BATMAN/CATWOMAN : LE CHAT, LA CHAUVE-SOURIS ET L'AMOUR


 Si vous avez lu la longue prestation de Tom King sur le titre Batman, vous savez qu'une des grandes questions qui traversent son travail est le rapport qui peut unir la chauve-souris Batman et Catwoman, la cambrioleuse entourée de chats. Une évolution assez inattendue de cette attraction coupable et fatale entre les deux est survenue lorsque Bruce Wayne a proposé à Selina Kyle de l'épouser. Vous savez tous comment cela s'est terminé mais ce que vous savez peut-être moins, c'est qu'il n'y a pas vraiment de point final dans cette histoire, puisque les événements sont toujours en évolution, tout du moins pour ce qui concerne la version française. Ici, nous allons faire un bond dans un futur assez lointain tout de même, pour assister aux tout derniers jours de Bruce. Il a risqué sa vie au quotidien mais c'est finalement la maladie qui va le terrasser. Il ne mourra pas seul puisque Selina est devenue sa femme et qu'elle est à son chevet, même pour les ultimes instants. Le couple a une fille, Helena, qui a repris le rôle de justicière de Gotham, tandis que Dick Grayson est pour sa part un inspecteur de police dévoué. Le récit va proposer différentes pistes narratives qui sont autant de voies temporelles (ou alternatives); non seulement nous nous concentrons sur les jours qui suivent la disparition de Bruce Wayne mais nous remontons également dans le passé, à une époque où Batman et Catwoman se fréquentaient, se cherchaient, se désiraient, mais aussi se repoussaient à travers des méthodes différentes et une idéologie forcément divergente. On apprend aussi beaucoup de choses sur le rapport très étrange qui pouvait rapprocher Catwoman et le Joker. Nous découvrons encore Andrea Beaumont, le tout premier grand amour de Bruce, qui vient solliciter son aide, ou plutôt celle de Batman, pour retrouver la trace de son fils, qui aurait été enlevé par le Joker. Un événement traumatique qui ne se terminera pas bien et qui va être à la base d'un des points saillants de l'histoire. Tout ceci, au premier abord, peut sembler assez complexe; en effet, il est difficile à la lecture des tout premiers épisodes, de comprendre véritablement ou veut en venir Tom King. Si l'introduction de cet ouvrage, représenté par le second annual de la série Batman est d'une facture plus classique, articulée autour du jeu du chat et de la (chauve)souris entre nos deux tourtereaux, tout le reste est en fait une mini série, prolongement de toute la prestation du scénariste sur Batman. Initialement prévue pour constituer son dernier grand arc narratif, Batman/Catwoman se déploie de manière indépendante, pour se concentrer sur la relecture d'un des rapports de couple les plus énigmatique et problématique des comics.




Vous êtes déjà probablement habitués à la narration de Tom King, je ne vais donc pas vous expliquer comment le scénariste use et abuse de différentes couches, multiplie les pistes avant de révéler où il voulait véritablement en venir, à la manière d'un oignon qu'il serait nécessaire de peler encore et encore, pour comprendre véritablement le sens du geste qu'on effectue. Le petit théâtre qu'il met en scène ici concerne donc deux couples; pour simplifier, Batman et Catwoman, d'un côté le redresseur de torts qui refuse de tuer et de basculer définitivement dans le mal, et la cambrioleuse criminelle en qui le Chevalier Noir voit potentiellement une véritable héroïne, mais qui refuse d'être un parangon du bien et accepte toutes les nuances d'ombre qui résident en elle. Mais également le Joker, élément indispensable pour que la mythologie gothamienne prenne sens, et Andrea, grimée en Phantasm, encapuchonnée et bien décidée à faire payer les autres pour leur bonheur alors qu'elle a perdu son fils, dont la perte est attribuée au Joker. Bien entendu, la vérité est beaucoup plus complexe; le rapport qui unit les deux dernières personnes que je viens de citer est assez dérangeant, lorsqu'on finit par comprendre de quoi il s'agit. De même un autre type de rapport se dévoile peu à peu, celui entre Selina Kyle et sa fille, Helena Wayne, qui en apparence a plus particulièrement hérité le caractère et l'obsession du géniteur. Comme toujours, voici un album qui ravira les amateurs de Tom King et que ceux qui détestent cette manière alambiquée de présenter les choses pourraient bien abhorrer. Nous ne sommes d'ailleurs pas loin, au final, d'un travail semblable à ce qui a pu être fait avec Adam Strange par exemple. Le dessin est particulièrement soigné, c'est graphiquement un plaisir de regarder l'œuvre de Clay Mann, qui est désormais un de ceux qui présentent avec le plus de classe l'univers de Batman. On retrouve aussi des épisodes illustrés par Liam Sharp, dont le style volontairement "sali" évoque un Bill Sienkiewicz de la grande époque, avec des vignettes cauchemardesques et volontairement caricaturales. C'est aussi l'occasion de voir à en action le regretté John Paul Leon et de constater à quel point sa mise en page et sa science du récit vont nous manquer énormément, alors qu'il avait encore tant à nous offrir. Une petite postface touchante et assez éloquente à ce sujet est proposée en complément. Comme d'habitude, une belle galerie de couvertures alternatives vient enrichir ce gros pavé qui se révèle être le complément indispensable de tout ce que Tom King a écrit jusque-là; une manière définitive d'enterrer ou entériner un run qui aura marqué les esprits, y compris pour ce qui est de la cerise sur le gâteau, c'est-à-dire le mariage de Batman et Catwoman. Acte final en toute fin de volume, à vous d'aller voir si la cérémonie vous tente.






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