre, en tant qu'espèce, de nos origines à notre lointain futur. Est-ce pour autant un chef d'oeuvre? Le scénariste n'en commet pas moins certaines fautes, comme celle de présenter des personnages parfois caricaturaux ou peu approfondis (la jeune rebelle casse-cou, le militaire obtus, le chasseur qui ne rate pas sa cible...), ou lorsqu'il dépeint un univers post-apocalyptique et aquatique, sans prendre le temps (en dix épisodes, l'avait-il vraiment? C'est une autre histoire...) de le crédibiliser en nous le laissant explorer plus en profondeur. Je n'ai pas non plus apprécié les dernières planches, et les élucubrations mystico-scientifiques à base de sécrétions lacrymales, qui restent vraiment confuses et difficiles à avaler. Mais Snyder a un atour de maître dans sa manche : le dessinateur qui l'accompagne dans cette aventure. Bon sang, Sean Murphy est tout simplement exceptionnel! Si sur Punk Rock Jesus l'utilisation du noir et blanc avait permis l'obtention d'un chef d'oeuvre nerveux et expressif, les couleurs de Matt Hollingsworth subliment ici davantage les crayonnés ultra détaillés et jamais banals d'un artiste en voie de consécration absolue. Murphy est aujourd'hui la synthèse de Portacio, Jae Lee et de l'influence du manga, et ce qu'il fait tourne depuis quelques mois déjà à la démonstration totale. D'autant plus qu'il faut bien le dire, Urban Comics ne se fiche pas du monde, mais propose une édition somptueuse que les américains nous envieront. Papier glacé, hardcover, bonus appréciés et appréciables en fin d'ouvrage, tout est fait pour vous donner envie de craquer et de ramener The Wake dans votre bédéthèque. Si j'ai encore quelques réserves pour le fond de ces dix épisodes récompensés par deux Eisner Ewards aux States, je n'en ai aucune sur la forme. Un régal visuel de bout en bout. 


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