Seriez-vous tentés par la pire aventure (ou presque) du Punisher depuis l'existence éditoriale de cet anti-héros? Attention, il s'agit d'un véritable massacre artistique, il n'y a rien à sauver de ce Punisher là.
Pour bien comprendre, il s'agissait, en 1998, de redonner une chance à un personnage qui risquait vraiment de tomber dans l'oubli. Après une grosse dizaine d'années passée à jouer dans la cour des grands chez Marvel (avec à un moment donné trois titres mensuels en même temps!) Frank Castle connaît un sérieux coup de mou au milieu des nineties. On orchestre dans un premier temps un accès de folie pour le justicier, qui est manipulé et drogué, se débarrasse de son aide de camp historique (Microchip), est capturé par les forces de l'ordre, s'échappe et s'en prend au Shield, et tue Nick Fury (en réalité il s'avérera qu'il n'a tué qu'un life model decoy, la bonne excuse...). Le Punisher est traqué, condamné, puis passe sur la chaise électrique, avant d'être sauvé in extremis (la sanction est truquée...) par le clan mafieux des Geraci, dont il va devenir un temps le boss... Rien n'a fonctionné, rien n'y a fait, après l'heure, ce n'est plus l'heure. La dernière chance est décidée par Joe Quesada, qui se retrouve avec la lourde tâche de rendre à Marvel son lustre d'antan, en innovant, en osant. Mais oser, ça ne signifie pas écrire tout et n'importe quoi. Les vrais coupables s'appellent Christopher Golden et Tom Sniegoski, deux scénaristes qui se connaissent et ont déjà un passif ensemble. Au dessin on leur adjoint Bernie Wrightson, qui est loin d'être un artiste de pacotille, et un très bon choix pour les récits horrifiques. C'est dans cette veine que semble se diriger ce nouveau Punisher, qui reçoit aussi le renfort de Jimmy Palmiotti à l'encrage, et lorgne d'emblée vers des ambiances surnaturelles à filer la chair de poule. Quand Castle débarque avec une sorte de tatouage mystique brillant sur le front, les yeux luisants dans l'obscurité, en possession d'armes inédites et mystiques, on en vient à penser : Doctor Strange, serais-tu libre pour une consultation?
Comment et pourquoi le Punisher est revenu parmi nous, alors qu'il est censé être mort? Par quel subterfuge a t-il échappé à cette mort? En fait, il n'y a pas échappé, il est vraiment décédé. Sauf que voilà, un ange l'a renvoyé sur Terre. L'occasion pour Frank Castle de se retrouver nez à nez avec l'ange-gardien de sa propre famille assassinée (il ne fait donc pas très bien son boulot). Celui-ci s'excuse en pleurant : Je suis désolé Frank, je n'ai pas correctement fait mon job, ils n'auraient pas du mourir ce jour-là, etc... Du coup, renversement de situation mystique, la mission du Punisher prend une tournure biblique, avec une croisade qui ressemble fort à une traversée du purgatoire. Pas de l'enfer, non, Castle n'a semble t-il pas tué assez durant son existence, il mérite bien une seconde chance...
Golden et Sniegolski ont un mérite évident. Celui de vraiment tenter de raconter quelque chose de différent, d'inédit. Mais bon, le Punisher, ce n'est pas Spawn ou le maître des arts mystiques... Tenter de transformer le justicier urbain par excellence, sans le moindre pouvoir si ce n'est la haine féroce pour les criminels et un armement lourd, en une créature céleste objet d'un contentieux entre les forces du bien et du mal, qui résident dans les cieux, c'est une gageure impossible. L'histoire finit par patiner sur place et offrir des moments embarrassants, comme lorsque Castle découvre qu'il est revenu d'entre les morts, et qu'il peut faire apparaître par magie de gros flingues qui carburent à l'énergie mystique. Wrightson n'a pas l'air de trop y croire non plus et ne force pas son talent. Son trait est lourd et plus maladroit qu'à l'accoutumée, et la couleur trop foncée plus un encrage pataud renforcent l'impression d'un travail de commande vite exécuté. Le pire est dans la conclusion. Le Punisher a un nouvel objectif : descendre ceux qui le méritent, pour un jour être réuni avec sa famille, là où les justes vont, éternellement heureux, pour un happy family ending in the sky. N'en jetez-plus, c'est très mauvais pour votre glycémie.
Petit post scriptum supplémentaire. J'ai dit en exergue "presque" pire moment de l'histoire du Punisher. Car juste ensuite une seconde mini série va voir le jour, avec Wolverine en guest-star, toujours par le duo Golden & Sniegolski, et dessinée par Pat Lee et Alvin Lee, qui vont livrer des planches dégueulasses, répugnantes. On ne le dira jamais assez, Garth Ennis a sauvé la vie du Punisher, messieurs dames. S'il n'était pas arrivé juste après ce massacre, Frank Castle serait mort et enterré depuis des lustres.
A lire aussi :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous nous lisez? Nous aussi on va vous lire!