SUPERMAN : A TERRE (GROUNDED)

Ce sont parfois les petits détails qui provoquent de grosses conséquences. Prenez le cas de Superman par exemple; il a suffit d'une gifle reçue par une femme en colère, qui lui reproche de ne pas avoir été là alors que son mari mourrait d'un cancer, pour que notre super héros des familles décide de renoncer à son mode de transport habituel (une virée dans les airs, la cape au vent) pour entamer une traversée de l'Amérique à pieds . Un long voyage tout en lenteur pour prendre le temps d'observer analyser et comprendre les vies de tout ces petites gens dont les existences banales finissent par disparaître du regard lorsqu'on passe son temps en orbite autour de la Terre, à appréhender les menaces cosmiques. Il faut dire que Superman viens de subir un revers douloureux; à peine avait-il retrouvé des survivants de son monde originel qu'il a dû accepter l'idée de ne pouvoir les sauver et les a perdus à nouveau. Adieu donc à la nouvelle Krypton et bonjour la dépression, ce sentiment de morosité et de découragement qui assaille Superman et l'oblige à revoir toutes ses perspectives. Bien entendu cette décision de marcher à travers l'Amérique provoque les quolibets et les moqueries de beaucoup de passants et de spectateurs qui ne comprennent pas les motivations de l'homme d'acier; Ses amis et sa femme Loïs n'ont pas non plus tout à fait saisi l'ampleur du doute qui tenaille le héros. C'est finalement Batman qui a le mieux réussi à cerner son ami; lui est un habitué du deuil, un fréquentateur assidu des ténèbres et il sait combien Superman a sa place dans la lumière, et comment parvenir à l'aiguiller pour l'y rediriger avec efficacité. En attendant cette quête à pied ne masque pas non plus une certaine rhétorique patriotique qui peut se révéler irritante pour ceux qui sont allergiques aux valeurs américaines, lorsqu'elles dégoulinent de bons sentiments comme de la confiture mal étalée sur une petite tartine. Superman a beau être un alien venu d'une lointaine planète disparue, ses valeurs sont celles de lAamérique, et il est surprenant de constater que plus encore qu'un doute intime et introspectif, c'est souvent cela qu'il semble chercher à la loupe durant son périple by foot

Superman semble vouloir résoudre tous les problèmes ordinaires des citoyens américains sans recourir à ses super-pouvoirs. C'est le cas par exemple quand il s'agit de sauver une candidature au suicide qui menace de se jeter du haut d'un immeuble, ou d'aller aider un gamin battu par son père. C'est un superman qui recourt au dialogue voire même à la philosophie, lorsqu'il cite le philosophe Thoreau, auteur d'un essai sur l'importance du chemin pour rentrer en contact avec la réalité qui nous entoure; comme si le problème n'était pas ce que fait le héros mais comme se comporte l'humanité qui l'entoure. Le début de la saga est extraordinaire, le scénario est conçu de telle manière qu'il se révèle être d'une grande sensibilité avec des dialogues souvent très intelligents et une construction des planches superbe qui montre à quel point le dessinateur Eddy Barrows a su livré le meilleur de lui-même. Son style très réaliste colle parfaitement au ton du récit, et les couleurs de Rod Reis, qui nous font passer d'une journée ensoleillée à une belle nuit étoilée rehaussent la beauté du monde ordinaire que Superman s'apprête à redécouvrir, pas à pas. Straczynski n'oublie pas de glisser de ci de là des traces évidentes de super-héroïsme plus classique, comme la rencontre avec des extra-terrestres réfugiés sur notre planète, un thème très à l'ordre du jour avec les migrants qui tentent de fuir la misère de leurs pays pour une autre vie, chez nous. Mais toujours abordé sous un angle humain, humanisé, qui s'adresse aussi bien au coeur qu'à la raison. Hélas, ce petit bijou de narration finit par s'étioler, notamment quand le scénariste cède sa place à Chris Roberson, qui a pour mission de suivre un vague synopsis et de proposer une conclusion à cet arc narratif. Et là c'est plutôt bâclé, avec des événements qui viennent en partie contredire ce qui a été proposé avant (comme la rencontre avec la Wonder Woman d'alors, elle aussi confiée aux soins de Stracz) et qui tempèrent fortement la première partie de l'album. On retrouve des épisodes plus classiques, moins introspectifs, bien moins émouvants, pour tout dire un poil ennuyeux. Un grand dommage que ce Grounded (A Terre en Vf) ne conserve pas sa qualité initiale jusqu'à son terme, car ça aurait pu être un petit chef d'oeuvre. Au final il reste une aventure intrigante, avec de belles fulgurances poétiques, une vraie intention d'arpenter d'autres chemins (comme Superman le fait de manière moins métaphoriques) mais qui perd un peu de son honnêteté et de sa clarté en cours de route.  (Sorti chez Urban, cet album reprend les épisodes #700 à #174, avec quelques oublis en route...)


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