PUNISHER (Max Vol.15) : LES FILLES EN ROBES BLANCHES

Garth Ennis est donc définitivement parti, la page est tournée. Et du reste, l’humour à froid, le glauque trash et absurde, qui réjouissait tant les lecteurs de la série Max du Punisher, sont déjà quasiment absents de ce volume 15 édité par Panini. Qui bénéficie toutefois d’un traitement graphique réussi, et des ambiances noires, des dessins crépusculaires d’un Laurence Campbell minimaliste et pourtant si expressif, avec aussi peu de gestes et d’épate : bref, un tour de force apprécié et appréciable. Pour le reste, Castle prend ses valises et met le cap sur le Mexique. Non pas pour participer à la foire aux tapas, mais pour s’occuper d’une sordide histoire d’enlèvements. Un village tout entier est en proie à la panique : les jeunes femmes disparaissent une à une, et lorsqu’elles refont surface, c’est atrocement mutilée, et recousue à la hâte (sans les poumons et les yeux). Prostitution, secte satanique, serial killer ? Toutes les hypothèses sont valables, et le dernier recours des mexicains désemparés est de faire appel à notre justicier implacable, qui traverse une phase d’introspection morbide, comme il ne cesse de le répéter : le trentième anniversaire du jour où sa propre famille a été abattu. Notons au passage qu’il n’a pas pris –ou presque- une ride, et que la croisade contre le crime, ça préserve bien son homme. Toujours aussi froid, impassible, Castle prend ses marques avec distance, emploie d’emblée la bonne vieille méthode qui oscille entre torture et exécution expéditive, et, n’en déplaise aux chastes âmes qui lisent ces quelques lignes, se fait tailler une pipe par une habitante du coin, à sa première nuit d’hôtel. Pas très excitant quand on sait qu’en guise de reflet de la scène, ce sont ses enfants morts qu’il aperçoit dans le miroir de la chambre. Obsédé, notre Frank ?

Notons tout de même qu’au fil des pages, le scénariste Gregg Hurwitz finit par se lâcher un peu : le voici aux commandes du Punisher, tout de même ! On retrouve de ci de là l’héritage d’Ennis (un mafieux qui se fait bouffer par son requin d’aquarium) et une touche d’irrévérence glacée à ne pas mettre entre toutes les mains, mais de manière plus réaliste, plus noire, sans ces bouffée délirantes et quasi parodiques qui ont fait le succès du personnage ces dernières années. Il s’en sort tout de même avec les honneurs, étant donné la lourde tâche qui lui incombait ! Campbell saupoudre ses planches de traits esquissés à la suie, les corps se meuvent dans l’ombre et assument la consistance du charbon, et la scène s’éclaire soudainement d’un rouge expressionniste pour une case choc, un acte de violence froid et raisonné, qui vient rappeler les idéaux de Castle, et son monde sordide, où la lumière ne peut qu’aveugler, jamais réchauffer. On aurait pu penser que ces enlèvements de jeune fille finiraient par aboutir à une terrible histoire de prostitution mais il n’en est rien : hormis quelques pulsions et esquisses de viol par instant, ce volume 15 reste finalement assez sobre sur ce point. Il préfère placer la mise sur l’exploitation d’un des ennemis classiques du Punisher, El Ponte en espagnol, c'est-à-dire le Puzzle vivant, Jigsaw, déjà présent dans le dernier numéro de Marvel Saga. La bonne nouvelle de cet album Max, c’est que sans avoir une aventure révolutionnaire entre les mains, on n’a pas l’impression non plus d’avoir été floué. Un très bon point avant d’aborder ces prochains mois la décapitation de Frank Castle et son retour sous forme d’un zombie cyborg, qui devrait atteindre 9 sur l’échelle Richter du ridicule.

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