L'inflation des séries super-héroïques continue. La dernière en date à s'offrir à nous est celle consacrée aux Inhumains, un projet que nous n'aurions jamais osé rêver voir se concrétiser il y a seulement quelques années, puis qui fut programmée pour une sortie cinéma, repoussée, et annulée. Alors que vaut vraiment cette série commandée par ABC, et qui aux dernières rumeurs a bel et bien risqué d'être éliminée par la chaîne, avant même d'être diffusée (et ceci après une avant-première prévue dans les cinémas équipés pour la technologie IMax)? Soyons honnêtes, il s'agit d'un produit réalisé et tourné à la hâte et cela est évident dès que nous regardons les deux premiers épisodes, montés sous forme d'un film bon marché, avant le reste de la première et à coup sur ultime saison. Certains des effets spéciaux (et c'est une chose capitale quand on met en scène le peuple des Inhumains) sont vraiment très cheap; par exemple la Reine Médusa et sa chevelure préhensile frôle véritablement le ridicule. Impossible d'y croire une seule seconde, et le personnage est à la limite à de l'antipathie et de l'accident industriel. Alors la production désemparée a trouvé un subterfuge indigne, un tour de passe passe de bas étage, faire en sorte que Maximus et sa crique lui tondent ses atouts capillaires, dès le premier épisode. Une scène à la portée symbolique hautement cruelle, un viol déguisé qui choque le spectateur, mais qui n'a d'autre justification scénaristique que d'éliminer le problème de ces cheveux qu'on se parvient pas à animer correctement. Son mari, Black Bolt, possède plus de prestance et de mystère, ce qui est normal dans la mesure où il ne peut parler et doit uniquement communiquer et s'imposer aux autres par sa présence. Le vrai personnage qui surnage, et qui est un peu plus intéressant que les autres, est le frère Maximus (confié à Iwan Rheon, déjà au cast, avec brio, de Games of Thrones ou de la jouissive Misfits). Son rôle à mi-chemin entre le fourbe comploteur et l'unique Inhumain lucide sur la situation de son peuple, en fait l'électron libre et le véritable ressort narratif -pour le moment- de la série. Crystal est fort jolie et rafraîchissante à regarder, mais ne sert pas à grand-chose. N'oublions pas le petit toutou de la famille, LockJaw, censé pouvoir téléporter les Inhumains là où ils le souhaitent. Je préfère ne même pas en parler... nous sommes là en présence d'un des pires effets digitaux vus ces temps derniers sur petit écran. Une grosse peluche animée, une funko pop à cent mille dollars, et rien d'autre. Est-ce une plaisanterie?
Le carnage continue avec le reste du cast. Karnak devient un cosplayeur avec des problèmes de budget, et Gorgone endosse le costume de ...en fait de rien du tout, tant il est insipide. On aperçoit aussi le jeune Bronaja, qui semble avoir le don de prévenir l'avenir, une manière de faire le lien avec la récente seconde Civil War (dans les comics). S'il faut trouver une chose de juste dans cette débâcle, c'est l'angle de vue et la manière rapide et concise de poser les enjeux. En trente minutes vous avez exposé devant vous l'univers des Inhumains. Les intervenants principaux, la cité d'Attilan et son système inique de classes, la terrigénèse qui transforme les habitants, et les complots de palais qui menacent de détruire une fausse harmonie, avec des tensions sociales et démographiques sous-jacentes. Au moins c'est clair, même si malheureusement tout ceci manque de pathos, d'empathie. Le résumé est efficace et enlevé mais les personnages et le décor sont si fragiles que l'ensemble peine à éveiller l'intérêt. Le vrai moment où la série semble être en mesure de marquer des points est la fuite ou l'exil sur Terre de la famille royale. L'arrivée de Black Bolt est le prétexte à quelques traits d'humour, et on rêverait d'y croire, hélas le piètre Gorgone qui se noie sur une plage hawaïenne (qu'est-il allait faire dans l'océan cet imbécile?) ou Karnak prétendument en mesure d'identifier le point faible en toutes choses, et qui se ramasse de tout son long au bout de dix secondes de descente d'une falaise en free style, trahissent un manque d'idées et d'inspiration qui devient comique. Medusa elle va mieux, et on notera que ses ennemis ont pris le temps de la tondre avec une précision digne d'un excellent coiffeur, la raison pour laquelle elle absorbe vite et bien le traumatisme. Bref, Marvel's Inhumans empile les scènes maladroites, hors sujet (Gorgone sur la plage qui descend une bière avec ses nouveaux potes surfeurs) ou carrément débiles (Crystal qui peut s'enfuir avec son chien, mais réagit avec la promptitude d'une mamie sous anxiolytiques) et on regarde tout ça avec fascination et embarras. Cette fois c'est sûr, les détracteurs habituels de ce genre de séries vont s'en donner à coeur joie, et le pire est qu'on ne pourra rien leur opposer. Car ce qu'il y a de vraiment inhumain là dedans, c'est de prétendre qu'un téléspectateur doive aller au bout des huit épisodes, sans tomber en apoplexie avant. ABC nous a réservé une cruelle punition.
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